Fin de vie : les députés iront-ils au-delà du projet de loi gouvernemental ?

Ce lundi débuteront les débats en hémicycle sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Ils devraient durer deux semaines. En commission, les députés sont allés au-delà du texte initial, notamment sur les conditions d’accès à l’aide à mourir et le rôle des directives anticipées.

En commission, les débats sur le projet de loi fin de vie (v. D. Vigneau, Dalloz actualité, 21 mai 2024) ont été animés et denses. Ils devraient l’être tout autant en séance : plus de 3 300 amendements ont été déposés. Un chiffre important, qui ne relève pourtant pas d’une obstruction législative. Ces dernières années, les députés ont pris l’habitude d’amender beaucoup (trop) : ainsi 5 400 amendements ont été déposés au récent projet de loi agricole. Le texte devrait être étudié sur deux semaines et plusieurs ajouts de la commission spéciale devraient être au cœur des débats.

Une aide à mourir sans pronostic vital engagé à court ou moyen terme

En commission, les députés ont en effet modifié plusieurs points sensibles du texte. Tout en validant les principales dispositions proposées par le gouvernement, ils ont modifié, contre l’avis de la ministre, les conditions d’accès à l’aide à mourir. Le projet de loi initial la réservait aux majeurs, aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée, présentant une souffrance physique insupportable ou étant réfractaire aux traitements. Dernière critère : être atteint d’une affection grave et incurable engageant le « pronostic vital à court ou moyen terme ». La commission a préféré aller au-delà pour couvrir les affections graves et incurables « en phase avancée ou terminale ».

Pour les députés, le délai d’engagement d’un pronostic vital est parfois délicat à établir pour le corps médical. Surtout, dans le cas de certaines maladies neurodégénératives, les souffrances réfractaires ou insupportables peuvent survenir à des stades précoces de la maladie. Dès lors, ils ont souhaité élargir l’accès à l’aide à mourir.

Toutefois, le gouvernement a déposé un amendement en séance  pour revenir à la condition d’un pronostic vital engagé à court ou moyen terme. La notion de « phase avancée » serait pour lui trop large, intégrant des maladies inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde évolutive grave) et neurodégénératives (stade « avancé » de la maladie de Parkinson ou stade tardif de la sclérose en plaques). Les autres critères, notamment le fait d’être majeur, n’ont pas été substantiellement modifiés en commission.

Les directives anticipées et l’aide à mourir

Les directives anticipées ont fait l’objet d’importants débats en commission. Un amendement a prévu de diversifier leurs supports, pour permettre les directives sous des formes audiovisuelles. Surtout, alors que le gouvernement souhaitait réserver l’aide à mourir aux patients aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée, les députés ont indiqué que les directives anticipées pourraient indiquer le choix individuel d’une aide à mourir au cas où la situation ne permettrait pas « une expression réitérée en pleine conscience ».

Le rapporteur Didier Martin comme le gouvernement souhaitent le retrait de cet ajout. Pour le gouvernement, l’un des équilibres du projet de loi est que le patient doit être apte à manifester sa volonté jusqu’au jour de l’administration de la substance létale, et notamment pour pouvoir renoncer à tout moment à l’aide à mourir.

À noter, la décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ne pourra être contestée que par la seule personne ayant formé cette demande, afin de limiter les recours des tiers. Ce contentieux relèvera de la justice administrative, et non du judiciaire comme le voulait la répartition habituelle des compétences juridictionnelles.

Autre ajout de la commission spéciale qui fait débat : la possibilité d’administration de la substance létale par un tiers volontaire qui n’est pas le professionnel de santé.

Un « délit d’entrave à l’aide à mourir »

La commission a également créé à l’article 18 bis un « délit d’entrave à l’aide à mourir » sur le modèle du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. Ce délit d’entrave existera également en ligne.

Enfin, sur les maisons d’accompagnement qui accueilleront les personnes en fin de vie, la commission a voté qu’elles devront être gérées par des structures à but non lucratif. Le rapporteur propose de revenir sur cet ajout, en relevant que de « solides garanties seront apportées par le cahier des charges » de ces maisons.

 

AN, Texte de la commission spéciale, 18 mai 2024

© Lefebvre Dalloz