Franchise Carrefour : première victoire procédurale de l’association des franchisés

Un important contentieux s’est engagé entre une association de franchisés et quatre sociétés du groupe Carrefour. De nombreuses pratiques et clauses sont contestées. Le ministre de l’Économie est intervenu et sollicite une amende civile de 200 millions d’euros. Par cette première décision, le Tribunal de commerce de Rennes admet que l’association puisse agir contre Carrefour.

1. Contentieux des franchisés Carrefour : épisode 1. Cette note inaugure ce qui est appelé à devenir une saga judiciaire. Relayé par la presse généraliste (Ouest France, 19 janv. 2024 et 4 juill. 2025 ; Les Échos, 3 juill. 2025), ce contentieux engagé le 26 décembre 2023 se cristallise autour de pratiques au sein du réseau Carrefour Proximité, c’est-à-dire les enseignes Carrefour City, Contact et Express.

2. Une brève présentation s’impose. Les enjeux, tant juridiques que financiers, méritent également d’être exposés car de passionnantes questions sont soulevées. Les principaux enseignements de cette première décision, de nature uniquement procédurale, seront ensuite abordés. Les suites de cette affaire seront enfin brièvement évoquées.

Quelle est la configuration du contentieux ?

3. L’origine du contentieux est relativement classique : des franchisés se plaignent de pratiques et de clauses au sein du réseau Carrefour Proximité (infra § 5). Si l’origine du contentieux est banale, sa configuration est beaucoup plus singulière. Il implique d’abord, et là se situe l’originalité, non pas les franchisés à strictement parler, mais une association constituée par ces franchisés afin de défendre leurs intérêts (l’Association des franchisés du groupe Carrefour, comptabilisant plus de 150 membres ; ci-après AFC). La présence de ce protagoniste, qui n’est pas lié par les contrats de franchise, confère au litige une coloration particulière (infra § 7). Le contentieux implique ensuite quatre sociétés du groupe Carrefour (CPF, supervisant le réseau de franchise ; CSF, fournisseur ; Profidis et Selima, détenant des participations au capital des franchisés dans le cadre du montage de franchise participative évoqué, infra § 6). Ce contentieux implique enfin le ministre de l’Économie, intervenu volontairement le 11 juin 2024, et qui sollicite, au titre de prérogatives lui étant réservées, une amende de 200 millions d’euros contre Carrefour.

4. Ce contentieux se joue également devant une juridiction particulière : le Tribunal de commerce de Rennes. La compétence de ce tribunal s’explique par sa qualité de juridiction spécialisée en matière de pratiques restrictives de concurrence (C. com., art. L. 442-4, III et annexe 4-2-1). Rien d’étonnant donc que les quatre sociétés du groupe Carrefour, établies à Mondeville dans le Calvados (14120), soient attraites devant la juridiction rennaise, même si cela a été contesté au motif que des clauses d’arbitrage ont été stipulées dans les contrats signés par les franchisés (infra § 10).

Pourquoi s’intéresser à ce contentieux ?

5. Au moins trois bonnes raisons invitent à s’intéresser à ce contentieux. La première est élémentaire : de nombreuses pratiques et clauses, parfaitement habituelles en franchise, sont contestées, tant sur le fondement des pratiques restrictives que du code civil (C. com., art. L. 442-1 et ex-art. L. 442-6 ; C. civ., art. 1171). Ce contentieux pourrait donc apporter des éclairages intéressants, notamment sur les horaires d’ouverture des points de vente, les travaux de réparation mis à la charge des franchisés ou l’obligation d’approvisionnement auprès de la centrale. L’aspect le plus sensible se situe toutefois au niveau du prix car l’AFC conteste les prix de vente de pratiqués par la centrale à l’égard des franchisés mais aussi les prix de revente conseillés par Carrefour, qu’elle défend être, en réalité, imposés.

