Énergies renouvelables : la loi est publiée, un peu allégée après le Conseil constitutionnel

Si le Conseil constitutionnel a validé les principales dispositions de la loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables, onze cavaliers législatifs ont été censurés. Planification territoriale, simplification des procédures, déploiement de l'éolien en mer et du solaire, redistribution de la valeur générée seront bien mis en œuvre. Panorama des mesures validées et de celles censurées.

La France est à la traîne sur ses objectifs de déploiement des énergies renouvelables. Pour rattraper ce retard, et au regard de l’urgence climatique, énergétique et géopolitique, la loi du 10 mars 2023 doit impulser un coup d’accélérateur à la production d’énergies renouvelables.

Son objectif est de lever tous les verrous qui retardent le déploiement des projets d’énergies renouvelables en divisant par deux le temps d’instruction des projets pour les sécuriser face aux recours.

Le projet de loi a été présenté en conseil des ministres, le 26 septembre 2022, par la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Examiné en procédure accélérée, ce texte a fait l'objet d'un accord devant la commission mixte paritaire (CMP) le 24 janvier 2023. Il a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 31 janvier 2023 et par le Sénat le 7 février 2023.

Le 9 février dernier, le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l’article 61, alinéa 2 de la Constitution, par au moins soixante députés.

Les principaux griefs écartés

Le Conseil constitutionnel a tout d’abord rejeté tous les griefs portant sur la procédure d'adoption de la loi : insuffisance de l'étude d'impact jointe au projet de loi et absence de consultation du Conseil économique, social et environnemental.

Sont également conformes à la Constitution :

  • l'article 17 qui complète l'article L. 311-10-1 du code de l'énergie afin de prévoir la possibilité d'une modulation du tarif de rachat d'électricité pour certains projets de production d'énergies renouvelables retenus dans le cadre de la procédure de mise en concurrence à laquelle l’État peut recourir pour ajuster les capacités de production d'électricité ;
  • l'article 19 qui insère un nouvel article L. 211-2-1 dans le code de l’énergie prévoyant que les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie qui satisfont à certaines conditions sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur de nature à justifier la délivrance d'une dérogation aux interdictions de porter atteinte à des espèces protégées ainsi qu'à leurs habitats. Il insère également un nouvel article L. 411-2-1 au sein du code de l'environnement ;
  • l'article 23. La modification de l'article L. 181-17 du code de l'environnement prévoit que l'auteur d'un recours contre une autorisation environnementale est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur et au bénéficiaire de la décision ;
  • l'article 24 qui insère un nouvel article L. 311-10-4 dans le code de l'énergie instituant un fonds d'assurance facultatif auquel peuvent adhérer certains exploitants d'installations de production d'énergies renouvelables. Il complète l'article L. 121-7 afin d'inclure les montants liés à la dotation initiale de ce fonds dans les charges imputables aux missions de service public en matière de production d'électricité qui sont compensées par l’État ;
  • les articles 40, 41 et 43 relatifs à l'obligation d'équiper certains bâtiments ou parcs de stationnement de procédés de production d'énergie renouvelable ;
  • l’article 56 qui complète l'article L. 219-5-1 du code de l'environnement afin de prévoir qu'un document établit, pour chaque façade maritime, une cartographie des zones maritimes et terrestres prioritaires pour l'implantation d'installations de production d'énergies renouvelables en mer à partir du vent.

Les députés reprochent aussi à la loi de généraliser le recours à l'éolien maritime et terrestre sans prendre en considération le risque qui en découlerait pour la santé des riverains, l'avifaune et la biodiversité marine. Il s’agit là d’une critique générale des choix opérés par le législateur et non d’une contestation d’une disposition précise de la loi. Ce grief est donc logiquement écarté.

Onze dispositions censurées

En revanche, le Conseil constitutionnel a censuré onze articles pour défaut de portée normative ou comme cavaliers législatifs.

L’article 65 qui se borne à prévoir que, pour faciliter l'atteinte des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), l’État, en cohérence avec les collectivités territoriales et leurs groupements, favorise par son action, dans certains ports, les opérations d'aménagement des infrastructures portuaires, industrielles et logistiques nécessaires au développement des projets de production d'énergies renouvelables en mer, est dépourvu de portée normative et donc contraire à la Constitution.

Dix dispositions, considérées comme extérieures à la production d'énergies renouvelables, s'apparentent à des cavaliers législatifs sans objet avec la loi :

  • l'article 46 qui prévoit la remise au Parlement d'un rapport relatif à la réglementation thermique de certains bâtiments ;
  • l'article 48 qui supprime l'interdiction pour les producteurs participant à des opérations d'autoconsommation collective d'en faire leur activité professionnelle ou commerciale principale ;
  • l'article 49 qui prévoit l'obligation pour les organismes d'habitations à loyer modéré d'affecter prioritairement les surplus des opérations d'autoconsommation à la réduction de certaines charges des parties communes ;
  • l'article 55 qui prévoit une expérimentation en vue de remplacer l'utilisation de gaz naturel dans la production d'azote dans les exploitations agricoles ;
  • l'article 79 qui prévoit que, dans le cadre de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets, la valorisation par des installations de production simultanée de chaleur et d'électricité à partir de combustibles solides de récupération peut être pratiquée et soutenue ;
  • l'article 94 qui prévoit la remise au Parlement d’un rapport formulant des propositions relatives à la répartition de la compétence « énergie » entre les collectivités territoriales ;
  • l'article 97 qui complète le contenu du rapport mentionné à l'article L. 2311-1-1 du code général des collectivités territoriales afin de prévoir qu'il doit exposer les actions menées en faveur de la transition énergétique ;
  • l'article 111 qui prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur l'évolution des recettes issues de la fraction perçue en outre-mer sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons, et de l'octroi de mer pour les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ;
  • l'article 113 qui prévoit que l'établissement public Voies navigables de France est tenu de remettre un rapport sur les conditions de développement de la production d'énergie renouvelable et de publier une stratégie pluriannuelle de développement de ces énergies ;
  • l'article 115 qui prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur l'évaluation du potentiel d'utilisation des biocarburants et des bioliquides dans les départements et les régions d'outre-mer afin d'accélérer la transition énergétique dans ces territoires.

© Lefebvre Dalloz