La CEDH sonne le glas de l’interdiction de la procréation post mortem
Le 14 septembre 2023, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est prononcée, à l’occasion de deux requêtes, sur l’interdiction de la procréation post mortem en droit français.
À l’unanimité, elle conclut à l’absence de violation de l’article 8 de la Convention : le refus d’exporter, d’un côté, les gamètes du mari défunt et, de l’autre, les embryons d’un couple dont le mari est décédé, vers l’Espagne, pays qui autorise la procréation post mortem, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée des deux femmes requérantes (§ 89).
Elle précise néanmoins dans un obiter dictum que la loi du 2 août 2021, en ouvrant l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes seules non mariées, pose de manière renouvelée la pertinence de la justification du maintien de l’interdiction dénoncée par les requérantes. La Cour rappelle en effet que malgré l’ample marge d’appréciation dont bénéficient les États en matière de bioéthique, le cadre juridique mis en place par ces États doit être cohérent (§ 90).
La décision Baret et Cabarello, autant que les deux opinions concordantes qui la composent, permet de revenir sur l’interdiction de la procréation post mortem en droit français.
Des hypothèses différentes de procréation post mortem
La procréation post mortem s’entend aussi bien de l’insémination par la femme avec les spermatozoïdes de son conjoint décédé que du transfert des embryons constitués à partir des gamètes du couple dont l’homme est mort : la première requête vise précisément une demande d’exportation des spermatozoïdes tandis que la seconde porte sur les embryons du couple.
Dans la première situation (n° 22296/20), la requérante était en couple depuis de nombreuses années avec un homme, qui, atteint d’une tumeur cérébrale, procède à une conservation de ses spermatozoïdes avant le début de son traitement par chimiothérapie fin 2016. Le décès du mari, survenu le 23 mars 2019, fait obstacle à la deuxième tentative d’insémination.
Dès le 25 mai 2019, la veuve demande l’exportation des gamètes de son mari vers un établissement de santé espagnol au centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS), qui transmet tardivement sa requête à l’Agence de la biomédecine. En l’absence de réponse de l’Agence de la biomédecine, la femme saisit le juge des référés du tribunal administratif car elle ne peut procéder en Espagne à une AMP post mortem que dans les douze mois suivant le décès de son mari soit, en l’espèce, jusqu’au 23 mars 2020. Sa demande est rejetée par le juge administratif, en première instance (TA Marseille, 10 févr. 2020) et en cause d’appel (CE 28 févr. 2020, n° 438854) dans la mesure où le délai de deux mois dont dispose l’Agence de la biomédecine pour se prononcer n’est pas encore écoulé.
Dans la seconde situation (n° 37138/20), l’homme n’a pas procédé à une autoconservation de gamètes en raison d’un traitement médical pouvant altérer sa fertilité mais était déjà engagé avec sa compagne dans un parcours d’AMP alors qu’il était atteint d’une leucémie. Après la naissance de leur deuxième enfant, né en décembre 2018, à la suite d’une fécondation in vitro (FIV), les époux ont procédé à la conservation de cinq embryons en février 2018 et renouvelé la conservation de ces derniers en février 2019. Après le décès de son mari, le 21 avril 2019, la requérante demande le transfert des embryons dans un hôpital à Barcelone afin de poursuivre leur projet familial.
Elle saisit, à cette fin, la justice administrative en référé mais sa requête est rejetée en première instance, dans une ordonnance du 20 décembre 2019, puis en appel par le Conseil d’État, le 24 janvier 2020 (n° 437328, D. 2021. 657, obs. P. Hilt
; AJ fam. 2020. 88, obs. A. Dionisi-Peyrusse
; RTD civ. 2020. 355, obs. A.-M. Leroyer
) : les juges relèvent, à chaque fois que, la demande d’exportation vise à contourner la loi française car la femme, de nationalité française, n’entretient aucun lien avec l’Espagne et ne fait état d’aucune circontance particulière qui justifierait de considérer que l’interdiction porte atteinte à son droit au respect de la vie privée protégée par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales.
