Extension de l'accord professionnel sur l'écriture de documentaires audiovisuels

Publié au JORF le 5 mars, un arrêté du 22 février 2023 a procédé à l'extension de l'accord du 23 janvier 2023 relatif à la rémunération minimale globale du dossier de présentation de projets documentaires de 52 minutes et plus. Cet accord avait été négocié par le syndicat professionnel d'auteurs la Garrd, la fédération d'associations La Boucle documentaire et les organisations professionnelles représentatives de producteurs (Satev, Spect, Spi, Uspa), ainsi qu'enfin par l'organisme de gestion collective Scam.

Il s’agit du premier accord en faveur d’une rémunération minimale pour l’écriture d’une œuvre, revendiquant être signé sous l’égide de l’ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021 qui transpose la directive (UE) n° 2019/70 du 17 avril 2019 (v. Communiqué de presse des organisations signataires du 23 janv. 2023). L’accord concerne plus précisément l’écriture des dossiers de présentation d’œuvres audiovisuelles documentaires. Il consacre le principe d’une rémunération minimale pour les auteurs de 2 000 € brut hors taxes dont 1 000 € définitivement acquis quel que soit le financement obtenu auxquels s’ajoutent 1 000 € complémentaires dès lors que le producteur cumule 6 000 € de financement dédié à l’œuvre quelle qu’en soit la provenance (aide CNC automatique ou non, préachat, Procirep, collectivités locales …). Cet accord peut être qualifié d’historique pour deux raisons.

En premier lieu, les réalisateurs de documentaires, comme leurs confrères de la fiction, sont présumés coauteurs de l’œuvre (CPI, art. L. 113-7), mais également présumés salariés du producteur (C. trav., art. L. 7121-2 et L. 7121-3). Néanmoins, ils sont les seuls techniciens de la convention collective de la production audiovisuelle signée le 13 décembre 2006, en dehors du producteur et du directeur général, à ne pas bénéficier de salaire minimum. Des discussions menées depuis de nombreuses années à ce sujet apparaissent enfin sur le point d’aboutir (Pétition lancée par ADDOC, le Groupe 25 Images, le SFR-CGT et la SRF, avec 756 réalisateurs signataires au 30 janv. 2009). C’est néanmoins par le biais de leurs travaux d’écriture que ces réalisateurs vont pouvoir bénéficier d’une rémunération minimale, qui n’aura pas la qualité de salaire.

En second lieu, c’est la première fois qu’un accord collectif destiné aux auteurs de l’écrit, quel que soit le secteur dans lequel exercent ces derniers (théâtre, audiovisuel, cinéma, livre etc.), vient encadrer la rémunération due aux auteurs au titre du contrat onéreux de louage d’ouvrage, c’est-à-dire au titre de la commande d’écriture qui est convenue avec le producteur.

Si cet accord a d’ores et déjà été rendu obligatoire par arrêté du ministère de la Culture du 22 février 2023, il convient d’observer que son périmètre est relativement limité, et que sa base légale d’extension est sujette à discussion. Il pose une nouvelle définition aux termes « Dossier de présentation » dont l’aménagement, rendu possible, pose également un certain nombre de questions juridiques et politiques. Enfin il passe sous silence la question de l’application de la présomption de cession des droits d’auteurs prévue par l’article L. 132-24 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que celle du régime social de la rémunération minimale prévue.

Un premier accord collectif sur la prestation caractéristique d’écriture

L’accord entend s’appliquer « à tous les contrats de production audiovisuelle signés à compter du 23 janvier 2023 », alors même que la prestation caractéristique qu’il vise est celle du louage d’ouvrage.

Cette qualification de « contrat de production audiovisuelle » engendre de la confusion, car elle n’a pour autre objet que de rattacher le contrat, de manière visible, à un certain nombre d’obligations, liées à la cession des droits, dérogatoires au droit commun de la propriété littéraire et artistique. En ce sens, il s’agit d’une qualification dont la temporalité suit une première prestation caractéristique.