6. La deuxième raison qui invite à s’intéresser à ce contentieux est la mise en cause frontale du montage de la franchise participative. Schématiquement, celui-ci consiste en une prise de participation, généralement minoritaire, du franchiseur dans le capital du franchisé. L’AFC dénonce les excès de ce montage qui nuit à l’indépendance de principe du franchisé et permet un contrôle très – voire trop – poussé de celui-ci. Dit autrement : le droit des sociétés est instrumentalisé pour verrouiller la liberté du franchisé, en l’empêchant, concrètement, de rejoindre un réseau concurrent (parmi plusieurs références, E. Guégan, Le franchiseur associé de la société franchisée. Le guide de l’associé, 1re éd., LexisNexis, coll. « Guides », 2023, p. 79 s. ; La franchise participative, A. Bézert [dir.], LexisNexis, coll. « FNDE », 2024). La mobilité inter-réseau étant une question sensible, à propos de laquelle le législateur est intervenu (C. com., art. L. 341-2), des précisions intéressantes pourraient être apportées.

Le plus intéressant est que le contentieux Carrefour innove car la franchise participative a déjà été contestée mais pour des résultats, côté franchisé, plutôt maigres. Sur le terrain de la liberté d’entreprendre, un arrêt est resté sans écho (Com. 30 mai 2012, n° 11-18.024, Lioser (Sté) c/ ITM région parisienne (Sté), D. 2012. 2717 , note A. Constantin ; ibid. 2013. 732, obs. D. Ferrier ; JCP E 2012. 1641, note B. Dondero ; BJS 2012. 715, note T. Favario). Sur le terrain du droit des sociétés, un arrêt a été rendu (Com. 13 mars 2024, n° 22-13.764, Dalloz actualité, 5 avr. 2024, note E. Guégan et Y. Heyraud ; D. 2024. 856 , note N. Dissaux ; ibid. 1832, obs. E. Lamazerolles, J.-M. Moulin et A. Rabreau ; ibid. 2193, chron. C. Bellino, T. Boutié, C. Lefeuvre et G. Maigret ; Rev. sociétés 2024. 490, note A. Viandier ; RTD civ. 2024. 379, obs. H. Barbier ; RTD com. 2024. 369, obs. A. Lecourt ; CCC 2024. Comm. 77, note N. Mathey ; Dr. sociétés 2024. Comm. 73, obs. R. Mortier ; BJS mai 2024. 6, note D. Schmidt ; ibid. 1, édito F.-X. Lucas ; RDC juin 2024. 72, note J. Heinich). Cet arrêt n’a toutefois pas statué sur l’aspect le plus essentiel, à savoir l’éventuel abus de minorité du franchiseur qui refuserait de voter la dénonciation du contrat (E. Guégan et Y. Heyraud, art. préc., §§ 12 s.). Sur le terrain des procédures collectives, les franchisés peuvent retrouver leur liberté, mais le cadre dérogatoire de cette branche du droit y est pour beaucoup (sur l’ensemble, E. Guégan et R. Mortier, La franchise participative à l’épreuve de la jurisprudence, BRDA 2024, n° 15-16/24, p. 27 s. ; Y. Heyraud, La franchise, Lexbase, coll. « Ouvrage », 2024, § 2-7-3). En l’espèce, de nouveaux arguments sont avancés pour contester le montage. Une question extrêmement intéressante, aux enjeux pratiques considérables, est même soulevée : les pratiques restrictives, notamment le déséquilibre significatif, peuvent-elles s’appliquer aux statuts et pactes d’associés (sur cette question, Y. Heyraud, La franchise, op. cit., § 3-4-1) ? Un passage de la motivation pourrait laisser présager une réponse positive du tribunal (jugement, § 3.3.1.2). Affaire à suivre.

7. La troisième raison qui pousse à s’intéresser à ce contentieux se loge dans le statut particulier du demandeur : comme exposé (supra § 3), le contentieux n’est pas engagé par les franchisés mais par une association (l’AFC). Un mot doit être dit du fondement de cette action et de ses enjeux.

Quant au fondement, pour contester les pratiques et clauses exposées, l’AFC mobilise un article disposant que « l’action est introduite […] par toute personne justifiant d’un intérêt » et que « toute personne justifiant d’un intérêt peut demander […] d’ordonner la cessation des pratiques » (C. com., L. 442-1, I, al. 1er et 2). En l’espèce, un débat a pu s’élever relativement à l’ancienne version de ce texte qui ne précisait nullement que la cessation des pratiques pouvait être sollicitée (ex-art. L. 442-6, III, al. 1er) mais celui-ci a été résolu en faveur de l’AFC (jugement, § 3.6.2).