Une interdiction absolue de la procréation post mortem
En joignant ces deux affaires, la CEDH est ainsi amenée à se prononcer sur le caractère absolu de l’interdiction de la procréation post mortem en droit français, qui empêche non seulement de mettre en œuvre une telle pratique en France mais également de procéder à l’exportation des gamètes (insémination post mortem) et/ou des embryons (gestation post mortem) à l’étranger.
Pour mémoire, les conditions d’accès à l’AMP applicables aux requérantes étaient celles en vigueur juste avant les modifications apportées par la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique : à l’époque, « l’homme et la femme formant le couple d[evaient] être vivants » et « le décès d’un des membres du couple » faisait « obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons » (CSP, art. L. 2142-2). Une fois que les gamètes ont été préservés, leur exportation doit être autorisée par l’Agence de la biomédecine. Une telle autorisation est délivrée uniquement si « les gamètes et les tissus germinaux [sont] recueillis et destinés à être utilisés conformément aux normes de qualité et de sécurité en vigueur, ainsi qu’aux principes mentionnés aux articles L. 1244-3, L. 1244-4, L. 2141-2, L. 2141-3 et L. 2141-11 du présent code [CSP] et aux articles 16 à 16-8 du code civil ». De même, l’Agence de la biomédecine peut autoriser l’exportation d’embryons en dehors du territoire national mais « ces déplacements d’embryons sont exclusivement destinés à permettre la poursuite du projet parental de ce couple » (CSP, art. L. 2141-9).
L’interdiction de la procréation post mortem, ici implicite, résulte de la mention du projet parental du couple ; elle est toutefois à mettre en perspective avec les options offertes au membre survivant du couple en cas de décès de l’autre, à savoir permettre leur accueil par un autre couple, qu’ils fassent l’objet d’une recherche ou mettre fin à leur conservation (CSP, art. L. 2141-4).
L’interdiction de la procréation post mortem a été introduite en droit français par les premières lois de bioéthique de 1994, à la suite d’une affaire marquante dans laquelle une femme avait obtenu la restitution du sperme de son mari décédé (aff. Parpalaix). Sa remise en cause a, depuis cette date, été discutée à plusieurs reprises.
Les éternuements du droit français
À chacune des révisions de la loi de bioéthique, il a été discuté de l’opportunité de lever l’interdiction de la procréation post mortem. Il s’agissait plus spécifiquement de permettre le transfert d’embryons post mortem lorsque ces derniers ont été conçus alors que le géniteur était encore vivant : cette possibilité avait été introduite lors de la discussion parlementaire des lois de 2004 et de 2011, sans pour autant être finalement adoptée. En parallèle, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est prononcé, dans quatre avis différents, en faveur du transfert d’embryons post mortem (Avis CCNE n° 40 du 17 déc. 1993 ; n° 60 du 25 juin 1998 ; n° 67 du 18 janv. 2001 ; n° 113 du 10 févr. 2011).
Mais c’est surtout à l’occasion d’un contentieux que le Conseil d’État a, compte tenu des circonstances très particulières de l’espèce, autorisé l’exportation de gamètes vers l’Espagne en vue de pratiquer une insémination post mortem. Dans l’affaire Mme Gonzalez Gomez, le Conseil d’État écarte, à l’issue d’un contrôle de proportionnalité, l’application des dispositions relatives à l’interdiction d’exportation des gamètes stockés en France.
