La compétence restreinte du juge de la levée du séquestre au cas d’atteinte au secret des affaires
La procédure prévue à l’article R. 153-1 du code de commerce a pour seul objet d’éviter, par une mesure de séquestre, que la communication ou la production d’une pièce, à l’occasion de l’exécution d’une mesure d’instruction in futurum, ne porte atteinte à un secret d’affaires. Elle n’a ni pour objet ni pour effet d’attribuer le contentieux de l’exécution de la mesure au juge qui statue sur la levée totale ou partielle du séquestre, saisi principalement à cette fin ou incidemment à une demande de rétractation ou de modification.
 
                            Voici un arrêt notable pour les praticiens du contentieux des affaires. Il a le mérite d’opérer une répartition relativement claire des compétences s’agissant des mesures d’instruction in futurum ordonnées sur requête lorsqu’un séquestre est décidé sur le fondement de l’article R. 153-1 du code de commerce, i.e. lorsqu’un secret d’affaires est menacé : le juge de la mainlevée n’est pas juge du contentieux de l’exécution de la mesure ordonnée.
Les faits sont d’une redoutable banalité. Un employé d’un équipementier automobile démissionne avant de rejoindre la concurrence. L’employeur initial, prétendant soupçonner quelques indiscrétions de sa part, obtient sur requête fondée sur l’article 145 du code de procédure civile la désignation d’un huissier chargé d’une mission particulièrement classique dans ce type de contentieux (se rendre au domicile de l’intéressé et collecter, en propre ou copie, divers éléments se trouvant dans un périmètre identifié). Sur quoi le requis, ainsi que le concurrent, forment de concert un référé-rétractation, repoussé par ordonnance. Celle-ci est confirmée sur appel, à ceci près que la cour d’appel restreint alors le périmètre de la mesure d’instruction et ordonne la mise sous séquestre des pièces collectées pour préserver d’éventuels secrets d’affaires du concurrent.
Le requérant saisit en référé le président du tribunal judiciaire pour obtenir la levée du séquestre et communication des éléments appréhendés. Le juge écarte d’abord un certain nombre de pièces et ordonne leur restitution, puis décide la levée du séquestre et la communication de l’ensemble des autres pièces issues de la mesure d’instruction. Le requis relève appel de l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté ses demandes visant à déclarer qu’un certain nombre de pièces maintenues au séquestre se trouvaient en dehors du périmètre de la mission confiée à l’huissier de justice – pièces dont il sollicitait en conséquence la restitution sous astreinte. La cour d’appel confirme l’ordonnance ; elle décide la levée du séquestre et la communication des éléments saisis sur le motif décisif suivant : « en l’absence de toute violation même alléguée de ce droit [fondamental au secret des affaires], le seul moyen soulevé par [le requis] devant la cour sur la régularité de la saisie au regard du périmètre de la mission confiée à l’expert est inopérant ». Pourvoi est formé par le requis.
Selon lui, le juge de la mainlevée se doit, avant de statuer sur la levée du séquestre, de vérifier la régularité de la saisie initiale. Or le demandeur à la cassation estime que la mesure d’instruction telle que réalisée était irrégulière au regard du périmètre de la mesure autorisée par l’ordonnance initiale telle qu’ultérieurement modifiée. Ce qui aurait dû conduire à refuser la mainlevée du séquestre en tout ou partie ou, du moins, à écarter diverses pièces sous séquestre et à ordonner leur restitution au requis.
Le juge de la levée du séquestre ordonné sur le fondement de l’article R. 153-1 du code de commerce est-il juge de la régularité de l’exécution de la mesure d’instruction réalisée ?
De première part, la chambre commerciale pose que « la procédure prévue à l’article R. 153-1 du code de commerce a pour seul objet d’éviter, par une mesure de séquestre provisoire, que la communication ou la production d’une pièce, à l’occasion de l’exécution d’une mesure d’instruction ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, ne porte atteinte à un secret des affaires » (§ 5).