Quant aux enjeux, l’action de l’AFC est sous-tendue par un objectif bien particulier. Le contentieux est en effet initié par un tiers aux contrats de franchise (l’AFC) dans le but d’obtenir la cessation de pratiques et de clauses en vigueur dans le réseau. Mais un autre objectif, en quelque sorte secondaire, est recherché : permettre aux franchisés, non-parties à l’instance, de se prévaloir ultérieurement, contre Carrefour, de la cessation des pratiques (à supposer, évidemment, que celle-ci soit ordonnée). Cette configuration soulève des questions aussi sensibles que passionnantes. La première porte évidemment sur la confrontation entre la liberté d’action d’un justiciable (ici, l’AFC) et le principe cardinal de force obligatoire des contrats. Dit autrement : privilégier l’action de l’AFC confronte l’accord conclu entre franchisé et franchiseur, qui ont entendu soumettre leur litige à l’arbitrage. Plus encore : ne risque-t-on pas de voir, demain, des associations constituées de façon opportuniste ? Deuxièmement, comment un franchisé – non-partie à l’instance – pourrait-il se prévaloir de la décision contre Carrefour ? Le franchisé ne serait-il pas, à ce stade, contraint par la clause d’arbitrage de son contrat ? La présence du ministre de l’Économie facilitera sans doute la réponse à ces questions car celui-ci s’assurera de la bonne exécution du jugement. Il n’en demeure pas moins que ces questions pourraient rejaillir dans d’autres litiges. On pense notamment à ceux qui se développeront en l’absence de toute intervention volontaire du ministre, laquelle n’a rien de systématique. Des questions aussi sensibles que passionnantes !

Quels sont les principaux enseignements la décision ?

8. Cette première décision est uniquement procédurale. En d’autres termes, et en réponse à l’assignation de l’AFC, Carrefour développait de nombreux arguments sur ce terrain, dans l’objectif de mettre un terme rapide à ce contentieux, c’est-à-dire sans que la validité des pratiques et des clauses ne soit abordée. La décision rendue est toutefois favorable aux franchisés car les arguments de Carrefour ont tous été rejetés par le Tribunal de commerce de Rennes. Arrêtons-nous sur les principaux enseignements.

Compétence du tribunal malgré les clauses compromissoires

9. Malgré la présence de clauses compromissoires, l’AFC a fait le choix de porter le contentieux devant le Tribunal de commerce de Rennes. Deux raisons justifient ce choix. Primo, le recours systématique à l’arbitrage est critiqué par l’AFC, qui soutient, au fond, son caractère abusif (on peut ici anticiper que la problématique du coût sera abordée car un arrêt remarqué a statué sur l’impécuniosité d’un franchisé Carrefour qui devait engager plus de 100 000 € de frais d’arbitrage, Civ. 1re, 28 sept. 2022, n° 21-21.738, Dalloz actualité, 28 oct. 2022, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2022. 2022 , note N. Dissaux ; ibid. 2330, obs. T. Clay ; RTD com. 2023. 571, obs. E. Loquin ; Procédures 2022. 249, obs. L. Weiller ; Gaz. Pal. 8 nov. 2022. 1, obs. L. Larribère). Un certain illogisme aurait donc pu être opposé à l’association : comment, en effet, accepter l’arbitrage tout en défendant son caractère déséquilibré ? Secundo, l’action devant une juridiction étatique permet l’intervention volontaire du ministre de l’Économie, or une telle intervention n’aurait rien eu d’évident dans le cadre d’un arbitrage (C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., Montchrestien,coll. « Domat – Droit privé », 2019, § 345).

10. Eu égard à la présence des clauses compromissoires liant les franchisés, Carrefour en tirait pour conclusion, sur le fondement de l’article 1448 du code de procédure civile, que le Tribunal de commerce de Rennes n’était pas compétent pour connaître des demandes formées par l’AFC.