Au regard des circonstances de l’espèce et « en l’absence de toute intention frauduleuse de la part de la requérante, dont l’installation en Espagne ne résulte pas de la recherche, par elle, de dispositions plus favorables à la réalisation de son projet que la loi française, mais de l’accomplissement de ce projet dans le pays où demeure sa famille qu’elle a rejointe, le refus qui lui a été opposé sur le fondement des dispositions précitées du code de la santé publique – lesquelles interdisent toute exportation de gamètes en vue d’une utilisation contraire aux règles du droit français – porte, eu égard à l’ensemble des circonstances de la présente affaire, une atteinte manifestement excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l’article 8 de [la Convention] » (CE, ass., 31 mai 2016, n° 396848, § 11, Dalloz actualité, 2 juin 2016, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon avec les conclusions
; AJDA 2016. 1092
; ibid. 1398
, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet
; D. 2016. 1470, obs. M.-C. de Montecler
; ibid. 1472, note H. Fulchiron
; ibid. 1477, note B. Haftel
; ibid. 2017. 729, obs. F. Granet-Lambrechts
; ibid. 781, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat
; ibid. 935, obs. RÉGINE
; ibid. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke
; AJ fam. 2016. 439, obs. C. Siffrein-Blanc
; ibid. 360, obs. A. Dionisi-Peyrusse
; RFDA 2016. 740, concl. A. Bretonneau
; ibid. 754, note P. Delvolvé
; RTD civ. 2016. 578, obs. P. Deumier
; ibid. 600, obs. J. Hauser
; ibid. 802, obs. J.-P. Marguénaud
; ibid. 834, obs. J. Hauser
; RTD eur. 2017. 319, obs. D. Ritleng
).
Cette décision est toutefois aussi remarquée qu’isolée au sein de la jurisprudence du Conseil d’État, qui juge, de manière constante – comme dans les affaires qui ont donné lieu à l’arrêt Baret et Cabarello –, que les refus d’exportation de gamètes et/ou d’embryons vers l’étranger en cas de décès du père ne porte pas atteinte à l’article 8 de la Convention en l’absence de circonstances particulières (CE 13 juin 2018, n° 421333, AJDA 2018. 2278
; D. 2019. 725, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat
; 4 déc. 2018, n° 425446, D. 2019. 725, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat
; AJ fam. 2019. 64, obs. A. Dionisi-Peyrusse
; CEDH 12 nov. 2019, n° 23038/19, CD. 2020. 324
, note A.-B. Caire
; ibid. 735, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat
; ibid. 843, obs. RÉGINE
; AJ fam. 2020. 70, obs. M. Saulier
; CE 28 déc. 2021, n° 456966).
À travers son contrôle de proportionnalité, le Conseil d’État apprécie en fait l’existence d’une fraude à la loi française : l’existence d’éléments d’extranéité, tels que la nationalité espagnole de la requérante, permet ainsi d’écarter le contournement de la loi française. Des juridictions du fond ont pu, exceptionnellement, mettre en œuvre un raisonnement purement compassionnel compte tenu des circonstances de l’espèce (TA Rennes, ord., 11 oct. 2016, n° 1604451, D. 2016. 2392, entretien B. Haftel
; ibid. 2017. 729, obs. F. Granet-Lambrechts
; ibid. 781, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat
; AJ fam. 2016. 514, obs. A. Dionisi-Peyrusse
; RTD civ. 2017. 114, obs. J. Hauser
). L’approche du Conseil d’État, fondée sur la fraude, a pu être dénoncée par l’une des requérantes comme une discrimination entre veuves (art. 14 combiné avec l’art. 8), selon qu’elles sont ressortissantes françaises ou ayant un lien de nationalité avec le pays d’exportation des gamètes. Ce grief a toutefois été rejeté par la Cour qui n’a examiné les affaires qui lui étaient soumises que sous l’angle du droit au respect de la vie privée.
Une absence de violation de l’article 8 de la Convention
Dans l’arrêt Baret et Caballero, la CEDH procède à l’examen de la compatibilité de l’interdiction de la procréation post mortem avec l’article 8 de la Convention et revient sur le contrôle de proportionnalité mis en œuvre par les juridictions administratives françaises dans les situations qui lui sont soumises, et qui comprend une appréciation in abstracto et in concreto.
En l’espèce, la CEDH considère que le refus d’exportation des gamètes et des embryons a « des conséquences caractérisant l’existence d’une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée des requérantes » (§ 65).