De seconde part, elle énonce (ou déduit ?) que ladite procédure « n’a ni pour objet ni pour effet d’attribuer au juge qui, saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de sa mesure, statue sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre, le contentieux de son exécution » (§ 6).
De sorte que le juge de la levée du séquestre n’est pas juge du contentieux de l’exécution de la mesure ordonnée et notamment de la question de savoir si l’huissier instrumentaire a excédé le périmètre de la mission. Le pourvoi est rejeté.
D’interprétation peu évidente, l’arrêt est néanmoins digne d’approbation en tant qu’il déduit de l’objet exclusif de la procédure prévue à l’article R. 153-1 du code de commerce le champ de compétence restreint du juge de la mainlevée. Reste néanmoins à déterminer quel juge connaît précisément du contentieux de l’exécution de la mesure.
La compétence restreinte du juge de la mainlevée
Les articles R. 153-1 et suivants du code de commerce, qui correspondent à la transposition réglementaire de la directive (UE) n° 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des secrets d’affaires, suscitent quelques difficultés de procédure au voisinage des mesures d’instruction in futurum (v. réc., A. Constans et L. Terdjman, Mesures d’instruction et secret des affaires : une coordination des textes peu évidente, JCP E 2023. 1010 ; J.-Cl Procédures Formulaires, v° Mesures d’instruction in futurum, fasc. 10, par  O. Hocher ; v. égal., J.-C. Galloux, Le décret d’application de la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, RTD com. 2019. 80  ). La Cour de cassation prend progressivement ses marques et positionne prudemment sa jurisprudence avec le souci de la cohérence.
). La Cour de cassation prend progressivement ses marques et positionne prudemment sa jurisprudence avec le souci de la cohérence.
Tout d’abord, la chambre commerciale a indiqué que la procédure prévue n’est pas alternative, de telle sorte que ne peut lui être préféré le placement sous scellés (Com. 1er févr. 2023, n° 21-22.225, Dalloz actualité, 22 févr. 2023, obs. M. Barba ; D. 2023. 772  , note M. Dhenne
, note M. Dhenne  ; Dalloz IP/IT 2023. 142, obs. Ekaterina Berezkina
 ; Dalloz IP/IT 2023. 142, obs. Ekaterina Berezkina  ; ibid. 523, obs. O. de Maison Rouge
 ; ibid. 523, obs. O. de Maison Rouge  ; RTD com. 2023. 82, obs. J.-C. Galloux
 ; RTD com. 2023. 82, obs. J.-C. Galloux  ; ibid. 323, obs. J. Passa
 ; ibid. 323, obs. J. Passa  ). Elle a ainsi canalisé les velléités procédurales des uns et des autres : lorsqu’un secret d’affaire est menacé et que le juge entend le préserver, il doit avoir recours à la mise sous séquestre qui permettra un tri et autres aménagements (cercle de confidentialité, caviardage, etc.).
). Elle a ainsi canalisé les velléités procédurales des uns et des autres : lorsqu’un secret d’affaire est menacé et que le juge entend le préserver, il doit avoir recours à la mise sous séquestre qui permettra un tri et autres aménagements (cercle de confidentialité, caviardage, etc.).
Ensuite, la deuxième chambre civile s’est prononcée sur une question de compétence ou plus exactement de pouvoir juridictionnel : lorsque deux instances ont été engagées devant le même juge des référés, l’une en levée du séquestre, l’autre en rétractation de l’ordonnance sur requête, ce dernier juge ne peut statuer sur la levée du séquestre ni se prononcer sur les modalités de levée du séquestre à défaut de jonction (Civ. 2e, 18 janv. 2024, n° 21-23.968, D. 2024. 172  ), et ce, en dépit de la lettre de l’article R. 153-1 du code de commerce pris en son troisième alinéa (« Le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 et R. 153-10 »).
), et ce, en dépit de la lettre de l’article R. 153-1 du code de commerce pris en son troisième alinéa (« Le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 et R. 153-10 »).