Pour rejeter l’exception d’incompétence (jugement, § 3.2), le tribunal développe une motivation où se succèdent rappels fondamentaux et passages plus discutables. Au titre des fondamentaux, le tribunal souligne que l’arbitrage suppose une manifestation de volonté, il faut y consentir. L’effet relatif des contrats limite la portée de la clause d’arbitrage aux parties contractantes (i.e. franchisé et franchiseur). Le tribunal procède encore à un parallèle avec l’inopposabilité de la clause d’arbitrage au liquidateur et au commissaire au plan. Ce rapprochement apparaît moins évident car ces entités sont instituées par la loi dans un but précis, ce qui n’est pas le cas de l’AFC. L’essentiel, conduisant le tribunal à opérer une « analogie directe », est toutefois que des intérêts collectifs sont représentés : ceux des créanciers dans le cadre de la procédure collective, ceux des franchisés dans le cadre du présent litige. Le tribunal avance enfin que les demandes de l’AFC ne modifient pas les contrats conclus par les franchisés. L’argument peut s’entendre à propos de la demande en cessation des pratiques. Il apparaît plus discutable à propos des demandes sollicitant le réputé non-écrit de plusieurs clauses : cette sanction modifie ou, pour reprendre le terme employé, « altère » bien les engagements.

11. Carrefour soutenait également que les clauses d’arbitrage devaient être étendues à l’action de l’AFC. L’argument n’a pas plus emporté la conviction du tribunal : les arrêts cités par Carrefour, rendus dans des contextes de groupe de sociétés ou de sous-traitance, sont éloignés de la configuration du litige et ont, surtout, été rendus en matière d’arbitrage international, ce qui empêche tout rapprochement. Le tribunal souligne en outre que, au sens de l’article 2061 du code civil, l’AFC n’a pas succédé aux droits et obligations des franchisés. Au contraire : l’AFC exerce une action qui lui est propre, elle n’est pas mandataire des franchisés et ne se substitue pas à eux. Le tribunal avance enfin que les demandes de l’AFC ne conduit pas à une immixtion dans les contrats conclus avec le franchiseur, ce qui est, comme exposé, plus discutable (supra § 10).

Recevabilité des demandes de l’AFC malgré l’existence de sentences arbitrales

12. Toujours en lien avec l’arbitrage, Carrefour soutenait que les demandes de l’AFC sont irrecevables au motif que des sentences arbitrales, impliquant des franchisés membres de l’association, auraient déjà statué sur des demandes similaires. Dit autrement : Carrefour opposait l’autorité de la chose jugée attachée à ces sentences arbitrales. L’argument n’emporte pas la conviction du tribunal, qui reprend les différentes conditions posées par l’article 1355 du code civil. Or, celui-ci constate que l’identité de partie fait défaut : l’AFC a une personnalité propre, distincte des franchisés. Surtout, le tribunal relève que les sentences arbitrales ne sont pas produites par Carrefour (jugement, § 3.5.1). Cette absence de production s’explique certainement, comme le relève d’ailleurs le tribunal, par la nature intrinsèquement confidentielle de l’arbitrage. On notera toutefois que ces sentences auraient pu être produites mais un passionnant débat se serait alors probablement engagé sur la recevabilité de ces pièces au regard des évolutions récentes du droit à la preuve (Cass., ass. plén., 22 déc. 2023, nos 20-20.648 et 21-11.330, Dalloz actualité, 9 janv. 2024, obs. N. Hoffschir ; D. 2024. 291 , note G. Lardeux ; ibid. 275, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 296, note T. Pasquier ; ibid. 570, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; ibid. 613, obs. N. Fricero ; ibid. 1636, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; JA 2024, n° 697, p. 39, étude F. Mananga ; AJ fam. 2024. 8, obs. F. Eudier ; AJ pénal 2024. 40, chron. ; AJCT 2024. 315, obs. A. Balossi ; Dr. soc. 2024. 293, obs. C. Radé ; Légipresse 2024. 11 et les obs. ; ibid. 62, obs. G. Loiseau ; RCJPP 2024, n° 01, p. 20, obs. M.-P. Mourre-Schreiber ; ibid., n° 06, p. 36, chron. S. Pierre Maurice ; RTD civ. 2024. 186, obs. J. Klein ; JCP 2024. 119, rapp. D. Ponsot et H. Fulchiron ; ibid. 120, note G. Vial ; JCP E 2024. 1042, note C. Golhen ; JCP S 2024. 1028, note S. Brissy ; Procédures 2024. 37, note A. Bugada ; sur les liens entre cette thématique et l’arbitrage, J. Jourdan-Marques, Chronique d’arbitrage, Dalloz actualité, 12 janv. 2024).

