Indivision pacsimoniale : précisions sur la mise en œuvre de la présomption

Selon l’article 515-5 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, les biens autres que les meubles meublants dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS sont présumés indivis par moitié si l’acte d’acquisition ou de souscription n’en dispose autrement. Il n’est pas nécessaire que l’acquisition soit conjointe pour que la présomption opère. Aussi, le fait que l’acte d’acquisition soit établi au nom d’un seul des partenaires ne suffit pas à renverser la présomption d’indivision égalitaire.

Le 24 janvier 2005, un couple décide de s’engager et souscrit un pacte civil de solidarité (PACS). Après quelques années, les deux partenaires décident de se séparer. Par acte du 18 février 2021, la partenaire (Mme B.) a signifié à son partenaire (M. D.) la rupture de leur PACS. Celle-ci, par acte du 27 avril 2021, assigne Monsieur D. en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision. Le Tribunal judiciaire de Rouen, par un jugement du 7 juillet 2022, énonce que le PACS souscrit par les parties est soumis au régime d’indivision des biens tel qu’il ressort de la loi du 9 novembre 1999 à défaut de stipulation contraire des parties (sous réserve de ce qui est dit dans leur contrat d’engagement de PACS relativement aux chambres et héritages). Le jugement énonce que les meubles non meublants acquis à titre onéreux pendant la durée du contrat de PACS sont présumés indivis sauf si l’acte d’acquisition ou de souscription n’en dispose autrement, étant précisé qu’il n’y a pas lieu de retenir que l’acte d’acquisition en dispose autrement dès lors qu’il est établi au nom d’un seul. Par ailleurs, le tribunal dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les désaccords liquidatifs des parties et a ordonné l’ouverture des opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des parties. Saisie de l’affaire, la Cour d’appel de Rouen (Rouen, 14 sept. 2023, n° 22/02742) confirme le jugement en toutes ses dispositions, hormis en ce qu’il a rejeté diverses demandes de remboursement formées par Monsieur D. lesquelles doivent être intégrées dans les comptes de liquidation par le notaire désigné. Monsieur D. a formé un pourvoi lequel est rejeté par la première chambre civile. Le requérant reproche aux juges du fond d’avoir considéré que les meubles non meublants acquis à titre onéreux pendant la durée du PACS devaient être présumés indivis sauf si l’acte d’acquisition en dispose autrement. Le requérant considère qu’il avait rapporté la preuve de sa propriété exclusive sur deux voitures et trois motos acquises au cours du PACS en justifiant de leur acquisition et en produisant des documents établis uniquement à son nom. Pourtant, la cour d’appel a considéré que bien que l’acte d’acquisition soit établi au nom d’un seul partenaire, il n’y avait pas lieu de retenir que celui permettait d’exclure la présomption d’indivision. La Haute juridiction rejette le pourvoi.

La Cour de cassation était invitée à s’interroger sur le moyen d’écarter la présomption d’indivision pour les biens acquis par des partenaires liés par un PACS en vertu de l’article 515-5 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999. La première chambre civile rejette le pourvoi estimant que « Selon l’article 515-5 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, applicable au litige, les biens autres que les meubles meublants dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS sont présumés indivis par moitié si l’acte d’acquisition ou de souscription n’en dispose autrement » (§ 5). La Haute juridiction valide le raisonnement de la cour d’appel qui « a retenu, par motifs propres et adoptés, que les véhicules, meubles non meublants, acquis à titre onéreux pendant le PACS par le partenaire seul sont présumés indivis dès lors que l’application de la présomption légale n’est pas subordonnée à une acquisition conjointe et qu’il n’y a pas lieu de retenir que l’acte d’acquisition établi au nom d’un seul des partenaires en dispose autrement » (§ 6). Il semble bien que les partenaires soumis à un PACS sous le régime initial n’aient que peu de portes de sortie s’ils n’ont pas eu conscience des enjeux en présence.

En 1999, lors de l’introduction du PACS, le législateur avait opté pour un régime patrimonial supplétif relativement complexe qui a suscité de vives critiques (sur ce sujet, B. Beignier, Pacte civil de solidarité et indivision : visite aux enfers, Defrénois 2000. 620 ; H. Fulchiron, Les présomptions d’indivision et de communauté dans le couple, Defrénois 2001. 949 ; G. Champenois, Les présomptions d’indivision dans le PACS in Des concubinages – Droit interne, droit international, droit comparé – Études offertes à J. Rubellin-Devichi, Litec, 2002, p. 83). En effet, initialement, le régime du PACS instaurait à l’article 515-5 du code civil une présomption d’indivision égalitaire sur les biens acquis par des partenaires, sauf stipulation contraire dans l’acte. De fait, le PACS tel que pensé aux origines, avait une dimension communautaire qui allait bien au-delà des textes applicables au régime de la communauté légale réduite aux acquêts. Les meubles non meublants acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte étaient donc, par principe, indivis sauf si l’acte d’acquisition ou de souscription en disposait autrement. Relativement à ce texte, le Conseil constitutionnel (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, consid. 32, D. 2000. 424 , obs. S. Garneri ; RTD civ. 2000. 109, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 870, obs. T. Revet ) a énoncé que « les parties pourront toutefois décider, soit, pour les meubles meublants, dans la convention initiale ou dans un acte la modifiant, soit, pour les biens autres, dans l’acte d’acquisition ou de souscription, d’appliquer le régime conventionnel d’indivision prévu par les articles 1873-1 et suivants du même code ». Ainsi, il semblait qu’il soit impossible d’écarter la présomption dans la convention initiale ou dans une convention modificatrice pour les meubles non meublants et que seule une disposition spéciale lors de chaque acte pouvait permettre d’échapper à la présomption d’indivision par moitié. Il est donc logique que la simple mention du nom d’un seul des partenaires dans les actes d’achats des véhicules ne suffise pas à écarter la présomption. En effet, la Cour de cassation a rappelé que cette présomption n’était pas subordonnée à une acquisition conjointe et que l’acte établi au nom d’un seul partenaire ne suffisait pas à l’écarter. Seule une stipulation dérogatoire à l’occasion de chaque achat peut renverser la présomption d’indivision au motif que l’acte d’acquisition de ces biens n’indiquait que son nom. Cette solution est logique si l’on tient compte du but même de la présomption d’indivision égalitaire pensée précisément pour ce type de situation. Écarter la présomption à la seule mention du nom d’un seul partenaire conduirait à vider de sa substance la disposition et serait contraire à l’esprit du texte. 

Cet arrêt illustre toutes les critiques qui étaient émises à l’endroit des textes d’origine et qui ont conduit à leur modification par le législateur. En effet, entre temps, la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a modifié le régime applicable aux partenaires et ces derniers ne sont plus soumis automatiquement à une présomption d’indivision de leurs biens. Par principe, le régime par défaut est celui de la séparation des biens.

 

Civ. 1re, 1er oct. 2025, F, n° 23-22.353

par Mélanie Jaoul, Maître de conférences, Université de Montpellier

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