Cette ingérence est bien prévue par la loi et le fait que cette dernière puisse être écartée dans certaines situations, en raison de circonstances particulières comme dans l’affaire Gomez, n’est pas source d’insécurité juridique (§ 73).
Cette ingérence poursuit, en outre, un but légitime à savoir la « protection des droits et libertés d’autrui » et de « la protection de la morale » : il s’agit en effet de garantir, d’une part, le respect de la dignité humaine et du libre arbitre et d’autre part, « la conception de la famille, telle qu’elle prévalait à la date des faits litigieux, qui s’est notamment traduite par le refus du législateur d’autoriser le recours à l’AMP, alors conçu comme devant se borner à remédier à l’infertilité d’un couple, pour faire naître un enfant sans père » (§ 77).
Enfin, cette ingérence n’est pas jugée excéder la large marge d’appréciation dont jouit la France en l’absence de consensus européen au sujet de la conception posthume (§ 82). Pour arriver à ce raisonnement, la Cour met en avant le rôle du législateur national, qui doit être décisif sur une question aussi sensible, et le contrôle exercé par les juridictions françaises est jugé tout à fait satisfaisant. Il s’agit en effet d’éviter, en autorisant ces exports, une forme de « dumping » éthique (§ 86 ; v. L. Brunet, Assistance médicale à la procréation et libre circulation des personnes. Le droit français au défi, Ethnologie française, 2017, vol. 47, n° 3, p. 399 s.).
Cette décision est rendue par la CEDH en considération du droit français applicable à la date des faits litigieux, c’est-à-dire avant les évolutions introduites par la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, même si elle tient compte des travaux parlementaires en cours au moment de la saisine des juridictions internes par les requérantes (§ 62).
Un maintien de l’interdit qui manque de cohérence
Si la CEDH conclut à l’unanimité à l’absence de violation de l’article 8 de la Convention pour les refus d’exportation de gamètes et d’embryons opposés à deux femmes avant la loi du 2 août 2021, elle précise toutefois, dans un obiter dictum, que le maintien de l’interdiction de la procréation post mortem après l’ouverture de l’AMP aux femmes seules manque de cohérence. En effet, « l’ouverture, depuis 2021, par le législateur de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules pose de manière renouvelée la pertinence de la justification du maintien de l’interdiction dénoncée par les requérantes » (§ 90).
Les deux opinions concordantes permettent d’éclairer ce positionnement de la Cour.
Pour le juge Ravarani, cette « question épineuse aux forts enjeux éthiques » nécessite que la Cour fasse preuve de self restraint : il rappelle ainsi le rôle subsidiaire de la Cour en matière de sauvegarde des droits fondamentaux autant que la déférence dont il convient de faire preuve pour le travail du législateur français.
Pour autant, il s’interroge sur « la cohérence d’une législation qui, comme l’a résumé parfaitement le Conseil d’État dans l’étude intitulée Révision de la loi bioéthique : quelles options pour demain ?, citée par extraits au paragraphe 24 de l’arrêt, "reviendrait à demander à la femme de procéder au don ou à la destruction de ses embryons, tout en lui offrant la possibilité de procéder seule à une insémination avec le sperme d’un donneur. Si la conception d’un enfant sans père est autorisée, il paraîtrait difficile de refuser l’utilisation des embryons du couple, ou des gamètes de l’homme, alors qu’ils ont été conservés dans le cadre d’un projet parental. Dans cette hypothèse, l’injonction faite à la femme de renoncer à ses embryons pourrait apparaître arbitraire" ? ».
Il ne souscrit par ailleurs absolument pas à l’argument du gouvernement faisant valoir qu’« une femme qui s’engage volontairement dans un projet monoparental et qui conçoit, dès l’origine, un équilibre familial, dans ce cadre, ne serait pas placée dans la même situation qu’une femme qui partageait un projet parental avec son conjoint, interrompu par le décès de ce dernier » et reste perplexe devant « l’incohérence de la réglementation [française] qui privilégie un orphelin issu d’un don de gamètes d’un tiers donneur – selon toute vraisemblance anonyme (CEDH 7 sept. 2023, Gauvin-Fournis et Silliau c/ France, nos 21424/16 et 45728/17) – par rapport à un orphelin dont les parents avaient conçu un projet parental et qui aurait pu, le cas échéant, s’intégrer dans une famille existante ».