Ici l’accord n’a précisément pas pour objet de prévoir une rémunération minimale au titre de la cession des droits. Il entend au contraire assurer à l’auteur une rémunération indépendante de toute exploitation de l’œuvre. Autrement dit, ladite rémunération est due même si le producteur décide finalement de ne pas produire l’œuvre. La prestation caractéristique de l’accord n’est donc absolument pas la cession des droits de l’auteur, mais « l’écriture d’un dossier de présentation », intervenant non pas dans le cadre de l’exploitation de l’œuvre audiovisuelle, mais dans le cadre de sa création et de sa conception. La qualification de « contrat de production audiovisuelle » apparaît donc devoir être écartée, la prestation caractéristique du contrat consistant en la « commande du dossier de présentation d’un projet documentaire ». La qualification de contrat de travail doit l’être aussi, l’accord étant établi « hors taxes » et « sans préjudice de l’existence d’un lien de subordination et d’une rémunération conforme au code du travail et/ou accords collectifs du travail, applicables à cet égard ».

Dès lors, seule la qualification de contrat de louage d’ouvrage, prévue par l’article 1710 du code civil, reflète la volonté des parties. « Le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ». En l’espèce, le louage d’ouvrage est le contrat par lequel l’auteur s’engage à remettre un dossier de présentation au producteur, moyennant la rémunération minimale prévue par l’Accord.

En dépit d’une qualification juridique erronée, il ne faut pas sous-estimer la portée historique de l’accord. C’est en effet la première fois qu’un accord professionnel destiné aux auteurs vient encadrer et reconnaître une rémunération minimale au titre du contrat onéreux de louage d’ouvrage. En ce sens, l’accord s’inscrit pleinement dans le sillage des recommandations de la mission du CSPLA sur le contrat de commande, qui avait conseillé de ne pas légiférer pour encadrer ce contrat, mais de renvoyer aux organisations professionnelles le soin de le faire (P. Sirinelli et S. Dormont, Mission du CSPLA sur le contrat de commande, déc. 2020).

Le périmètre de l’accord

L’article 1 de l’accord précise qu’Il ne s’applique que pour les œuvres audiovisuelles documentaires d’une durée supérieure ou égale à 52 minutes, susceptibles de relever du répertoire de la Scam, et destinées à une première exploitation audiovisuelle par des éditeurs de services de télévision ou des services de médias audiovisuels à la demande. Sont par conséquent exclus les projets cinémas, et tous les autres formats audiovisuels de documentaires inférieurs à 52 minutes, qui représentent environ 50 % des œuvres déclarées à la Scam (Le documentaire à la télévision française 2018, Étude Scam).

La possibilité d’appliquer l’Accord aux « documentaires empruntant aux Codes du magazine et du reportage », communément qualifiés de « reportages », n’est pas tranchée par l’Accord (Mission « Documentaire empruntant aux Codes du magazine et du reportage » confiée à Y. Jeanneau en juillet 2016, par F. Bredin, présidente du CNC). En pratique toutefois, l’usage consistant à déposer un dossier de présentation aux diffuseurs est peu voire pas pratiqué pour les programmes des cases « magazine et divertissement”.

Généralement, leur format est inférieur à 52 minutes. Enfin, les reportages sont le plus souvent écrits et réalisés par des journalistes en lien de subordination avec leur agence de presse, producteur ou diffuseur. Il est par conséquent peu probable que l’Accord leur soit appliqué.

Une base légale discutable pour l’extension de l’accord

L’article 5 de l’accord précise que les parties demandent l’extension du présent accord par arrêté de la Ministre en charge de la Culture, conformément aux dispositions prévues à l’article L. 132-25-1 et à l’article L. 132-25-2 du code de la propriété intellectuelle, ce qui a été fait. Ces deux articles du code de la propriété intellectuelle établissent pourtant une distinction entre, d’une part, les accords traitant des pratiques contractuelles ou des usages professionnels entre auteurs et producteurs (art. L. 132-25-1) et, d’autre part, ceux traitant de la rémunération proportionnelle par mode d’exploitation et le cas échéant des conditions dans lesquelles des auteurs peuvent bénéficier d’une rémunération complémentaire après amortissement du coût de l’œuvre (art. L. 132-25-2). Deux articles qui, rappelons-le, sont la résultante, de la scission opérée, par l’ordonnance du 12 mai 2021 précitée, au sein de l’ancien article L. 132-25-1 du code de la propriété intellectuelle qui traitait, lui, des « accords relatifs à la rémunération des auteurs, ainsi que ceux traitant des pratiques contractuelles ou des usages professionnels entre auteurs et producteurs ».

