Filiation à l’égard de la mère génitrice dans un couple de femmes : pour la CEDH, la possibilité d’adoption suffit
Le droit allemand, qui permet l’adoption par sa mère génitrice de l’enfant conçu par assistance médicale à la procréation (AMP) au bénéfice d’un couple de femmes est conforme à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et ne viole ni le droit de l’enfant, ni celui de chaque femme au respect de sa vie privée et familiale.
Jusque devant la Cour européenne, une certaine routine semble s’installer (J.-P. Marguénaud, La femme et l’enfant de son ex-compagne ou conjointe, RTD civ. 2022. 349
). La présente affaire, relative une fois encore à la filiation de l’enfant d’un couple de femmes, témoigne de la constance d’un combat porté peut-être moins par elles-mêmes que par les tiers qui soutiennent leur cause. Elle rappelle des précédents récents impliquant la France, auxquels ce nouvel arrêt fait d’ailleurs de nombreux renvois (CEDH 24 mars 2022, C. E. et autres c/ France, nos 29775/18 et 29693/19, Dalloz actualité, 21 avr. 2022, obs. J.-J. Lemouland ; D. 2022. 1342
, note H. Fulchiron
; ibid. 2023. 855, obs. RÉGINE
; AJ fam. 2022. 336, obs. M. Saulier
; ibid. 240, obs. A. Dionisi-Peyrusse
; RTD civ. 2022. 349, obs. J.-P. Marguénaud
; ibid. 371, obs. A.-M. Leroyer
; JCP 2022, n° 20-21. 657, note A. Gouttenoire ; RJPF 2022, n° 5, note J. Boisson et A. Gouëzel). Mais elle s’en distingue aussi par plusieurs aspects. Car la question centrale de la filiation à l’égard de l’épouse ou de la compagne de la mère était ici directement posée, alors qu’elle ne l’était que de façon indirecte et davantage sous l’angle de la possession d’état et de l’organisation des relations d’un couple séparé dans les affaires antérieures. Surtout, la compagne était ici la mère génitrice de l’enfant avec lequel elle avait donc un lien biologique.
Deux femmes résidant en Allemagne, l’une allemande (née en 1975) l’autre française (née en 1966, mais le gouvernement français ne s’est pas prévalu de son droit d’intervenir dans la procédure), ayant conclu en 2010 un partenariat enregistré, se sont rendues en Belgique pour faire pratiquer une réception d’ovocytes issus de la partenaire (ROPA). La première a fourni un ovule fécondé in vitro par le sperme d’un donneur anonyme. L’enfant ainsi conçu a été implanté chez la seconde femme (qui a accouché en août 2013), inscrite à l’état civil comme la mère de l’enfant. La case prévue pour l’autre parent a été laissée vide. Dès octobre 2013, la mère génitrice a saisi les juridictions allemandes d’une demande d’enregistrement comme (seconde) mère de l’enfant sur le registre des naissances. Le Tribunal aux affaires familiales de Cologne rejeta la demande, faisant observer que le législateur allemand avait délibérément opté pour l’interdiction du procédé auquel les requérantes avaient eu recours en Belgique « pour éviter, dans l’intérêt de l’enfant, toute dissociation de maternité ». En outre, il a considéré que les requérantes disposaient au travers de l’adoption, d’une voie leur permettant de devenir toutes deux mères de l’enfant. La Cour de Cologne confirma ce jugement, observant que le droit allemand ne prévoyait de coparentalité que pour le père et la mère et que la dissociation de la maternité revendiquée ne pouvait résulter que d’une infraction au droit pénal. En 2014, les requérantes engagèrent une procédure d’adoption de l’enfant par sa mère génitrice, adoption qui fut prononcée en 2015 par le Tribunal de Cologne.
Nonobstant, les deux requérantes agissant au nom de leur enfant et en leur nom, ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une requête alléguant, en raison du refus des autorités allemandes de constater que la mère génétique était aussi le parent de l’enfant, à la fois une violation de leur vie privée et familiale (Conv. EDH, art. 8) et un traitement discriminatoire par rapport aux couples hétérosexuels ayant recours à une AMP avec donneur (Conv. EDH, art. 14).