Au moyen du présent arrêt, la chambre commerciale ajoute une pierre à l’édifice : le juge de la levée du séquestre ordonnée dans les conditions de l’article R. 153-1 n’est pas juge de la régularité de l’exécution de la mesure d’instruction ; il n’a pas, en particulier, à connaître d’un éventuel dépassement du périmètre de la mission par l’huissier instrumentaire.
La chambre commerciale rejoint cette conclusion par la considération selon laquelle la procédure prévue à l’article R. 153-1 du code de commerce a « pour seul objet » d’éviter que la communication ou la production d’une pièce porte atteinte à un secret d’affaires à l’occasion de l’exécution d’une mesure d’instruction in futurum (§ 5). En première approche, d’aucuns s’étonneront de ce raisonnement : la collecte d’éléments hors des limites de la mission assignée à l’huissier n’est-elle pas précisément de nature à attenter à un secret d’affaires (celui du requis ou d’un autre) ? La subtilité est là : en l’espèce, le requis n’invoquait aucun secret d’affaires ; il se fondait sur le droit commun, dirions-nous, étant même précisé que la société concurrente – dont les secrets d’affaires auraient pu être impactés – ne s’opposait pas à la levée du séquestre (ce qu’elle avait expressément fait savoir par la voix de son conseil ; v. l’arrêt déféré, Versailles, 23 juin 2022, n° 21/06906). Dans la mesure où le requis n’alléguait aucune violation ni atteinte d’un quelconque secret d’affaires, il n’était pas admis à résister à la demande de mainlevée du séquestre spécifiquement ordonnée en vue de la protection d’un tel secret.
Régulière au fond, la motivation retenue par la chambre commerciale est tout de même déroutante sur la forme lorsqu’elle retient que l’article R. 153-1 du code de commerce « n’a ni pour objet ni pour effet d’attribuer au juge qui, saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de sa mesure, statue sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre, le contentieux de son exécution » (§ 6). L’étonnement est là : en l’occurrence, le juge des référés fut saisi à titre principal en levée du séquestre ; il ne fut pas saisi en rétractation ou modification. De fait, une précédente instance intervint sur cette question et conduisit à la restriction du périmètre de la mission.
La précision est donc déroutante pour ne pas correspondre à l’espèce. Il nous semble que c’est là un obiter dictum dérivé du libellé de l’article R. 153-1 du code de commerce, lequel ne semble effectivement envisager la compétence (ou le pouvoir) sur la levée du séquestre qu’à titre incident, en indiquant que le juge saisi en référé d’une demande en rétractation ou modification de l’ordonnance, peut statuer sur la levée du séquestre (étant rappelé que celle-ci est automatique à défaut de référé-rétraction ou référé-modification dans le délais d’un mois à compter de la signification de la décision ; C. com., art. R. 153-1, al. 2).
Avec cette formulation, le législateur a surtout entendu prendre le contrepied du droit commun, où le juge de la rétractation ne saurait connaître de la mainlevée (Civ. 2e, 27 sept. 2018, n° 17-20.127, Dalloz actualité, 22 oct. 2018, obs. C.-S. Pinat ; D. 2018. 1920  ; ibid. 2020. 170, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès
 ; ibid. 2020. 170, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès  ). Mais il va de soi qu’un juge peut principalement être saisi de la levée du séquestre, en particulier après une instance en rétraction ou modification – ce qui était précisément le cas de l’espèce. D’ailleurs, la deuxième chambre civile a bien indiqué qu’en ce cas, à moins d’une jonction, le juge saisi du référé-rétraction ou référé-modification ne saurait statuer sur la levée du séquestre et empiéter sur la procédure parallèle ayant pour objet principal la levée du séquestre (v. supra).
). Mais il va de soi qu’un juge peut principalement être saisi de la levée du séquestre, en particulier après une instance en rétraction ou modification – ce qui était précisément le cas de l’espèce. D’ailleurs, la deuxième chambre civile a bien indiqué qu’en ce cas, à moins d’une jonction, le juge saisi du référé-rétraction ou référé-modification ne saurait statuer sur la levée du séquestre et empiéter sur la procédure parallèle ayant pour objet principal la levée du séquestre (v. supra).
