Exclusion du droit de préemption du locataire commerçant en cas de vente sur saisie immobilière

Le droit de préférence du locataire commerçant, d’ordre public, trouve application lorsque le propriétaire d’un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, mais ne s’applique pas en cas de vente judiciaire sur saisie immobilière.

Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation décide que le droit de préemption du preneur à bail commercial ne peut s’exercer qu’en cas de vente volontaire, non en cas de vente forcée sur adjudication.

En l’occurrence, le local loué avait été vendu sur les poursuites d’un créancier du bailleur. Le locataire avait déclaré aussitôt exercer son droit de préemption sur le local adjugé. Mais, peu après, la commune dont dépendait le local loué avait, elle aussi, déclaré exercer son droit de préemption urbain prévu aux articles L. 210-1 et suivants du code de l’urbanisme.

Le locataire avait engagé la procédure pour faire juger que son droit de préemption, exercé avant celui de la commune, devait primer. Ses demandes furent rejetées, tant par les juges du fond que par la Cour de cassation, car le droit de préemption du locataire commerçant ne s’applique pas en cas de vente sur saisie immobilière (à la différence du droit de préemption urbain des communes).

Droit de préemption du locataire

L’article L. 145-46-1 du code de commerce, créé par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, accorde un droit de préemption (ou « droit de préférence », les deux termes étant synonymes) aux locataires commerçants ou artisans, en cas de vente des locaux loués.

Il est prévu que le propriétaire qui « envisage de vendre » le local, doit en informer le locataire, que la notification vaut offre de vente au prix et conditions indiqués, la vente devant ensuite être réalisée dans les délais et conditions détaillés par le texte.

Le dernier alinéa de l’article L. 145-46-1 du code de commerce exclut toutefois ce droit de préemption dans un certain nombre de cas.

Ventes exclues du droit de préemption

Le texte précise que le droit de préemption n’est pas applicable en cas « de cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial » (ce qui vise les centres commerciaux), « de cession unique de locaux commerciaux distincts » (pour une illustration, v. Civ 3e, 29 juin 2022, n° 21-16.452, D. 2022. 1310  ; AJDI 2022. 674 , obs. J.-P. Blatter  ; Rev. prat. rec. 2023. 23, chron. E. Morgantini et S. Gonon ), de « cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux » (v., par ex., Civ. 3e, 17 mai 2018, n° 17-16.113, D. 2018. 1070  ; AJDI 2018. 605 , obs. J.-P. Blatter  ; ibid. 578, étude P. Viudès et F. Roussel  ; RTD com. 2018. 605, obs. F. Kendérian ), ou de vente à un copropriétaire, au conjoint du bailleur, à un ascendant ou à un descendant du bailleur ou de son conjoint.

Indépendamment de ces exclusions, la jurisprudence a été amenée à préciser le domaine d’application du texte. Il a ainsi été jugé qu’il s’appliquait à des locaux à usage de bureaux (Paris,1er déc. 2021, n° 20/00194, Gaz. Pal. 1er mars 2022. 51, note Ch.-E. Brault).

Mais en revanche, la Cour de cassation a décidé que, le texte visant les locaux à usage commercial ou artisanal, le droit de préemption ne s’appliquait pas en cas de vente d’un local industriel (Civ. 3e, 29 juin 2023, n° 22-16.034, D. 2023. 1309  ; ibid. 1897, édito. D. Guével  ; AJDI 2023. 762 , obs. J.-P. Blatter  ; Administrer 8-9/2023. 24, note J.-D. Barbier).

Par l’arrêt présentement commenté, la Cour de cassation complète la définition du domaine d’application de l’article L. 145-46-1 du code de commerce et décide qu’une vente sur saisie immobilière n’entre pas dans les prévisions du texte.

Domaine d’application limité aux ventes volontaires

L’article L. 145-46-1 du code de commerce vise expressément le propriétaire qui « envisage de vendre » le local loué. Cette expression implique que la vente soit décidée par le propriétaire lui-même, autrement dit qu’il s’agisse d’une vente volontaire.

Exclusion d’une vente sur saisie

C’est pourquoi une vente judiciaire, sur saisie immobilière, n’ouvre aucun droit de préemption au locataire. Une vente forcée est exclue du domaine d’application du texte.

Cette décision avait été annoncée par un précédent arrêt qui avait implicitement exclu du domaine d’application du texte une « vente judiciaire », le motif déterminant de l’arrêt étant toutefois le fait qu’il s’agissait d’une cession globale (Civ. 3e, 17 mai 2018, n° 17-16.113, D. 2018. 1070  ; AJDI 2018. 605 , obs. J.-P. Blatter  ; ibid. 578, étude P. Viudès et F. Roussel  ; RTD com. 2018. 605, obs. F. Kendérian ).

 

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