Le droit allemand et les thèses en présence
La Cour rappelle les textes internes applicables en matière de filiation (le droit allemand prévoit comme le droit français que la maternité résulte de l’accouchement, art. 1591 BG) et de partenariat (possibilité pour un partenaire d’adopter l’enfant de l’autre), ainsi que la jurisprudence de la Cour fédérale de justice et d’autres juridictions. Spécialement, la Cour fédérale de justice a eu l’occasion de se prononcer sur la demande de l’épouse ou de la compagne de la mère gestatrice d’obtenir un statut de coparent. Elle a considéré que le droit allemand ne connaissait qu’une seule mère légale et ne prévoyait pas de comaternité ni de présomption de maternité en faveur de l’épouse de la mère gestatrice. Elle a estimé dans un arrêt du 10 octobre 2018 que cette situation ne contrevenait ni à la Constitution ni à la Convention européenne des droits de l’homme et que jusqu’à une éventuelle modification législative, l’épouse de la mère devait passer par l’adoption pour obtenir un statut légal. Cette jurisprudence a soulevé des réticences de la part de certaines cours d’appel qui ont saisi la Cour Constitutionnelle fédérale devant laquelle deux affaires sont pendantes. D’ailleurs, dans un arrêt antérieur du 20 avril 2016, la Cour fédérale de justice avait admis que la loi applicable et la réserve d’ordre public n’excluaient pas, en application du droit d’Afrique du Sud, d’enregistrer la partenaire de la mère comme deuxième parent.
Ni la qualité à agir des requérantes, ni leur droit d’agir au nom de l’enfant mineur n’étaient discutés. On note cependant que devant les juridictions internes deux curateurs avaient été nommés qui avaient tous deux invité les juges à rejeter la demande en considération de la législation allemande et de l’intérêt de l’enfant. L’applicabilité de l’article 8 ne faisait pas de doute non plus, la notion de vie privée pouvant englober les liens affectifs créés et développés entre un adulte et un enfant en dehors des situations classiques de parenté. « Il en va tout particulièrement ainsi pour l’enfant concerné, la filiation dans laquelle s’inscrit chaque individu étant un aspect essentiel de son identité » (§ 40).
Restait la question de fond d’une violation ou non du droit à la vie privée et familiale.
De façon habile, c’est l’intérêt de l’enfant qui était mis en avant par les requérantes, et son droit de voir reconnaître sa filiation à l’égard de deux femmes qui « par leur décision et leur contribution génétique et biologique, ont été à l’origine de sa naissance et se sont occupées de lui dès sa venue au monde ». L’ambition de faire ainsi évoluer le droit allemand et de provoquer une révision du droit de la filiation n’est pas dissimulée (§ 42). On comprend ainsi que pour les requérantes, l’adoption qui a été accordée n’est en aucun cas une réponse satisfaisante à la violation alléguée.
De son côté, le gouvernement a fait observer que la vie familiale n’a pas été empêchée et que la mère génitrice a pu disposer d’un droit de codécision sur les questions touchant à la vie quotidienne de l’enfant. Il estime que la législation allemande, qui fonde la maternité sur l’accouchement et refuse une maternité partagée, poursuit un but légitime mettant en balance des intérêts publics et des intérêts privés. Le choix qui a été fait répond à un besoin social fondé sur la considération de l’intérêt de l’enfant, en raison des risques que présente pour lui une maternité fragmentée (§ 48). Le gouvernement a aussi mis en avant les exemples de droit comparé et le fait que la majorité des États excluent la possibilité d’une double maternité ou ne la reconnaissent qu’en cas d’adoption. Il insiste sur le fait que la situation en l’espèce n’a été rendue possible que par le contournement d’une interdiction prévue par le droit allemand en se rendant à l’étranger. Enfin, il indique qu’une réforme du droit de la filiation est en cours pour envisager notamment les situations comme celles de l’espèce.
