La loi narcotrafic facilite l’expulsion des locataires impliqués dans un trafic de drogue
Les préfets peuvent enjoindre aux bailleurs sociaux et privés de résilier le bail des occupants dont les agissements, en lien avec le trafic de stupéfiants, troublent l’ordre public de manière grave ou répétée et méconnaissent l’obligation de s’abstenir de tout comportement ou activité nuisibles aux abords du logement.
 
                            La loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic met en place tout un arsenal destiné à renforcer les outils pour lutter contre le trafic de drogue. Parmi toutes les mesures, certaines concernent le logement et ses abords. Ces dernières ont pour objet d’une part, de permettre l’application de l’interdiction administrative de paraître sur les « points de deal » qui peut être prononcée et, d’autre part, de soustraire le voisinage aux nuisances et dangers provoqués par le trafic.
Depuis le 15 juin 2025, les locataires impliqués dans un trafic de drogue, qu’ils logent dans le secteur social ou dans le secteur privé, peuvent être expulsés plus facilement, en particulier lorsqu’ils perturbent la qualité de vie des autres résidents. En effet, le préfet de département a la possibilité, sous certaines conditions, d’enjoindre au bailleur de saisir le juge pour résilier le bail d’un logement en raison des agissements de son occupant.
Remarque : le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions de l’article 62 conformes à la Constitution. Il a jugé qu’elles ne portaient pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté contractuelle au regard de l’objectif poursuivi, la sauvegarde de l’ordre public, et qu’elles ne méconnaissaient pas non plus le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ni le droit de mener une vie familiale normale (Cons. const. 12 juin 2025, n° 2025-885 DC).
L’obligation du locataire d’user paisiblement du logement est précisée
Parmi les obligations qui incombent au locataire, l’article 7, b, de la loi du n° 89-462 du 6 juillet 1989, impose celle d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le bail. La loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 complète le texte en exigeant de lui qu’il s’abstienne de tout comportement ou de toute activité qui, aux abords de ces locaux ou dans le même ensemble immobilier, porte atteinte aux équipements collectifs utilisés par les résidents, à la sécurité des personnes ou à leur liberté d’aller et venir (Loi n° 89-462 du 6 juill. 1989, art. 7, b, mod. par loi n° 2025-532 du 13 juin 2025, art. 62, II, Dalloz actualité, 18 juin 2025, obs. V. Filhol).
Cette modification permet d’assurer le fondement juridique des décisions de résiliation du bail et d’expulsion que ce soit en application de l’article L. 442-4-2 du code de la construction et de l’habitation dans le secteur social ou de la loi du 6 juillet 1989 dans le secteur privé. Dans sa décision du 12 juin 2025, le Conseil constitutionnel précise que cette nouvelle obligation, « susceptible de s’appliquer dans le même ensemble immobilier, ne saurait concerner qu’un comportement ou une activité du locataire qui a lieu à proximité suffisante du logement donné à bail et qui cause un trouble de jouissance au préjudice d’autrui ».
Injonction de saisir le juge judiciaire aux fins de résiliation du bail dans le secteur social
La loi nouvelle crée une procédure préfectorale de résiliation du bail qui peut être mise en œuvre aussi bien dans le cadre des baux HLM que de baux du secteur privé.
Mise en demeure du bailleur
Lorsque le préfet de département constate chez l’occupant habituel d’un logement social, des agissements en lien avec des activités de trafic de stupéfiants, il peut enjoindre au bailleur social de saisir le juge aux fins de résiliation du bail dans les conditions prévues à l’article L. 442-4-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH, art. L. 442-4-3, créé par la loi n° 2025-532 du 13 juin 2025, art. 62, III). Cette saisine est directe, sans obligation de proposer une offre de relogement.
Les agissements reprochés doivent cumulativement :
- être en lien avec le trafic de stupéfiants ;
- troubler l’ordre public de manière grave ou répétée ;
- et méconnaître les obligations définies au b de l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dans sa nouvelle rédaction.
L’injonction du préfet doit être motivée. Le bailleur social dispose de quinze jours pour y répondre.
Faculté de substitution du préfet
Afin de protéger les bailleurs d’éventuelles représailles, il est par ailleurs prévu que le préfet puisse se substituer à ces derniers pour saisir le juge. Cette substitution n’est possible qu’en cas de refus du bailleur, d’absence de réponse à l’expiration du délai de quinze jours ou lorsque, ayant accepté le principe de l’expulsion, le bailleur social n’a pas saisi le juge à l’expiration du délai d’un mois à compter de sa réponse.
Extension du pouvoir préfectoral au secteur privé
Un nouvel article 9-2 est inséré dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qui énonce le bailleur privé peut également recevoir une injonction préfectorale de mettre en œuvre une procédure de résiliation du bail lorsque le locataire se livre aux mêmes agissements que ceux visés à l’article L. 442-4-3 du code de la construction et de l’habitation (v. ci-dessus ; Loi n° 89-462 du 6 juill. 1989, art. 9-2, créé par la loi n° 2025-532 du 13 juin 2025, art. 63).
De même que dans le secteur HLM, le défaut de réponse du bailleur ou son refus d’intervenir dans un délai d’un mois permet au préfet d’agir directement devant le juge civil pour demander la résiliation du bail et obtenir l’expulsion.
Loi n° 2025-532, 13 juin 2025, JO 14 juin
Cons. const. 12 juin 2025, n° 2025-885 DC
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