Dans sa nouvelle rédaction, l’article L. 132-25-1 ne fait plus référence à la rémunération, laissant ce soin à l’article L. 132-25-2. Or, si ce dernier traite bien de rémunération, c’est exclusivement, de « rémunération proportionnelle » en tant que contrepartie d’une cession de droits. Pourtant, l’objet de l’accord n’est pas de traiter de la rémunération proportionnelle prévue pour l’exploitation de l’œuvre, mais bien de fixer une rémunération forfaitaire minimale pour l’auteur, dans le cadre de la création et de la conception d’une œuvre audiovisuelle, c’est-à-dire dans le cadre du contrat de louage d’ouvrage prévu par l’article 1710 du code civil.

Si l’arrêté d’extension vise les deux dispositions (CPI, art. L. 132-25-1 et L. 132-25-2), l’on peut s’interroger sur le sens de viser une disposition (la seconde) qui ne concerne que la rémunération proportionnelle due aux auteurs, totalement hors de sujet en l’espèce. Viser par ailleurs l’article L. 132-25-1 du code de la propriété intellectuelle sous-entend que les termes « pratiques contractuelles ou usages professionnels » figurant dans cet article incluraient la rémunération forfaitaire / à valoir ou minimum garanti prévu entre auteurs et producteurs, ce qui laisse sceptique au regard de la modification intervenue en 2021.

Si le préambule de l’accord prend soin de préciser que, sur ce point, l’ordonnance du 12 mai 2021 transposant la directive du 17 avril 2019, a créé un nouvel article L. 132-25-2 dans le code de la propriété intellectuelle qui « complète » le dispositif de l’article L. 132-25-1, cette interprétation n’a pas de valeur particulière.

Il est d’autant plus permis de s’interroger que les deux articles renvoient à des dispositions singulièrement différentes : les accords collectifs sur les pratiques contractuelles et usages professionnels sont facultatifs, et n’ont pas de durée minimum ou maximum imposée par la loi. À l’inverse, les accords sur la rémunération proportionnelle ont une durée comprise entre un et cinq ans, et le pouvoir réglementaire se réserve la possibilité d’en préciser les modalités et conditions par décret en Conseil d’État, à défaut pour les organisations de producteurs et d’auteurs d’y parvenir. La base légale donnée à la ministre de la Culture pour prendre un tel arrêté d’extension est donc discutable, ce qui fragilise juridiquement l’accord.

La création d’une définition flexible du « Dossier de présentation »

L’Accord entend renvoyer, s’agissant de la définition du « Dossier de présentation » au Glossaire annexé à la Charte des usages du 24 janvier 2020 (le Glossaire), repris en annexe de la Charte Tripartite du 19 janvier 2022 (la Charte FTV). Pour rappel, le « Dossier documentaire » est défini par ces deux précédents accords comme un ensemble de documents présentant le projet d’une œuvre documentaire, parmi une liste de huit textes pouvant faire l’objet d’une remise par un auteur et/ou d’une commande par un producteur (le Résumé, le Synopsis, le Séquencier, le Scénario, la Note d’intention de l’auteur, la Note de réalisation, le Commentaire, la Bible documentaire). Cette liste n’a pas vocation à « obliger les (…) producteurs ou productrices à les commander en totalité », de sorte que la commande d’un seul de ces textes permettrait en principe la qualification de « Dossier documentaire ».

La Charte FTV a créé de fait une distinction avec la notion de Dossier documentaire, en précisant que « Les dossiers de présentation des projets de documentaires d’une durée égale ou supérieure à 52 minutes, ou élaborés sous forme de série ou de collection, comprenant un synopsis, une note d’intention et une note de réalisation, doivent avoir fait l’objet d’un contrat (option, cession…) signé entre I’Auteur•rice et le/la Producteur•rice ». Or, l’accord entérine avec un « D » majuscule cette définition de « Dossier de présentation », comme « comprenant le synopsis, la note d’intention et la note de réalisation de l’œuvre tels que définis dans le Glossaire documentaire annexé à la Charte des usages du 24 janvier 2020 ».

Il devrait s’agir concrètement d’un document comprenant entre 9 et 18 pages, étant précisé que les organisations ont expressément exclu toute valeur contraignante à ce nombre de pages, qui n’est donné qu’à titre indicatif. Si l’accord entérine la définition de Dossier de présentation posée par la Charte FTV, son article 2.2 en permet l’aménagement en précisant que le producteur n’a pas l’obligation d’en commander l’écriture complète à l’auteur :

« En cas d’écriture partielle d’un dossier de présentation de projet documentaire ne comprenant qu’une partie de ses éléments constitutifs, la négociation se fait de gré à gré sans obligation d’application de la rémunération minimale définie dans le présent article, sans préjudice toutefois de la signature d’un contrat et d’une rémunération à due proportion du travail accompli.

