La loi sur la sûreté dans les transports poursuit sa route escarpée

Mardi soir, l’Assemblée nationale a étudié une proposition de loi sur la sûreté dans les transports. Le texte contient des dispositions disparates sur la création de nouveaux délits et de peines complémentaires, la vidéosurveillance algorithmique, le renforcement des pouvoirs des agents et le suivi des personnels condamnés, avec la création d’une nouvelle incapacité, assez large.

La proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports connaît un parcours chaotique. Depuis son étude par le Sénat sous le gouvernement Borne, elle a connu deux passages en commission à l’Assemblée (sous Attal puis Barnier) avant d’arriver en début de semaine dans l’hémicycle sous le gouvernement Bayrou, avec comme ministre des Transports, l’initiateur du texte, l’ex-sénateur LR Philippe Tabarot.

Ce passage dans l’hémicycle a toutefois été compliqué. L’incertitude des votes des députés a fait perdre de la cohérence au texte. Par ailleurs, de nombreuses dispositions se centrant sur la lutte contre les incivilités, n’étaient pas toujours proportionnées. Le texte adopté par les députés mardi soir, devrait donc être revu par le Sénat ou par la Commission mixte paritaire.

Les dispositifs de surveillance

Le gouvernement a profité de ce texte pour faire prolonger l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique, qui a été mise en place pour les Jeux de Paris. Les expérimentations, qui devaient s’arrêter fin mars, seront poursuivies jusqu’à fin 2027. Ceci, alors même qu’un dispositif d’évaluation et de suivi avait été mis en place.

L’article 11 permet la captation et l’enregistrement du son dans les véhicules roulants. L’Assemblée a toutefois réduit à la seule transmission en direct de l’environnement sonore du conducteur. Le gouvernement veut créer une nouvelle obligation d’identifier les bagages par un service d’étiquetage anonymisé. Pour l’instant flou, ce projet sera précisé par voie réglementaire.

L’article 19 étend aux agents des transports publics le droit de communication des informations du fisc, aux fins de recouvrement.

La lutte contre les incivilités

Le Sénat souhaitait innover en créant à l’article 12 un délit « d’incivilité d’habitude ». À partir de la répétition de cinq infractions de nature contraventionnelle, le délit serait constitué. Or, pour les députés de nombreux comportements visés (mendier, vapoter, ne pas étiqueter son bagage, s’installer à la mauvaise place) ne relevaient pas du délit. La répétition d’une même infraction à cinq reprises constituerait le délit. Contre l’avis du gouvernement, l’article a été supprimé en séance.

Au contraire, les députés ont rétabli à l’article 13 une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports en commun. La philosophie est la même que pour l’interdiction de stade, même si les conséquences ne sont pas forcément identiques pour l’individu.

Les sénateurs ont également voulu la délictualisation de l’oubli par négligence d’objets et de bagages dans les transports en commun. Après avoir envisagé des peines plus lourdes, ce délit sera finalement puni d’une contravention de la troisième classe (450 €) qui pourra être éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire de 72 €.

Les pouvoirs des agents

L’article premier facilite les palpations de sécurité des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP. Les agents pourront également procéder à des saisies d’objets dangereux. L’article 2 permet à ces mêmes agents d’intervenir momentanément sur la voie publique en cas d’urgence ou pour la poursuite d’infractions à la police du transport.

Les députés ont imposé que d’éventuels contrevenants soient porteurs d’un document justifiant de leur identité et de leur adresse. Le rapporteur et le gouvernement y étaient opposés, trouvant le dispositif peu applicable, les agents de sûreté n’étant pas habilités à procéder à des contrôles d’identité.

Les articles 2 bis et 3 donnent des pouvoirs d’enjoindre une personne de quitter une gare, de descendre d’un véhicule ou de lui en interdire l’accès, en cas de fraude, de comportement susceptible de troubler l’ordre public ou de refus de se soumettre à une fouille ou une palpation.

L’article 8 pérennise l’usage des caméras piétons pour les agents de contrôle. Mais le texte créé également une telle possibilité pour les conducteurs d’autobus.

Le texte vise aussi à faciliter la coproduction de sécurité, entre État et acteurs privés, en permettant par exemple à des agents d’Île-de-France Mobilités d’être affectés au Centre de coordination opérationnel de la sécurité (CCOS).

Le suivi des agents condamnés

Par amendement, l’Assemblée a créé une nouvelle incapacité en cas de condamnation pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes. Les personnes ne pourront être conducteur de véhicule de transport public collectif routier, impliquant un contact habituel avec des mineurs ou des majeurs vulnérables. Même bénévoles, elles ne pourront non plus intervenir dans ces véhicules de manière permanente ou occasionnelle.

Enfin, l’article 17 qui prévoit l’information automatique des opérateurs en cas de perte du permis de conduire d’un conducteur a été réécrit par le gouvernement.

 

Proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au renforcement de la sûreté dans les transports, 11 févr. 2025

© Lefebvre Dalloz