Obligation positive des États mais large marge d’appréciation
La Cour européenne n’a guère tenu compte de cette perspective de réforme, à la différence de l’arrêt précité du 24 mars 2022 qui consacrait un long développement au système français de reconnaissance conjointe mis en place par la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 et même à la possibilité de demande d’adoption en cas de désaccord, alors qu’elle n’est devenue effective qu’avec la loi du 21 février 2022. Il faut dire que la réforme allemande n’en était qu’au début de sa réflexion, brutalement interrompue par l’éclatement de la coalition gouvernementale. Il reste que le ministre de la Justice de l’époque, Marco Buschmann, avait présenté en début d’année 2024 un projet de réforme du droit de la famille, qui envisageait de ne plus obliger les couples de femmes à passer par la voie de l’adoption en cas d’AMP avec donneur. L’objectif était de « tenir compte des nouveaux modèles familiaux » et de permettre à l’enfant d’avoir deux mères (et seulement deux…) en vertu du droit de descendance, sans que pour autant soit remise en cause la référence à l’accouchement comme fondement premier de la maternité.
En revanche et sans surprise, la Cour européenne reprend les principes posés dans son arrêt du 24 mars 2022 en considérant qu’il y a lieu d’examiner les griefs des requérants sous l’angle de l’obligation positive des États de garantir aux personnes le respect de leur vie privée, mais de leur reconnaître sur la question posée une large marge d’appréciation. Deux arguments militent en ce sens. D’abord, l’absence de consensus des États européens sur la question de savoir « si et comment une mère génétique non gestatrice d’un enfant peut être enregistrée comme (seconde) mère de celui-ci » (§ 64 ; la décision reprend l’analyse de droit comparé du gouvernement et comptabilise les États qui admettent une coparentalité automatique ou une adoption, § 36). Ensuite, la nécessité pour les autorités allemandes de mettre en balance des intérêts publics et des intérêts privés (§ 65). Comme dans les arrêts antérieurs, la Cour porte son appréciation sur le respect d’un juste équilibre entre ces deux catégories d’intérêts et elle n’exerce qu’un contrôle de conventionnalité tempéré.
Appréciation du juste équilibre entre les intérêts en présence
La Cour distingue entre le droit au respect de la vie familiale et le droit au respect de la vie privée.
Sur le premier point, l’éviction du grief est rapide. La Cour réitère sa volonté habituelle de statuer en considération de la situation concrète des intéressés. Or, elle constate qu’en l’espèce, leur vie familiale n’a pas été affectée de façon significative : la mère génitrice disposait à l’égard de l’enfant de prérogatives parentales ; les requérantes n’ont pas mis en évidence de difficultés particulières dans le quotidien de leur vie familiale (§ 71 ; comp., CEDH 7 avr. 2022, Callamand c/ France, n° 2338/20, AJ fam. 2022. 338, obs. M. Saulier
; RTD civ. 2022. 349, obs. J.-P. Marguénaud
).
Sur le grief d’atteinte au respect de la vie privée, les développements sont plus conséquents et se distinguent selon qu’il s’agit des femmes ou de l’enfant. Pour les deux femmes et spécialement pour celle ayant accouché, le grief d’atteinte à la vie privée est rejeté, puisque sa maternité a été reconnue sans difficulté sur le fondement de l’accouchement. Il l’est également vis-à-vis de la mère génétique : l’article 8 n’exige pas « qu’un parent d’intention qui est aussi le parent biologique de l’enfant doive bénéficier en droit interne d’une reconnaissance juridique immédiate et automatique de la qualité de parent » (§ 77). Transposant un raisonnement tenu en matière de maternité de substitution (CEDH 16 juill. 2020, D. c/ France, n° 11288/18, D. 2020. 1572, et les obs.
; ibid. 2021. 657, obs. P. Hilt
; ibid. 923, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke
; ibid. 1602, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire
; AJ fam. 2020. 588, obs. M. Saulier
; ibid. 373, obs. A. Dionisi-Peyrusse
; RTD civ. 2020. 865, obs. A.-M. Leroyer
) et repris dans l’arrêt précité C.E c/ France du 24 mars 2022, la Cour conclut que l’obligation de la mère génitrice à passer par la voie de l’adoption ne constitue pas une violation du droit au respect effectif de sa vie privée (§ 78).
L’obligation de passer par l’adoption ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale
Le fondement de la décision est particulièrement développé à l’égard de l’enfant qui est le premier à pouvoir se plaindre de l’absence de reconnaissance du lien maternel génétique et de l’atteinte ainsi portée au droit de connaître sa filiation.
