La charge de l’indemnité d’occupation en cas de cession irrégulière

Le cédant, tenu de garantir le cessionnaire de l’éviction qu’il subit en raison de l’inopposabilité de la cession irrégulière au bailleur, ne peut obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d’occupation qu’il a payés au bailleur pour la période où le cessionnaire a occupé sans faute les locaux.

Cession de droit au bail irrégulière

Un locataire avait cédé son droit au bail à un autre commerçant, mais cette cession était irrégulière, pour des raisons qui ne sont pas exposées dans l’arrêt (probablement une interdiction de céder le droit au bail sans le fonds de commerce).

En raison de cette irrégularité, la cession était inopposable au propriétaire bailleur. La procédure déboucha sur une résiliation judiciaire du bail avec expulsion du locataire (c’est-à-dire du cédant) et de tous occupants de son chef (c’est-à-dire du cessionnaire).

Mais cette procédure avait duré trois ans puisque la cession datait de 2015 et que l’expulsion intervint en 2018 : le cessionnaire, sans faute de sa part, avait de fait occupé les locaux.

Devait-il en conséquence rembourser au cédant le loyer et les indemnités d’occupation que ce dernier avait payés ?

Charge de l’indemnité d’occupation

En l’espèce, le cessionnaire évincé avait assigné le cédant pour lui demander des dommages et intérêts sur le fondement de la garantie d’éviction, puisque l’irrégularité de la cession lui était imputable. Mais ce dernier avait reconventionnellement demandé au cessionnaire le remboursement des loyers et indemnités d’occupation.

La cour d’appel avait débouté le cédant.

Celui-ci faisait valoir devant la Cour de cassation que l’indemnité d’occupation représente la contrepartie de la jouissance des lieux et est due par l’occupant ; qu’en l’occurrence le cessionnaire avait été le seul occupant sur la période litigieuse.

Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi sur le fondement de la garantie d’éviction.

Même si le cessionnaire a occupé les locaux, c’est le cédant qui reste débiteur des loyers et indemnités d’occupation.

La garantie d’éviction

Cette solution est fondée sur l’article 1630 du code civil relatif à la garantie d’éviction.

Il a déjà été jugé, dans le cadre d’une vente annulée, que l’indemnité d’occupation que l’acquéreur évincé a versée à un tiers doit lui être remboursée par le vendeur (Civ. 3e, 8 oct. 1974, n° 73-11.036, JCP 1975. II. 17930, note Thuillier).

L’occupant évincé sans faute de sa part doit être indemnisé et n’a rien à payer.

Ainsi, le cédant fautif ne peut pas demander au cessionnaire le remboursement des loyers ou indemnités d’occupation, alors même que le cessionnaire ultérieurement évincé a occupé les lieux loués.

 

Civ. 3e, 4 juill. 2024, FS-B, n° 23-13.822

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