Effets de la réhabilitation légale à l’égard d’une peine complémentaire prononcée à titre définitif

La réhabilitation de plein droit est susceptible de déployer ses effets à l’égard d’une peine complémentaire prononcée à titre définitif dès lors que le délai d’épreuve fixé par l’article 133-13 du code pénal est échu.

Le 29 janvier 2008, un individu est condamné à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve de trois ans ainsi qu’à une peine complémentaire d’interdiction définitive d’exercer toute profession médicale ou paramédicale.

Réhabilité de plein droit en application de l’article 133-13, 3°, du code pénal, il sollicite l’effacement de sa peine d’interdiction du bulletin n° 1 du casier judiciaire sur le fondement de l’article 798-1 du code de procédure pénale.

Cependant, par un arrêt du 27 février 2024, la chambre de l’instruction près la Cour d’appel de Lyon déclare sa requête irrecevable au motif que l’interdiction définitive d’exercer toute profession médicale ou paramédicale n’a pas fini d’être exécutée. Le condamné se pourvoit en cassation.

Il rappelle d’une part que, conformément à l’article 133-16, alinéa 1er, du code pénal, la réhabilitation est censée effacer toutes les incapacités et déchéances. Il réfute d’autre part l’applicabilité du deuxième alinéa de l’article 133-16 disposant que « la réhabilitation ne produit ses effets qu’à l’issue d’un délai de quarante ans lorsqu’a été prononcée, comme peine complémentaire, une interdiction, incapacité ou déchéance à titre définitif ».

La chambre criminelle de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au visa de l’article 798-1 du code de procédure pénale et des articles 133-13 et 133-16 du code pénal. Par un argumentaire fort pédagogique, elle apporte d’utiles précisions sur l’articulation des deux formes d’habilitation et sur l’application dans le temps de la réhabilitation légale.

La distinction entre la réhabilitation légale et la réhabilitation judiciaire

La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a opéré un rapprochement entre la réhabilitation légale (ou de plein droit) et la réhabilitation judiciaire, deux formes de réhabilitation pourtant situées aux « deux extrêmes du postsentenciel » (Rép. pén., v° Réhabilitation, par M. Herzog-Evans, n° 7). Elle a effectivement limité les effets de la réhabilitation légale à l’effacement des bulletins nos 2 et 3 du casier judiciaire et prévu que la personne dont la condamnation a fait l’objet d’une réhabilitation légale doit demander l’effacement de celle-ci du bulletin n° 1 suivant la procédure et les modalités prévues par les articles 785 à 798-1 du code de procédure pénale consacrés à la réhabilitation judiciaire des personnes physiques.

L’article 786, alinéa 3, du code de procédure pénale prévoit que le délai de cinq ans à compter duquel la réhabilitation peut être demandée par les personnes condamnées à titre principal à une sanction pénale autre que l’emprisonnement ou l’amende « part de l’expiration de la sanction subie ». Ainsi, une peine d’interdiction prononcée à titre définitif n’ayant, par définition, aucune date d’expiration, la chambre de l’instruction a cru devoir déclarer la requête en effacement irrecevable. Elle s’est notamment fondée sur un arrêt dans lequel la demande en réhabilitation formée par un individu condamné à une peine d’interdiction définitive du territoire a été jugée irrecevable au motif que cette peine n’avait pas fini d’être exécutée (Crim. 28 févr. 2018, n° 16-84.441, Dalloz actualité, 12 mars 2018, obs. D. Goetz ; D. 2018. 1711, chron. E. Pichon, G. Guého, G. Barbier, L. Ascensi et B. Laurent  ; AJ pénal 2018. 210, obs. J. Falxa ).

Cependant, d’après la Cour de cassation, l’article 786 précité ne s’applique qu’à la réhabilitation judiciaire et, de surcroît, qu’aux sanctions pénales prononcées à titre principal (pt 17 de l’arrêt). Or, en l’espèce, la demande en effacement s’inscrit dans le cadre d’une réhabilitation légale et concerne une peine complémentaire. Il n’y a donc pas lieu d’exiger que la peine d’interdiction d’exercer toute profession médicale ou paramédicale ait fini d’être exécutée pour que la réhabilitation puisse produire ses effets. Cette exigence ne vaut que pour la réhabilitation demandée en justice et pour une peine prononcée à titre principal.

En résumé, la Cour ne distingue pas là où l’article 798-1 du code de procédure pénale ne distingue pas. La frontière entre les régimes des deux formes d’habilitation étant mieux tracée, il lui restait à déterminer le délai à l’issue duquel la réhabilitation de plein droit est appelée à produire ses effets.

L’application dans le temps de la réhabilitation légale

Bien que l’article 133-16, alinéa 1er, du code pénal se limite à disposer que la réhabilitation « efface toutes les incapacités et déchéances » sans mentionner les interdictions, la jurisprudence a précisé que l’interdiction d’exercer une profession prend fin avec la réhabilitation du condamné (Crim. 14 oct. 1971, n° 71-90.165 P, D. 1972. 501, note G. Roujou de Boubée ; 7 janv. 1972, n° 71-91.342 P, D. 1972. 501, note G. Roujou de Boubée). Cette affirmation ne valait toutefois qu’à défaut de disposition légale contraire.

La loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines a opéré une réduction du domaine « exceptionnellement large » (Rép. pén.,  Réhabilitation, préc., n° 23) de la réhabilitation légale. Elle a modifié le deuxième alinéa de l’article 133-16 du code pénal pour prévoir que la réhabilitation ne produirait ses effets à l’égard des interdictions, incapacités et déchéances prononcées comme peines complémentaires et à titre définitif qu’à l’expiration d’un délai de quarante ans. Cela étant, comme le fait valoir la Cour de cassation (pt 11), cette modification n’est applicable que pour les condamnations qui concernent des faits commis après la publication de la loi du 27 mars 2012 précitée, soit le 1er janvier 2015 (Loi n° 2012-409 du 27 mars 2012, art. 13, Dalloz actualité, 29 mars 2012, obs. C. Fleuriot). La cassation est d’ailleurs prononcée au visa de l’article 133-16 du code pénal dans sa rédaction antérieure à cette loi.

Les faits ayant été commis antérieurement à cette date, il n’y a pas lieu de suspendre les effets de la réhabilitation à l’expiration du délai de quarante ans. Seul s’applique le délai de dix ans courant à compter de la date à laquelle la peine de dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve de trois ans est non avenue. Ce délai étant échu, la réhabilitation acquise doit nécessairement produire ses effets à l’égard de la peine complémentaire, dont le condamné est par conséquent fondé à solliciter l’effacement du bulletin n° 1 de son casier judiciaire (pt 16).

En plus d’être contra legem, juger le contraire aurait renforcé le caractère exceptionnel, voire « illusoire » (X. Pin, Droit pénal général, 16e éd.,  Dalloz, coll. « Cours », 2024-2025, p. 740, n° 768), de la réhabilitation légale (sur ce point, v. égal., C. Jacquin-Ravot, La notion de condamnation pénale, Thèse Lyon, 2020, p. 393, n° 555).

 

Crim. 18 juin 2025, FS-B, n° 24-82.201

par Angéline Coste, Docteure en droit privé et sciences criminelles, qualifiée aux fonctions de maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3

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