Illicéité de la clause fixant le fermage à une fraction de la récolte du fermier

La clause d’un bail à ferme fixant le fermage à une fraction de la récolte du fermier est illicite, ce qui ouvre une action en régularisation pour fermage illicite

L’article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime permet d’évaluer le loyer des terres nues portant des cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et agrumicoles et des bâtiments d’exploitation y afférents en une quantité de denrées, laquelle doit être comprise entre des maxima et des minima arrêtés par l’autorité administrative. Pour être conforme aux prévisions de ce texte, la clause doit donc se référer aux denrées mentionnées dans l’arrêté préfectoral applicable et respecter les planchers et plafonds par lui fixés.

Lorsque le prix est anormal ou excessif, les parties doivent agir en révision dans les conditions prévues par l’article L. 411-13 du code rural et de la pêche maritime. Tel est le cas lorsque le preneur fonde son action sur le dépassement des quantités de denrées à prendre en considération pour le calcul du fermage (Civ. 3e, 7 févr. 1990, n° 86-18.528 ; 16 févr. 2010, n° 09-11.272). En revanche, lorsque le prix est illicite, c’est-à-dire que les critères présidant à sa fixation ne sont pas conformes aux dispositions légales, les parties doivent exercer une action en régularisation. Dans cette dernière hypothèse, la clause contraire aux dispositions d’ordre public sera annulée. La Cour de cassation estime que c’est le cas lorsque le prix est fixé par rapport à une denrée non prévue par l’arrêté préfectoral (Civ. 3e, 3 févr. 2010, n° 09-12.092, Dalloz actualité, 25 févr. 2010, obs. S. Prigent ; AJDI 2010. 395 , obs. S. Prigent ). Ou encore lorsque le bail prévoit que le loyer est fixé à la valeur en espèces du quart de la récolte produite sur le bien loué, dès lors que la quantité de denrées ne peut fluctuer au cours du bail en fonction de variables non conformes aux dispositions de ces textes (Civ. 3e, 21 janv. 2009, n° 07-20.233, Dalloz actualité, 5 févr. 2009, obs. D. Chenu ; AJDI 2009. 635 , obs. S. Prigent ). Cette jurisprudence est rappelée dans l’arrêt commenté.

Au cas particulier, le preneur sollicitait à titre reconventionnel la nullité de la clause du bail à ferme stipulant « un fermage annuel égal à un cinquième de la récolte produite sur les parcelles louées, fruits bruts, bord de champ, non logés ». L’arrêt d’appel rejette cette demande au motif que le fermage fixé par référence à la denrée visée par l’arrêté préfectoral alors applicable, mais ne respectant pas les minima et maxima fixés par l’autorité administrative, n’ouvre pas au fermier une action en nullité mais une action en révision. Il est censuré par la Cour de cassation, au visa des l’articles L. 411-11 et L. 411-14 du code rural et de la pêche maritime, dont elle déduit que la clause d’un bail à ferme fixant le fermage à une fraction de la récolte est illicite, ce qui ouvre une action en régularisation pour fermage illicite.

À noter que la cour d’appel avait également prononcé la résiliation du bail en invoquant des manquements du preneur. Lui était notamment reproché, le défaut d’assurance contre la grêle, en dépit d’une clause du bail lui en faisant obligation, une installation tardive de filets anti-grêle ayant causé des dégâts aux vergers pendant plusieurs années ainsi que l’absence de surveillance du bon fonctionnement d’un dispositif antigel ayant entrainé la perte d’une récolte. La Cour de cassation censure également cette motivation, insuffisante à caractériser la compromission de la bonne exploitation du fonds.

 

Civ. 3e, 29 févr. 2024, FS-B, n° 22-17.362

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