La Cour des comptes appelle à ajuster davantage le dispositif des diagnostics de performance énergétique

Les recommandations formulées par la Cour des comptes ont, pour la plupart, été reprises dans le vaste plan, présenté par le gouvernement le 19 mars dernier, visant à restaurer la confiance des citoyens dans cet outil.

Outil central de la rénovation énergétique des biens et facteur de variation des prix sur le marché immobilier, le diagnostic de performance énergétique (DPE) fait l’objet de toutes les attentions, et ce, d’autant plus que, depuis janvier 2025 (pour les logements classés G), la location des logements les moins performants est progressivement restreinte selon un échéancier programmé jusqu’en 2034 (pour les logements classés E).

Face à de nombreuses critiques sur sa fiabilité, malgré la réforme du dispositif entrée en vigueur en juillet 2021, la ministre chargée du Logement s’est empressée de proposer, en mars dernier, un plan en dix mesures afin de rendre les diagnostics plus fiables et transparents. Ce plan s’est, en fait, largement inspiré du rapport de la Cour des comptes sur la mise en œuvre du DPE, dont le projet a été mis en délibéré le 14 mars dernier et le texte définitif rendu public en ce début du mois de juin.

Les magistrats du Palais Cambon ont procédé à un contrôle des DPE sur la période 2021-2024, par conséquent, après l’entrée en vigueur de la réforme de 2021 qui a rendu le diagnostic opposable et non plus simplement informatif. Or, force est de constater que cette réforme a été mise en œuvre dans des délais contraints, sans anticiper les difficultés pour les particuliers.

Un nécessaire effort de fiabilisation des DPE

Certes, la réforme a permis de fiabiliser le DPE, qui était auparavant établi selon diverses méthodes, notamment la méthode « sur factures » qui présentait des limites. Désormais, les DPE sont calculés à partir d’éléments intrinsèques aux logements indépendamment du comportement de leurs occupants, permettant ainsi une comparaison objective des biens. Mais des incertitudes persistent sur la qualité des DPE établis, en raison du temps limité passé par le professionnel pour réaliser le diagnostic, des éventuelles pressions exercées par les propriétaires, du défaut de documents justificatifs et d’une formation insuffisante.

Pour remédier à ces difficultés, l’État a déjà mis en place des actions visant à renforcer les exigences de compétences des diagnostiqueurs. Un travail d’harmonisation des pratiques professionnelles est également en cours, qui devrait voir le jour en 2026. Par ailleurs, le gouvernement souhaite mettre en place des formations supérieures spécifiques pour ces activités, sanctionnées par des diplômes d’État.

Un meilleur encadrement de l’activité de diagnostiqueur

Dans son rapport, la Cour des comptes met l’accent sur le contrôle du DPE, qui est confié à des organismes tiers, avec le concours de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et de la DGCCRF jouant un rôle clé. L’ADEME vérifie la cohérence des DPE via l’Observatoire DPE-Audit, tandis que la DGCCRF surveille les pratiques commerciales.

Toutefois, le système de certification des diagnostiqueurs, encadré réglementairement, n’assure pas totalement la probité et l’impartialité, malgré une logique d’amélioration continue. Les organismes tiers certifient les compétences des diagnostiqueurs, mais des liens financiers entre organismes de formation et de certification soulèvent des questions d’impartialité.

Or, la directive européenne (UE) 2024/1275 sur la performance énergétique du 24 avril 2024, exige un contrôle indépendant du DPE et l’indépendance des experts certificateurs. Selon la Cour, l’État devrait donc réguler davantage l’intervention des différents organismes pour éviter les conflits d’intérêts, à condition que cette régulation soit proportionnée en termes financiers et de ressources humaines. Une meilleure communication envers le public est aussi nécessaire pour simplifier l’accès à l’information et connaître les recours possibles. Le plan d’action de la ministre du Logement, annoncé en mars 2025, vise d’ailleurs à renforcer la prévention des irrégularités grâce à l’intelligence artificielle.

Une coexistence difficile entre le DPE et certaines réglementations

Dans les recommandations formulées par la Cour des comptes figure la nécessité de mieux articuler le dispositif du DPE avec les réglementations en matière de copropriété et d’urbanisme.

S’agissant de la copropriété, la terminologie peut être source d’incompréhensions. Il existe ainsi un point de confusion potentiel entre le DPE « individuel » réalisé sur le lot de copropriété et le DPE « collectif » établi au niveau de l’immeuble entier. Comme le souligne la Cour, cette confusion peut conduire à des comportements de blocage pour entreprendre des travaux de rénovation énergétique collectifs, de la part des propriétaires de logements ayant un DPE individuel meilleur que le DPE collectif. Le Conseil supérieur du notariat s’est déjà prononcé sur cette question en préconisant d’accorder la primauté au DPE collectif par rapport au DPE individuel pour favoriser les rénovations globales.

Les règles d’urbanisme peuvent, de leur côté, venir contrarier la mise en œuvre des recommandations de travaux formulées par le diagnostiqueur, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de recourir à l’isolation thermique par l’extérieur en limite de propriété dans les zones de centre-ville ancien protégées ou classées. Des difficultés se présentent également lorsqu’il faut empiéter sur le domaine public, dès lors que les autorisations administratives sont parfois longues à obtenir, notamment dans les grandes métropoles. La préservation des façades ayant un intérêt patrimonial ou historique est aussi contraignante pour certains chantiers lorsqu’il existe une obligation de reconstituer à l’identique les moulures ou ornements considérés comme indissociables du caractère remarquable de la façade.

Les premiers apports législatifs

En réponse aux différents problèmes soulevés dans le rapport de la Cour des comptes, la loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, adoptée par le Parlement le 21 mai dernier et en attente de promulgation après saisine du Conseil constitutionnel, prévoit, dans un premier temps, de renforcer l’information de la DGCCRF et de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat sur les activités des organismes de certification et de contrôle des diagnostiqueurs et auditeurs (art. 4, IV, et art. 22, 1°, de la loi).

Le texte assure également une meilleure identification des diagnostiqueurs (accès élargi à l’Observatoire DPE-Audit et mise en place du futur « QR code » des diagnostiqueurs permettant de vérifier le lieu de leurs interventions) et donne une valeur législative à l’annuaire regroupant l’ensemble de ces professionnels (art. 22, 2° et art. 25 de la loi).

 

C. comptes, La mise en œuvre du diagnostic de performance énergétique, Rapport juin 2025

C. comptes, Communiqué de presse, 3 juin 2025

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