Dans cette hypothèse, il est précisé en tant que de besoin que l’écriture partielle par un auteur du dossier de présentation d’un projet documentaire (à titre d’exemple, l’écriture d’une seule une note de réalisation, le reste du dossier ayant été constitué par la société de production) est réputée respecter l’obligation stipulée à l’article 1 de la Charte Tripartite du 19 janvier 2022 ».

Outre que cet aménagement pose problème en prévoyant un principe d’interprétation d’un accord auquel l’un des signataires (France Télévisions) n’est pas partie, l’article 2.2 reconnaît à la société de production la possibilité d’écrire jusqu’à deux des trois textes prévus pour le dossier de présentation, en lieu et place des auteurs. Ainsi, dans l’exemple cité par cet article, on pourrait en déduire que c’est la société de production qui écrit le synopsis, et laisse à l’auteur le soin d’écrire la note d’intention.

La rédaction n’est pas à l’abri de la critique. Envisager qu’une personne morale puisse ainsi écrire ce texte crée une confusion entre les notions « d’auteur » et de « titulaire de droits » et constitue évidemment une atteinte au fondement même du droit d’auteur, qui ne reconnaît la qualité d’auteur qu’aux seules personnes physiques.

Enfin, et surtout, l’aménagement prévu fait que s’il manque l’un des éléments censés constituer le Dossier de présentation (synopsis ou note d’intention ou note de réalisation de l’œuvre), l’accord ne sera pas applicable, l’accord renvoyant à une négociation de gré à gré.

L’article 2.2 ouvre ainsi la possibilité de s’exonérer, à peu de frais, de l’application de l’accord, tout en permettant au producteur de revendiquer être dans l’application de l’obligation stipulée à l’article 1 de la Charte Tripartite du 19 janvier 2022.

Le silence de l’accord quant à la cession des droits de l’auteur

L’accord reste muet quant au sort des droits de l’auteur sur le dossier de présentation remis au producteur. En conséquence, il semble laisser aux parties le soin d’apprécier l’opportunité de déroger à la présomption réfragable de cession des droits, prévue au profit du producteur par l’article L. 132-24 du code de la propriété intellectuelle.

Une organisation syndicale, non signataire de l’accord, le SFR-CGT, a récemment mis en garde les auteurs sur ce point. Dans un communiqué du 13 février 2023, elle indique que « cet accord ne doit en aucun cas s’inscrire dans le cadre d’un contrat définitif de cession de droits d’auteur » et qu’il ne concerne que la rémunération d’un travail d’écriture, et non pas la cession des droits sur ce travail, qui doit faire l’objet d’un contrat ultérieur. Elle recommande ainsi la signature d’un contrat d’option pour une durée limitée de six mois.

Il paraît pour le moins regrettable que l’accord n’ait pas expressément encadré le sort des droits de l’auteur. L’intention des parties semble ici de limiter à la prise d’une option cette question.

Ainsi l’article 2.3 fait directement référence à l’usage consistant à conclure une option pour les projets qui n’ont pas fait l’objet d’une commande préalable. Pour ces projets, cet article précise qu’il n’y a pas lieu à verser la rémunération minimale prévue par l’accord, ce qui semble évident au regard de l’objet même de la prestation qu’elle rémunère, à savoir la commande de l’écriture du dossier.

En outre, il paraîtrait pour le moins curieux qu’un accord professionnel qui se revendique de l’article L.132-25-2 ne précise pas les rémunérations proportionnelles dues pour chaque mode d’exploitation, tout en permettant la présomption de cession prévue par l’article L. 132-24, qui impose pourtant de fixer ces rémunérations.

Il n’est donc pas exclu que certains producteurs entendent profiter de l’état de risque financier des parties, au moment de la signature de l’accord concernant l’écriture du Dossier documentaire pour fixer des rémunérations particulièrement basses en contrepartie de la cession de leurs droits.

Une telle pratique serait contraire à l’objectif de l’accord qui « est de définir une rémunération minimale globale affectée à l’écriture du dossier de présentation du projet documentaire qui intervient en amont de la présentation du projet aux éditeurs de services, dans des conditions particulières de risque pour les auteurs et les producteurs », ce qui ne peut s’inscrire que dans le cadre d’une option.