L’AFC dispose d’un intérêt à agir (légitime) qui ne contourne pas de règles d’ordre public

13. En se fondant sur la notion d’intérêt à agir (C. pr. civ., art. 31), Carrefour développe deux arguments. Le premier consiste à avancer que l’AFC n’a pas d’intérêt à agir et, conséquemment, que son action est irrecevable. Cet argument est rejeté. Le tribunal considère, notamment en s’appuyant sur l’objet statutaire de l’AFC, que celle-ci a effectivement un intérêt à agir (jugement, § 3.3.2.2). La solution n’étonne pas au regard de l’évolution de la jurisprudence qui, après avoir un temps été réticente, s’avère plus disposée à accueillir des actions judiciaires engagées par des associations (Civ. 2e, 27 mai 2004, n° 02-15.700, Association de sauvetage église de Castels et château de Fages c/ Guérin (Epx), D. 2004. 2931 , obs. E. Lamazerolles ; RTD com. 2004. 555, obs. L. Grosclaude , « Mais attendu […] que, hors habilitation législative, une association ne peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs qu’autant que ceux-ci entrent dans son objet social » ; C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile, 37e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2024, §§ 211 s.).

14. Le second argument convoquait la légitimité de l’intérêt à agir. Selon Carrefour, ce critère de légitimité introduit une « dimension morale » et permettrait de rejeter les demandes de l’AFC car celles-ci contournent des règles d’ordre public (l’impérativité des clauses d’arbitrage, l’autorité de la chose jugée, etc.). L’argument est rejeté, le tribunal estimant avoir déjà répondu à l’ensemble de ces points (jugement, § 3.5.2). Cet argument fait directement écho à ce qui a été précédemment souligné, à savoir que l’action de l’AFC met en tension les deux impératifs que sont la liberté le saisir une juridiction pour une association et la force obligatoire des contrats conclus par les franchisés (supra § 7). Le tribunal ne réceptionne toutefois pas cette conception de l’intérêt à agir, le critère de légitimité n’ayant d’ailleurs qu’une portée modérée en droit positif (sur cette question, C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile, op. cit., § 191).

Et maintenant ?

15. Carrefour a indiqué faire appel du jugement rendu par le tribunal de commerce. Les aspects procéduraux vont donc être réexaminés. Sans anticiper sur la solution, on soulignera seulement que la présence de l’AFC ne doit pas occulter celle d’un autre adversaire, à savoir le ministre de l’Économie. On sait, en effet, que le ministre bénéficie d’un traitement procédural particulier, les clauses d’arbitrage lui étant inopposables (Civ., 1re, 6 juill. 2016, n° 15-21.811, Dalloz actualité, 30 août 2016, obs. X. Delpech ; D. 2016. 1910 , note J.-C. Roda ; ibid. 2025, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2589, obs. T. Clay ; AJ contrat 2016. 444, obs. M. Boucaron-Nardetto ; RTD civ. 2016. 837, obs. H. Barbier ; ibid. 921, obs. P. Théry ; RTD com. 2016. 695, obs. E. Loquin ; CCC 2016. Comm. 214, obs N. Mathey ; Procédures 2016. Comm. 331, obs. L. Weiller). Une certitude, donc : ce passionnant contentieux ne fait que commencer !

 

T. com. Rennes, 3 juill. 2025, n° 2023F00454

par Adeline Thobie, Maître de conférences à Sciences Po Rennes, Docteur en droit, Centre de droit des affaires (EA 3195) et Yann Heyraud, Avocat, Docteur en droit, Centre de droit des affaires (EA 3195)

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