Dès lors, si le libellé du motif décisoire est curieux pour être en décalage avec l’espèce, il se veut aussi général que possible : le juge saisi à titre principal de la levée du séquestre ne connaît pas du contentieux de l’exécution de la mesure ; le juge saisi à titre principal d’une demande de modification ou de rétraction de l’ordonnance, qui statue à titre incident sur la levée du séquestre, ne connaît pas davantage du contentieux de l’exécution de la mesure. Le problème est qu’en statuant ainsi, la chambre commerciale brouille légèrement l’état du droit positif s’agissant du juge capable de connaître du contentieux de l’exécution de la mesure d’instruction.
La compétence sur le contentieux de l’exécution
S’agissant du contentieux de l’exécution de la mesure ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, trois possibilités sont envisageables : saisir à nouveau le juge des référés ou des requêtes, saisir le juge de la rétractation ou saisir le juge du fond.
Le juge des référés ou des requêtes ?
Est-il possible de saisir à nouveau le juge du provisoire pour qu’il procède au contrôle de la régularité de l’exécution de la mesure ordonnée ? Alors même que l’article 155 du code de procédure civile pourrait y inviter, la jurisprudence y semble hostile : le juge ayant statué sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile épuise sa saisine au jour où il ordonne les mesures probatoires. Il ne peut remettre en cause les conclusions de l’expert désigné (Civ. 2e, 16 mai 1993, n° 91-20.959, RTD civ. 1995. 429, obs. J. Normand  ) ni désigner un nouvel expert (Civ. 2e, 15 juin 1994, n° 92-18.186, RTD civ. 1995. 429, obs. J. Normand, préc.). Le juge ayant statué sur le fondement de l’article 145 n’est pas juge de la régularité de l’exécution des mesures ordonnées.
) ni désigner un nouvel expert (Civ. 2e, 15 juin 1994, n° 92-18.186, RTD civ. 1995. 429, obs. J. Normand, préc.). Le juge ayant statué sur le fondement de l’article 145 n’est pas juge de la régularité de l’exécution des mesures ordonnées.
Méconnaît ainsi l’étendue de ses pouvoirs celui qui, pour commettre un nouveau technicien en lui confiant une mission identique à celle qui avait été précédemment ordonnée, retient que le premier n’a pas correctement exécuté sa mission : en ordonnant la mesure d’instruction sollicitée, le juge a épuisé les pouvoirs qu’il tire de l’article 145 du code de procédure civile, étant précisé que toute demande de nouvelle mesure d’instruction motivée par l’insuffisance des diligences du technicien commis ne peut relever que de l’appréciation du juge du fond (Civ. 2e, 24 juin 1998, n° 97-10.638, D. 1998. 223  ; 2 juill. 2020, n° 19-16.501, Dalloz actualité, 4 sept. 2020, obs. M. Kebir ; D. 2020. 1472
 ; 2 juill. 2020, n° 19-16.501, Dalloz actualité, 4 sept. 2020, obs. M. Kebir ; D. 2020. 1472  ; Gaz. Pal. 3 nov. 2020, p. 56, note L. Mayer).
 ; Gaz. Pal. 3 nov. 2020, p. 56, note L. Mayer).
À la rigueur, un juge des référés peut statuer sur une demande de levée de placement sous scellés d’éléments collectés sur le fondement d’une précédente ordonnance et une demande de désignation d’un expert, dès lors que les mesures sollicitées ne procèdent ni de l’irrégularité ni de l’insuffisance de l’exécution de la mesure initialement ordonnée mais tendent uniquement à en assurer l’efficacité (Civ. 2e, 21 janv. 2010, n° 09-10.618, D. 2010. 2679, obs. J.-D. Bretzner). Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque les demandes procèdent d’une allégation d’irrégularité ou d’insuffisance dans l’exécution de la mesure ordonnée, elles échappent à la connaissance du juge des référés ou des requêtes.