La Cour européenne fonde son appréciation sur deux facteurs : l’intérêt supérieur de l’enfant et la marge d’appréciation des États.
Opérant ici encore un rapprochement avec des affaires de gestation pour autrui, elle rappelle que le droit de l’enfant au respect de sa vie privée exige que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance du lien entre l’enfant et sa mère d’intention, spécialement lorsque celle-ci est aussi la mère génétique. Mais elle souligne que, spécialement dans des situations de procréation médicalement assistée, un État peut édicter des règles à caractère absolu visant à promouvoir la sécurité juridique, sans pour autant enfreindre l’article 8. « À cet égard, […] l’attribution exclusive du rôle de mère légale à la mère gestatrice n’a pas uniquement une dimension de prévention générale à l’égard de futurs parents potentiels : elle sert aussi à attribuer de manière univoque et immédiate l’enfant à sa mère légale et à protéger le bien-être de l’enfant dans l’éventualité où des conflits surviendraient entre les deux partenaires réclamant le rôle de mère » (§ 89). Il faut néanmoins en examiner les effets produits. Or la Cour relève que la mère génitrice a eu la possibilité d’adopter le requérant sans rencontrer aucun obstacle dans cette démarche (l’adoption a été prononcée plus de 2 ans après la naissance mais le délai aurait pu être raccourci). Il faut un mécanisme effectif permettant la reconnaissance du lien de filiation, mais une procédure d’adoption peut répondre à cette exigence, car la marge d’appréciation des États doit être ample sur les moyens à mettre en œuvre pour établir un lien juridique entre l’enfant et son parent d’intention.
Pas de traitement discriminatoire
Sur le grief de violation de l’article 14 combiné avec l’article 8, pour traitement discriminatoire par rapport à un couple hétérosexuel ayant donné naissance à un enfant conçu par PMA avec donneur, la réponse de la Cour est brève (§ 107). Reprenant une formule consacrée, la Cour rappelle que l’article 14 « interdit de traiter de manière différente sans justification objective et raisonnable des personnes placées dans des situations comparables ». Tel n’est pas le cas en l’espèce. Le refus du droit allemand de reconnaître des maternités dissociées et l’interdiction de pratiques telles que celle utilisée en l’espèce relève de la marge d’appréciation des États. Il en résulte que la mère génitrice se trouve dans une situation qui n’est pas comparable à celle d’un homme bénéficiaire d’une présomption de paternité ou d’un droit de reconnaître l’enfant. Cette argumentation avait été développée par la Cour dans un arrêt antérieur concernant l’Allemagne (CEDH 7 mai 2013, Boeckel et Gessner-Boeckel c/ Allemagne, n° 8017/11).
Il importe de signaler que la décision a été rendue à l’unanimité.
Une décision rassurante ?
La question peut être posée au niveau européen et au niveau de la France.
On a pu craindre (ou espérer, c’est selon) à la suite de l’arrêt précité C.E. et autres c/ France du 24 mars 2022, que des États européens ne prévoyant pas de dispositif spécifique d’établissement d’une double maternité pour les couples de femmes, seraient mis en difficulté, tant l’arrêt semblait lier la conformité du droit français au dispositif de reconnaissance conjointe anticipée instauré par la loi du 2 août 2021. La présente décision permet de constater qu’il n’en est rien et que la voie subsidiaire de l’adoption reste une solution possible. La vraie question est pour combien de temps ? La comptabilisation minutieuse à laquelle procède la Cour concernant l’évolution de la législation des États membres témoigne de la fragilité de la situation et de la probabilité d’un basculement, dès lors que la législation d’une majorité d’États aura évolué dans un sens plus permissif.
