Exclusion de la procédure de passation pour une concession : notion de conflit d’intérêts

La prise en compte, au titre des critères d’appréciation, des engagements obtenus de tiers par les candidats n’est pas susceptible de constituer une situation de conflit d’intérêts, le tiers ne participant pas au déroulement de la procédure de passation de la concession.

La société Consortium Stade de France, qui gérait l’enceinte sportive depuis 1995, a contesté devant le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Montreuil l’attribution au profit de la société GL Events Venues du nouveau contrat d’exploitation du Stade de France. Elle soulevait de nombreux moyens dont l’un était tiré de la méconnaissance du principe d’impartialité.

L’article 2.2 du règlement de la consultation précisait que l’exploitation de l’équipement devait « permettre l’accueil prioritaire des "grands événements" des fédérations françaises de football et de rugby ». Les grands événements n’étaient pas définis par ce projet de contrat, lequel renvoyait à la conclusion de conventions entre le soumissionnaire et les fédérations. Le Consortium du Stade de France soutenait notamment que la société GL Events Venues entretenait de multiples liens avec la Fédération française de rugby, révélant une situation de conflits d’intérêts.

Une définition large de l’obligation d’impartialité

Dans ses conclusions, le rapporteur public, Nicolas Labrune, s’était interrogé sur l’applicabilité du principe d’impartialité aux fédérations sportives dans une telle hypothèse. Il résulte de la définition du conflit d’intérêts par les directives Marchés et concessions que « l’obligation d’impartialité ne pèse que sur l’acheteur public » (G. Pellissier, concl. sur CE 12 sept. 2018, n° 420454, Dalloz actualité, 19 sept. 2018, obs. E. Maupin ; Lebon ; AJDA 2018. 1749 ; ibid. 2246 , note S. Agresta et S. Hul ). Toutefois, l’article L. 3123-10 du code de la commande publique, qui définit le conflit d’intérêts, vise « une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du contrat de concession ou est susceptible d’en influencer l’issue ». « Dans la mesure où les fédérations sont impliquées dans la procédure de passation à travers leurs négociations avec les candidats, il nous paraît difficile d’imaginer ne pas leur appliquer l’exigence d’impartialité », avait estimé Nicolas Labrune.

Pas de participation à la procédure de passation

Pour faire échec au moyen, le Conseil d’État relève qu’« en laissant aux candidats le soin de négocier et conclure un accord avec les fédérations françaises de football et de rugby, […], et en prenant en compte, parmi les éléments d’appréciation du critère n° 4 d’attribution des offres, le "niveau" et la "fermeté" des engagements obtenus des fédérations sportives nationales, sans que soit imposée la conclusion d’un accord avec ces dernières préalablement à l’attribution de la concession, l’État n’a pas fait participer ces fédérations, qui n’étaient pas susceptibles d’en influencer l’issue, au déroulement de la procédure de passation de la concession ».

Elle ne pouvait pas plus utilement soutenir, ajoute la haute juridiction, « que la ligue nationale de rugby se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts, au regard de ses liens allégués avec la société GL Events Venues, dès lors qu’elle ne participait pas au déroulement de la procédure de passation du contrat de concession et n’était pas davantage susceptible d’en influencer l’issue ».

 

CE 17 avr. 2025, Société Consortium Stade de France, n° 501427

© Lefebvre Dalloz