Information du FGAO et de la victime par l’assureur automobile entendant refuser sa garantie : application (quasi) exclusive de l’article R. 421-5 du code des assurances

Les dispositions de l’article R. 421-5 du code des assurances, qui imposent à l’assureur refusant sa garantie à la suite d’un accident survenu à l’étranger d’en informer tant le fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) que la victime, s’appliquent dès lors que la victime n’a pas bénéficié d’une indemnisation par un bureau national d’assurance. Dans ce dernier cas, l’obligation d’information de l’assureur n’existe qu’à l’égard du FGAO et est exécutée dans les conditions fixées à l’article R. 421-68.

Deux précautions valent mieux qu’une… Et qu’il en cuise à l’assureur d’oublier de mettre en œuvre cette maxime, même contre les apparences ! Le code des assurances autorise l’assureur, a priori tenu dans le cadre de l’assurance automobile obligatoire, à refuser sa garantie dès lors qu’il peut faire valoir une exception (absence de contrat, suspension du contrat, absence d’assurance ou assurance partielle opposable à la victime…). Alors, le FGAO a vocation à pallier l’absence d’assurance et à prendre en charge l’indemnisation des victimes (après l’intervention éventuel du bureau central d’assurance) : il est évidemment intéressé à la décision de l’assureur, à la fois pour des raisons de technique assurantielle et pour des raisons tenant à la contestation de la décision de l’assureur qui l’engage.

Le règlement n’ignore pas cet intérêt ; il met à la charge de l’organisme assureur qui refuse sa garantie une obligation d’information du FGAO. L’obligation est d’abord prévue à l’article R. 421-5 du code des assurances, lequel figure – c’est important – à la section I du chapitre 1er du titre II du livre IV. Cette section I est intitulée : « Dispositions aux accidents de la circulation survenu en France métropolitaine, dans les départements d’outre-mer et à Mayotte ». Une obligation similaire figure ensuite à l’alinéa 2 de l’article R. 421-68, lequel est situé dans la section VIII du même chapitre 1er, laquelle section est intitulée « Dispositions particulières applicables aux accidents d’automobile survenus à l’étranger ». Si la finalité des deux textes semble similaire, leurs lettres diffèrent quelque peu. Le premier (C. assur., art. R. 421-5), exigeant, prévoit que « lorsque l’assureur entend invoquer [une exception], il doit, par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, avec demande d’avis de réception, le déclarer au fonds de garantie (…) ; il doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit ». Le second (C. assur., art. R. 421-68, al. 2), plus souple, prévoit seulement que « l’assureur doit déclarer au fonds de garantie l’exception invoquée dans le délai maximal de six mois à compter de la date à laquelle il a eu connaissance des faits motivant cette exception » ; quant à la forme de la communication, aucune indication. À ce stade, tout est clair… pourvu qu’il soit estimé que le plan d’un code participe de la substance de la norme : l’élan serait rigoureux, mais quelque peu incertain tant, d’une manière générale, est déniée au plan tout autre portée que symbolique (voilà qui renvoie à un débat hautement théorique sur la place de l’argument a rubrica, débat qui, relancé par la chambre criminelle de la Cour de cassation, a connu une actualité récente, Crim. 14 avr. 2021, n° 20-81.196, Dalloz actualité, 3 mai 2021, obs. M. Chollet ; D. 2021. 937 , note E. Dreyer  ; ibid. 1564, obs. J.-B. Perrier  ; ibid. 1602, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire  ; ibid. 2109, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire  ; AJ fam. 2021. 257, obs. L. Mary  ; AJ pénal 2021. 257, note A. Darsonville  ; et, à sa suite, C. Dubois, Le plan du code pénal, outil d’interprétation des incriminations, D. 2022. 1477  ; F. Rouvière, L’argument a rubrica, RTD civ. 2022. 1005  et Retour sur l’argument a rubrica, RTD civ. 2023. 501 , renvoyant à J. Riesser, Un titre de loi peut-il convaincre ? étude sur l’argument a rubrica, Droits 2021/2, p. 215).

Les faits de l’espèce – et un peu aussi la lettre du règlement – devaient en l’espèce avoir raison de la rigueur de l’assureur trop peu précautionneux, ou trop confiant dans la plume de l’administration. En 2016, le passager d’une voiture immatriculée en France fut grièvement blessé dans un accident de circulation en Belgique.

L’assureur du véhicule refusa sa garantie à la victime au motif que le véhicule avait été cédé et que, à la suite de cette vente, il avait correctement informé l’assuré de la suppression des garanties quelques semaines avant la survenance de l’accident. La victime ne se tînt pas à ce refus : elle agit contre l’assureur récalcitrant, le FGAO intervenant volontairement à l’instance. Au cours de celle-ci, l’assureur défendit l’exception de prise en charge, défense à laquelle fut opposée la jurisprudence ancrée de la Cour de cassation selon laquelle l’assureur qui n’a pas respecté les exigences d’information prévues à l’article R. 421-5 du code des assurances est irrecevable à se prévaloir d’une exception de non-garantie (Crim. 1er sept. 2015, n° 14-83.357 ; 21 mars 2017, n° 16-81.377 ; Civ. 2e, 30 mars 2023, n° 21-22.392).