En outre, le satisfecit accordé à l’Allemagne en l’espèce est lui-même fragile car étroitement lié à une procédure d’adoption qui a abouti rapidement et sans encombre. Ce pourrait ne pas toujours être le cas. La procédure d’adoption est soumise à des conditions qui varient selon les législations et qui peuvent être plus ou moins contraignantes. C’est bien ce que lui reprochent celles et ceux qui plaident en faveur d’une comaternité automatique ou volontaire. L’adoption peut se heurter parfois au refus inopiné du parent biologique et de la mère gestatrice en l’occurrence (sur l’appréciation de ce refus en droit français, et le non-renvoi d’une QPC, Civ. 1re, 4 oct. 2024, n° 24-12.533, Dalloz actualité, 25 oct. 2024, obs. M. Mesnil ; AJ fam. 2024. 537, obs. A. Dionisi-Peyrusse
; Bulletin du DP santé, n° 362, obs. J.-J. Lemouland. Elle peut dépendre aussi de l’appréciation du juge en considération de l’intérêt de l’enfant, etc. Autant dire que l’aboutissement n’est pas certain et que l’appréciation de la Cour européenne pourrait ne pas être la même en fonction des situations, des circonstances et des conditions posées par la loi du pays concerné.
La France peut sembler désormais se trouver à l’abri de ces préoccupations. Ce n’est que partiellement exact. Le système de reconnaissance conjointe anticipée mis en place par la loi du 2 août 2021, en dépit de dispositions transitoires (qui ne vont pas sans poser un problème intrinsèque d’égalité de traitement dans le temps, d’une situation légale telle que la filiation) et de leur interprétation pour le moins bienveillante (sur la compréhension de l’intérêt de l’enfant dans le cadre d’une adoption forcée, Civ. 1re, 23 mai 2024, n° 22-20.069, Dalloz actualité, 6 juin 2024, obs. L. Gareil-Sutter ; D. 2024. 1510
, note M. Mesnil
; AJ fam. 2024. 464, obs. L. Brunet
; ibid. 325, obs. A. Dionisi-Peyrusse
; RTD civ. 2024. 631, obs. A.-M. Leroyer
; Bulletin du DP santé, n° 359, obs. J.-J. Lemouland ; Dr. fam. 2024. Comm. 88, note V. Egéa ; RJPF sept. 2024-292/14, obs. A. Gouëzel) ne fait pas table rase du passé. Il ne couvre pas toutes les situations dans lesquelles deux femmes ont pu avoir recours à une AMP avec donneur et laisse donc subsister des espaces dans lesquels l’adoption reste encore à l’heure actuelle, la seule voie envisageable.
Il ne fait pas non plus table rase de l’avenir, puisque le dispositif instauré s’inscrit dans un cadre légal, dont il n’est pas exclu que certaines femmes veuillent s’affranchir en se rendant à l’étranger. Rien ne les empêche cependant, en l’état de la jurisprudence, de procéder à une reconnaissance anticipée en France, et de choisir ensuite en toute discrétion, le lieu de réalisation de l’AMP, pour pouvoir bénéficier par exemple d’une ROPA. Car sur ce sujet précis, le droit français n’est pas clair. Bien qu’il n’y ait pas de prohibition textuelle explicite, le site de l’Agence de la biomédecine indique que la ROPA est interdite. Cette prise de position a été contestée par le Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles (GIAPS), mais elle a été validée par le Conseil d’État qui a jugé qu’au regard du principe d’anonymat, la ROPA n’était pas autorisée en France (CE 19 juin 2024, n° 472649, Dalloz actualité, 25 sept. 2024, obs. D. Vigneau ; Lebon
; AJDA 2024. 1305
; AJ fam. 2024. 425, obs. A. Dionisi-Peyrusse
; RFDA 2024. 937, concl. M. Le Coq
). Il semble pourtant que la pratique existe et qu’elle ne se cache guère (v. sur ce point, DP santé, v° Assistance médicale à la procréation, par D. Vigneau, n° 131). De toute façon, à défaut de pouvoir l’obtenir en France, les cliniques espagnoles ou belges affichent pleine page sur internet, la possibilité qu’elles offrent aux femmes qui le souhaitent d’en bénéficier, pour des raisons médicales, pour des raisons de convenance personnelle, ou pour effacer complètement l’identité du donneur homme. Reste à savoir quelle sera éventuellement la position des tribunaux français à l’égard de reconnaissances anticipées suivies de procréations médicalement assistées qui révéleraient avoir été réalisées en violation du droit français. Le détour possible par l’adoption mérite d’être gardé en mémoire.
CEDH 12 nov. 2024, R.F. et autres c/ Allemagne, n° 46808/16
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