Le juge de la rétractation ?
Revient-il au juge de la rétractation d’en connaître au cas d’une mesure ordonnée sur requête ? De jurisprudence constante, l’instance en rétractation ou en modification d’une ordonnance ayant décidé une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, de sorte que la saisine du juge de la rétractation ou de la modification se trouve limitée à cet objet (Civ. 2e, 9 sept. 2010, n° 09-69.936, Dalloz actualité, 1er oct. 2010, obs. C. Tahri ; D. 2010. 2166  ).
).
Si le juge rétracte ou modifie l’ordonnance, il va de soi qu’il peut et même doit ordonner la restitution des éléments appréhendés hors autorisation judiciaire pour perte de fondement juridique (Civ. 2e, 4 juin 2015, n° 14-17.699, Dalloz actualité, 22 juin 2015, N. Kilgus ; D. 2015. 1279  ; ibid. 2016. 167, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès
 ; ibid. 2016. 167, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès  ; ibid. 449, obs. N. Fricero
 ; ibid. 449, obs. N. Fricero  ; 5 janv. 2017, n° 15-25.035, Dalloz actualité, 26 janv. 2017, M. Kébir ; D. 2017. 115
 ; 5 janv. 2017, n° 15-25.035, Dalloz actualité, 26 janv. 2017, M. Kébir ; D. 2017. 115  ; ibid. 2018. 259, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès
 ; ibid. 2018. 259, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès  ; RTD civ. 2017. 477, obs. N. Cayrol
 ; RTD civ. 2017. 477, obs. N. Cayrol  ; 23 févr. 2017, n° 15-27.954, et n° 16-10.895).
 ; 23 févr. 2017, n° 15-27.954, et n° 16-10.895).
L’arrêt commenté peut sembler contrarier cette interprétation – et c’est en cela que son libellé général est regrettable – mais il n’en est rien : il se borne à indiquer que le juge qui statue sur la levée du séquestre, fût-ce incidemment à une demande de modification ou de rétractation, n’est pas juge de la régularité de l’exécution de la mesure ; il n’exclut en revanche pas, nous semble-t-il, que le juge saisi de la rétractation ou de la modification puisse, au cas de l’une ou l’autre, ordonner la restitution des éléments collectés sans autorisation judiciaire car il n’est alors pas question de régularité de l’exécution de la mesure (on concèdera que la frontière peut sembler ténue et, de fait, elle l’est).
Plus généralement, le juge de la rétractation n’est pas compétent (ou plus exactement : n’a pas le pouvoir) pour se prononcer sur les conditions d’exécution des mesures d’instruction ; il est simplement attendu de lui qu’il tire toutes conséquences utiles de l’éventuelle perte de fondement juridique – partielle ou totale – des mesures entreprises (Civ. 2e, 17 mars 2016, n° 15-12.456, Dalloz actualité, 12 avril 2016, obs. F. Mélin ; D. 2016. 2535, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès  ; RTD civ. 2017. 489, obs. N. Cayrol
 ; RTD civ. 2017. 489, obs. N. Cayrol  ; v. néanmoins, Civ. 2e, 26 sept. 2019, n° 18-13.438, Dalloz actualité, 17 oct. 2019, obs. M.-P. Mourre-Schreiber ; D. 2019. 1943
 ; v. néanmoins, Civ. 2e, 26 sept. 2019, n° 18-13.438, Dalloz actualité, 17 oct. 2019, obs. M.-P. Mourre-Schreiber ; D. 2019. 1943  ; ibid. 2374, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra (CDEDEA n° 4216)
 ; ibid. 2374, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra (CDEDEA n° 4216)  ; ibid. 2021. 207, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès
 ; ibid. 2021. 207, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès  , mais qui paraît limité au constat de la caducité de l’ordonnance exécutée hors délai). De jurisprudence constante, « le contentieux de l’exécution de la mesure d’instruction ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, qui n’affecte pas la décision ayant ordonné cette mesure, ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation », lequel ne doit statuer que « sur les mérites de la requête » (Civ. 2e, 17 mars 2016, n° 15-12.456, préc.).