L’assureur reconnut n’avoir pas procédé à l’information de la victime et du FGAO par voie de recommandé avec accusé de réception ; il opposa toutefois à l’argumentation de ses contradicteurs celui de l’inapplicabilité de l’article R. 421-5 du code des assurances qui ne régirait, à lire le plan du code, que les accidents survenus en métropole ou dans les départements d’outre-mer (Mayotte étant désormais un département d’outre-mer).

L’accident étant survenu en Belgique, l’assureur plaidait que seul trouvait à s’appliquer les dispositions moins rigoureuses de l’article R. 421-68 du code, dont le plan du code relève qu’il était seul applicable aux accidents survenus étranger. Peine perdue. La cour d’appel et, à sa suite, la Cour de cassation rejettent l’échappatoire au moyen d’une double argumentation textuelle.

En premier lieu, contre le plan apparent du code, la Cour de cassation rappelle les dispositions de l’article R. 421-70 du code des assurances, situé dans la même section que l’article R. 421-68 : « Sous réserve des dispositions de la présente section, les sections I et III et les paragraphes I et III de la section IV du présent chapitre sont applicables à l’indemnisation des accidents d’automobile survenus à l’étranger ». Comprendre simplement que, sauf exception expresse, les règles posées à propos des accidents de la circulation réalisés dans les départements français régissent également ceux survenus à l’étranger. La séparation proposée par le plan du code ne réalise pas une distinction de deux corps de normes distincts et autonomes selon le lieu de l’accident : elle institue davantage une frontière entre des principes dégagés à propos des accidents survenus en France, mais dont la portée est plus vaste, et des exceptions (des adaptations) applicables uniquement en cas de réalisation du sinistre à l’étranger.

En second lieu, la Cour de cassation resitue l’obligation d’information dans la substance de la section VIII. Or, celle-ci, débutant à l’article R. 421-64, n’a pour objet (quasi exclusif) – même si cela n’est pas visible à la seule lettre de l’article R. 421-68 – que de régler les conséquences de l’intervention du bureau central français en cas d’accident de la route réalisé dans certains états, dont les États membres de l’Union européenne (C. assur., art. L. 421-11 et L. 211-4) ou lors d’un trajet reliant directement le territoire de deux États où le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est applicable (C. assur., art. L. 421-12). Le bureau central a deux missions principales : il joue d’abord le rôle d’intermédiaire dans l’échange d’information à la suite de la survenance d’un accident de la route (v. Dir. n° 2009/103/CE du 16 sept. 2009, art. 6) ; il assure ensuite le payement de l’indemnisation de la victime en l’absence d’organisme assureur avant d’en demander remboursement au FGAO auquel en incombe la charge finale.

Or, précisément, le premier article de la section VIII inaugure la règlementation des conséquences de l’intervention du bureau central : « Pour l’application des articles L. 421-11 et L. 421-12, le fonds de garantie rembourse au bureau central français… » (C. assur., art. R. 421-64). Les autres articles, jusqu’à l’article R. 421-69 compris, continuent de régir ces conséquences de l’intervention du bureau central. Une exception seulement, mais qui n’est qu’apparente, l’article R. 421-68 : celui-ci ne se présente pas expressément comme une suite de cette intervention (en réalité, le premier alinéa du texte est ambigu : « Lorsqu’un contrat d’assurance a été souscrit pour garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile découlant de l’emploi du véhicule qui a causé l’accident et si l’assureur invoque une exception pour refuser sa garantie ou en réduire l’étendue, le fonds de garantie doit satisfaire à l’obligation de remboursement prévue à l’article R. 421-64. »).

Voilà qui, par-delà l’intitulé des sections, permet à la Cour de cassation de définir précisément le champ d’application de l’article R. 421-68 et, par jeu de miroir, celui de l’article R. 421-5 : « ce n’est que lorsque la victime a bénéficié d’une indemnisation par un bureau national d’assurance étranger que sont applicables les dispositions de l’article R. 421-68 du code des assurances, qui prévoit que l’assureur qui invoque une exception pour refuser sa garantie ou en réduire l’étendue ne doit la déclarer qu’au FGAO, et non également à la victime ». Et la Cour d’ajouter : « En dehors de cette hypothèse, les dispositions de l’article R. 421-5 du code des assurances, qui imposent à l’assureur d’en informer tant le FGAO que la victime, s’appliquent. » La solution, qui revient à ne tolérer la suppression de l’information de la victime qu’autant que celle-ci a été désintéressée, n’appelle pas de critique.

 

Civ. 2e, 25 janv. 2024, F-B, n° 22-16.966

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