D’ailleurs, l’article 2.3 de l’accord qui prévoit que : « Le montant affecté à la prise d’une option par le producteur délégué sur un dossier de présentation d’un projet de documentaire qui aurait été préalablement écrit par un ou plusieurs auteurs n’est pas assujetti au respect de la rémunération minimale ». vient à l’appui de cette lecture puisqu’il peut se lire, de façon négative, comme suit : « Le montant affecté à la prise d’une option par le producteur délégué sur un dossier de présentation d’un projet de documentaire qui doit être écrit par un ou plusieurs auteurs est assujetti au respect de la rémunération minimale ».

Il ne peut qu’être recommandé aux auteurs d’être vigilants sur ce point, et de chercher plutôt à négocier un contrat d’option renvoyant à des discussions ultérieures le soin de fixer les taux de rémunération proportionnelle.

Quid du régime social des rémunérations ?

L’accord ne précise pas le régime social des rémunérations minimales à verser à l’Auteur et indique seulement qu’il s’agit de sommes brutes hors taxes. Il prévoit en principe la livraison par l’auteur d’un synopsis, d’une note d’intention ainsi que d’une note de réalisation. Il n’y a dans ce cas aucun doute à ce que la rémunération versée à l’auteur puisse être qualifiée de rémunération artistique au sens de l’article R. 382-1-1 du code de la sécurité sociale, ouvrant droit pour l’auteur au bénéfice de la protection sociale du régime des salariés.

En effet, l’article R. 382-1-1 du code de la sécurité sociale, dans sa nouvelle rédaction issue du décret n°2020-1095 du 28 août 2020, reconnaît expressément cette qualification aux rémunérations versées en contrepartie de la conception ou de la création, qu’il distingue ainsi des droits d’auteurs versés au titre de la cession. En revanche, il nous semble que contrairement aux droits d’auteur qui peuvent faire l’objet d’une déclaration en TS, d’un précompte de cotisations sociales par le producteur, et d’une dispense pour l’auteur d’établir une facture, les rémunérations liées à la création sont déclarées en BNC. Et puisqu’elles n’impliquent pas encore à ce stade de diffusion de l’œuvre, elles ne sont pas susceptibles de précomptes et elles nécessitent, du reste, une facture avec numéro de Siret en bonne et due forme.

Autre point sensible, la question du traitement social des rémunérations semble plus délicate lorsqu’en vertu de l’article 2.2 de l’accord précité, le synopsis et la note d’intention seront écrits par la société de production (sic…), l’auteur étant alors uniquement rémunéré pour l’écriture d’une note de réalisation. En effet, s’il ne fait aucun doute que la sécurité sociale des artistes-auteurs reconnaît depuis toujours la qualité d’auteur à celui qui écrit le synopsis, il convient de noter qu’elle se montre particulièrement exigeante sur d’autres textes.

Ainsi les personnes ayant simplement eu l’idée d’une œuvre (pitchs), ou les directeurs artistiques, ne peuvent bénéficier du régime social afférent aux rémunérations artistiques prévues par l’article R. 382-1-1 (Fiche 2S2A, « Activités exclues »).

En outre, la jurisprudence est de plus en plus restrictive à reconnaître une protection par le droit d’auteur aux simples projets, exigeant de ces derniers qu’ils portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur, celle-ci étant appréciée souverainement par les juges, au travers de choix personnels quant aux lieux, intervenants, et ambiance où ceux ci-seront mis en scène, ainsi que quant à l’agencement des thèmes envisagés (B. Montels, Un an de droit de l’audiovisuel, CCE n° 6 - juin 2022).

En conséquence, un simple résumé, ou une note de réalisation ou d’intention qui s’avérerait trop vague, se bornant à présenter une thématique qui pourrait parfaitement être développée par un autre auteur, pourrait se voir refuser la protection par le droit d’auteur.

Ces difficultés conduisent à conseiller aux auteurs et aux producteurs l’établissement de Dossier de présentation complet (synopsis ET note d’intention ET note de réalisation de l’œuvre), afin, l’accord étant applicable, de permettre la qualification de rémunération artistique au sens de l’article R. 382-1-1 du code de la sécurité sociale et d’éviter toute requalification des sommes versées.

 

* Christophe Pascal indique qu’il est intervenu en tant que conseil pour la sfr-cgt, organisation syndicale qui n’a pas pris part aux négociations de l’accord

 

© Lefebvre Dalloz