, mais qui paraît limité au constat de la caducité de l’ordonnance exécutée hors délai). De jurisprudence constante, « le contentieux de l’exécution de la mesure d’instruction ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, qui n’affecte pas la décision ayant ordonné cette mesure, ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation », lequel ne doit statuer que « sur les mérites de la requête » (Civ. 2e, 17 mars 2016, n° 15-12.456, préc.).
Le juge du fond !
C’est in fine le juge du fond qui connaîtra du contentieux de l’exécution de la mesure ordonnée.
À coup sûr, il pourra en connaître dans le cadre de l’instance au fond dans la perspective de laquelle la mesure d’instruction a été ordonnée. Il aura alors tout loisir d’écarter les pièces collectées hors du périmètre de la mission ou, au cas d’une expertise, de prononcer la nullité du rapport, ce qui invitera à la désignation d’un nouvel expert (Civ. 2e, 2 déc. 2004, n° 02-20.205, D. 2005. 339  ; ibid. 332, obs. P. Julien et N. Fricero
 ; ibid. 332, obs. P. Julien et N. Fricero  ).
).
À coup bien moins sûr, le requis pourra agir à titre principal devant le juge du fond pour critiquer la régularité de l’exécution de la mesure d’instruction. Sur ce point, la jurisprudence est divisée (pour, Soc. 2 déc. 2014, n° 13-24.029, Dalloz actualité, 13 janv. 2015, obs. W. Fraisse ; D. 2014. 2529  ; contre, Civ. 2e, 3 mai 2007, n° 06-12.190 et n° 06-13.115, D. 2007. 1511
 ; contre, Civ. 2e, 3 mai 2007, n° 06-12.190 et n° 06-13.115, D. 2007. 1511  ; v. N. Cayrol, L’exécution des mesures d’instruction par l’huissier et les limites de la saisine du juge de la rétractation, RTD civ. 2017. 489
 ; v. N. Cayrol, L’exécution des mesures d’instruction par l’huissier et les limites de la saisine du juge de la rétractation, RTD civ. 2017. 489  ).
).
En conclusion :
- le juge de la rétractation ne peut connaître du contentieux de l’exécution de la mesure ordonnée mais peut constater la perte de fondement juridique d’une partie des mesures exécutées ensuite de la rétractation ou de la modification et en tirer les conséquences en termes de restitution ;
- le juge qui statue uniquement sur la levée du séquestre ne connaît pas du contentieux de l’exécution de la mesure ordonnée, car tel n’est pas l’objet de la procédure prévue à l’article R. 153-1 du code de commerce, exclusivement et restrictivement orientée vers la préservation du secret des affaires. Il ne connaît pas davantage de l’éventuelle perte de fondement juridique d’une partie des mesures exécutées pour la même raison. Il est seulement juge de la mainlevée et du tri ;
- le juge principalement saisi de la rétraction ou de la modification et incidemment de la levée du séquestre peut, au cas où il entre en voie de rétractation ou modification, ordonner la restitution de pièces collectées sans autorisation par suite de perte de fondement juridique de la mesure exécutée (v. par ex., Nîmes, 26 janv. 2024, n° 23/01707), ce qui peut conduire à dire sans objet la demande en levée du séquestre (v. par ex., Paris, 19 mars 2024, n° 23/03311). En revanche, à proprement parler, il ne connaîtra pas de l’exécution de la mesure d’instruction à un titre (juge de la rétraction) ou un autre (juge de la mainlevée) ;
- le juge du fond dispose d’une plénitude de juridiction ;
- le juge des référés ou des requêtes n’a ni compétence ni pouvoir pour se pencher à nouveau sur la régularité de l’exécution des mesures ordonnées sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, en dehors de la pratique d’un référé-rétractation.
 
Com. 20 mars 2024, F-B, n° 22-22.398
© Lefebvre Dalloz