Dans son opinion concordante, la juge Elosegui exprime, au contraire, son désaccord à l’égard de l’obiter dictum de la Cour. Pour elle, ce dernier outrepasse le rôle de la Cour en indiquant « à l’État français quelque chose qui va au-delà de cette affaire, sans aucune nécessité pour la Cour de se substituer au législateur » (§ 2). Elle estime « qu’il ne nous appartient pas, à nous juges siégeant à Strasbourg, d’indiquer une manière précise de légiférer après avoir affirmé que l’État dispose d’une large marge d’appréciation en ces matières » (§ 8). Il peut en effet paraître paradoxal que les juges aient conclu, à l’unanimité, à l’absence de violation de l’article 8 dans les deux cas d’espèce dont ils étaient saisis, tout en invitant la France à lever, pour l’avenir, l’interdiction de la procréation post mortem.
Une interdiction à lever
À travers cet obiter dictum, la CEDH met en exergue la fragilité du maintien de l’interdiction de la procréation post mortem en France. Certes, comme l’a souligné le Conseil d’État dans son rapport de 2018, une telle pratique pose des difficultés du fait du contexte dans lequel naît l’enfant, le décès de son père est source de vulnérabilité pour la mère et l’enfant (CE, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? 11 juill. 2018, Étude 1, p. 71).
Une telle ouverture de la procréation post mortem obligerait par ailleurs le droit français à proposer des aménagements en « droit de la filiation et (…) des successions afin d’intégrer pleinement l’enfant à la lignée du défunt, tout en rappelant que cela n’a ni pour objet, ni pour effet, de faire de l’embryon ou des gamètes conservés des sujets de droit (ibid.). Plusieurs arguments plaident au contraire en faveur de la légalisation de la technique, à savoir la poursuite d’un projet parental commun avec les gamètes du défunt plutôt qu’avec les spermatozoïdes d’un donneur. Et de conclure qu’aucun argument juridique ne peut finalement orienter le législateur, “qui devra se prononcer [dans la loi de bioéthique] en opportunité et en cohérence avec l’ensemble des règles applicables à l’AMP” (ibid., p. 72). Il semble en définitive que ce soient les difficultés juridiques qui aient principalement emporté le maintien de l’interdiction par la loi du 2 août 202 ( L. Carayon, Arlésienne bioéthique. La procréation post mortem en débats, JDSAM 2020/1, vol. 25, p. 45 s.) aux dépens de la cohérence d’ensemble.
La CEDH invite, par cette décision, la France à réfléchir aux modalités de réalisation des procréations post mortem : le Conseil d’État proposait ainsi d’autoriser, sur la base du projet parental existant, aussi bien l’insémination post mortem que le transfert d’embryon dans un temps permettant le deuil, puis d’établir la filiation sur la base du consentement du père à l’usage de ses gamètes et enfin de créer un régime successoral particulier sur la base de ce qui se fait pour l’enfant en gestation au moment du décès de son père.
Ces évolutions pourront-elles attendre la prochaine révision des lois de bioéthique ? Rien n’en est moins sûr compte tenu de la régularité de ces contentieux (v. depuis l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021, CE 17 mai 2023, n° 473666, Dalloz actualité, 8 juin 2023, obs. D. Vigneau ; AJ fam. 2023. 302, obs. A. Dionisi-Peyrusse
), qui s’explique par la quasi-systématicité de la préservation des gamètes en cas de traitement contre le cancer. Une autre incohérence du droit français : encourager l’autoconservation de gamètes, d’un côté, et, limiter l’utilisation de ces derniers, de l’autre !
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