La CADA tire le bilan des évolutions du droit à la transparence
La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) vient de publier son rapport d’activité couvrant 2022 et 2023. L’autorité y tire le bilan des évolutions récentes du droit à la transparence, faisant notamment le point en matière de vie privée, d’informations environnementales, des données de santé et de transparence des algorithmes.
Comme le rappelle en introduction son président Bruno Lasserre, « depuis plusieurs années, l’activité de la Commission d’accès aux documents administratifs est très soutenue et ne cesse de croître ». 10 389 saisines ont été enregistrées en 2023, un chiffre en légère baisse par rapport à 2022, qui était toutefois une année record. Le délai moyen de réponse fut de 52 jours en 2023.
Inscrit dans la loi depuis 1978, le droit d’accès aux documents souffre de l’inertie de certaines administrations. Ainsi, Bruno Lasserre s’étonne que « des refus d’accès soient encore opposés aux usagers sur des documents pour lesquels la doctrine de la CADA est pourtant fixée depuis longtemps ».
Le président de la CADA note que « l’origine des demandes a également évolué » : « désormais, 15 % des saisines de la CADA sont présentées par des journalistes, ainsi que des organismes promoteurs de transparence, tels que des associations, des lanceurs d’alerte et des chercheurs ». Une hausse des demandes qui s’accompagne d’une évolution de la conception du droit. Notre droit prévoit une liste importante d’exceptions et de secrets opposables par l’administration. Mais au nom de la liberté d’expression et du droit d’accès aux documents nécessaires au débat public, la Cour européenne des droits de l’homme pousse à l’instauration d’un contrôle de proportionnalité. Dès lors, la CADA, dans les suites du Conseil d’État (CE 8 avr. 2022, n° 447701, Dalloz actualité, 21 avr. 2022, obs. D. Necib ; Lebon
; AJDA 2022. 776
; ibid. 1520
, note S. Théron
; Légipresse 2022. 279 et les obs.
; RTD eur. 2023. 162, obs. A. Bouveresse
), « procède à une mise en balance de l’intérêt public servi par la divulgation avec le ou les intérêts particuliers servis par le refus de communication », qui peut conduire à écarter certains secrets.
Vie privée, santé, environnement et algorithmes
La CADA profite de son rapport pour faire le point sur plusieurs sujets qui ont été débattus depuis deux ans. Le premier focus porte sur la notion de vie privée.
Régulièrement, la CADA doit rappeler que le nom et le prénom d’une personne physique ne sont pas, en tant que tels, secrets. La commission a aussi mis en œuvre la décision Anticor du Conseil d’État, qui a consacré un droit à la vie privée des personnes morales (CE 7 oct. 2022, n° 443826, Dalloz actualité, 12 oct. 2022, obs. C. Hélaine ; Lebon avec les conclusions
; AJDA 2022. 1924
; ibid. 2238
, chron. T. Janicot et D. Pradines
; D. 2022. 2208
, note M. Cirotteau
; JA 2022, n° 667, p. 9, obs. X. Delpech
; ibid. 2023, n° 676, p. 34, étude B. Clavagnier
; Légipresse 2022. 592 et les obs.
; ibid. 2023. 58, étude G. Loiseau
; RTD com. 2022. 777, obs. A. Lecourt
). Parmi les éléments couverts : les budgets et comptes de la structure, les procès-verbaux des organes délibérants, ou les rapports d’activité. Toutefois, des exceptions existent, notamment pour les organismes privés chargés d’une mission de service public ou ceux ayant bénéficié de subventions publiques.
Autre demande prégnante : l’accès au dossier médical pour les proches d’un patient. Un focus permet de faire le point sur les droits des ayants droits à accéder aux informations.
La CADA procède également à un rappel du droit particulier des informations environnementales et sanitaires. Leur régime dépend non du code des relations entre le public et l’administration mais du code de l’environnement, avec un droit d’accès étendu. D’abord, il porte sur la communication d’informations et non de documents. L’administration peut donc être amenée à « élaborer un document spécifiquement en vue de fournir les informations réclamées, quand bien même elles ne figureraient pas d’ores et déjà dans un document existant ». Le caractère préparatoire des informations n’est pas non plus opposable.
Pour les informations « relatives à des émissions de substance dans l’environnement », certains secrets ne sont pas invocables (secret des affaires, vie privée). De plus, les éventuels secrets doivent être mis en balance avec l’intérêt public que représente la divulgation des informations.
Enfin, la CADA se penche sur les algorithmes. Si le code des relations entre le public et l’administration prévoit qu’il s’agit bien de documents administratifs, de nombreux secrets peuvent s’opposer à leur communication. Ainsi, s’agissant de l’algorithme utilisé par la Caisse nationale d’allocations familiales pour attribuer un score de risque aux allocataires, la CADA a estimé que la communication des critères retenus pour cibler les contrôles risquerait de développer des fraudes. Elle a toutefois accepté (CADA, avis n° 20226179, 15 déc. 2022) la communication des variables utilisées dans les modèles qui n’étaient plus en vigueur.
CADA, Rapport d’activité 2022-2023
© Lefebvre Dalloz