La mention manuscrite « je fais appel » peut-elle valoir déclaration d’appel ?

Pour que la mention manuscrite « je fais appel » portée par la personne mise en examen sur une décision du juge des libertés et de la détention constitue valablement une déclaration d’appel satisfaisant aux exigences de l’article 502 du code de procédure pénale, elle doit être apposée sur un acte juridictionnel, être dénuée d’équivoque et être assortie de la signature du greffier qui authentifie l’intention de la personne de relever appel de cette décision.

En l’espèce, il s’agit d’un mis en examen placé en détention provisoire et dont la demande de remise en liberté immédiate a été rejetée. Ce dernier avait porté la mention « je fais appel » sur l’ordonnance de placement en détention provisoire.

En dépit de cette mention manuscrite, la chambre de l’instruction avait déclaré son appel irrecevable et confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Il argue, devant la chambre criminelle, que cette mention manuscrite non équivoque valait déclaration d’appel et aurait dû être immédiatement transcrite sur le registre public dédié.

Or, il n’échappe pas à la Cour de cassation que l’ordonnance de placement en détention provisoire sur laquelle il avait apposé cette mention n’avait pas été signée par le greffier, ladite signature étant un élément indispensable pour authentifier l’intention de l’appelant. La nécessaire signature, par le greffier, de la déclaration d’appel explique qu’en l’espèce, la signature que le greffier a par la suite apposée sur une copie certifiée conforme n’authentifie que la conformité de cette copie à l’original de l’ordonnance. En aucun cas, elle ne peut être invoquée au soutien de l’authentification d’une déclaration d’appel.

L’irrecevabilité : une conséquence de l’absence de signature du greffier

Par une motivation particulièrement pédagogique, la chambre criminelle énonce que pour valoir déclaration d’appel, la mention manuscrite portée par le mis en examen sur une décision du juge des libertés et de la détention doit remplir trois conditions. Elle doit :

  • être apposée sur un acte juridictionnel ;
  • être dénuée d’équivoque ;
  • être assortie de la signature du greffier qui authentifie l’intention de la personne de relever appel de la décision.

En l’espèce, c’est le non-respect de dernière condition qui justifie le rejet du pourvoi. C’est donc à bon droit que la chambre de l’instruction a déclaré cet appel irrecevable.

Cette rigueur des hauts magistrats dans l’appréciation des modalités de l’appel n’est pas surprenante. Déjà en 1909, la Cour de cassation avait considéré que le prévenu qui veut interjeter appel doit, sauf s’il est détenu, se rendre lui-même ou par fondé de pouvoir spécial au greffe du tribunal qui a prononcé le jugement, et faire sa déclaration d’appel à l’officier public compétent. Dans cet arrêt, et sur le fondement de l’article 502 du code de procédure pénale, la Cour de cassation avait déclaré irrecevable l’appel (d’un non-détenu) interjeté par lettre ou par télégramme adressés au procureur de la République, alors même que ce magistrat aurait déposé cette lettre ou ce télégramme au greffe et que le greffier aurait dressé acte du dépôt. (Cass., ch. réun., 10 févr. 1909, DP 1911. 1. 217, note Le Poittevin). Pour les mêmes raisons, dans un arrêt plus récent, l’appel formé au moyen d’un courrier transmis par télécopie a été déclaré irrecevable. En outre, il a été précisé que l’indication donnée par le prévenu au procureur de la République, à l’occasion de l’exécution d’un mandat d’arrêt, de sa volonté d’interjeter appel du jugement constitue une simple déclaration d’intention et non une modalité d’exercice de cette voie de recours (Crim. 6 mai 2008, n° 07-86.304, Dalloz actualité, 20 mai 2008, obs. E. Allain ; D. 2008. 1485  ; AJ pénal 2008. 333, obs. M.-E. C.  ; RSC 2008. 928, obs. R. Finielz ). 

D’autres arrêts, pour l’essentiel plus récents, peuvent paraître s’inscrire dans une approche plus libérale de la lettre de l’article 502 du code de procédure pénale.

Par exemple, dans un arrêt du 9 mars 2022, la chambre criminelle a affirmé qu’en apposant la mention manuscrite « je fais appel » sur chaque page du procès-verbal de débat contradictoire et sur l’ordonnance de placement en détention provisoire, dont le greffier du juge des libertés et de la détention, qui en est également destinataire, avait nécessairement pris connaissance, le prévenu avait ainsi déclaré à ce dernier sa volonté d’interjeter appel de l’ordonnance de placement en détention provisoire (Crim. 9 mars 2022, n° 21-87.294 B, RSC 2022. 877, obs. J.-P. Valat ). Dans la même veine jurisprudentielle, a été considérée régulière la déclaration d’appel d’une ordonnance de placement en détention provisoire matérialisée par la mention manuscrite du mis en examen « je fais appel », suivie de sa signature, apposées sur la dernière page de ladite ordonnance, dès lors que la volonté de faire appel a été manifestée sans équivoque devant le greffier de la juridiction ayant rendu la décision qui y a apposé sa signature, ce dernier devant alors en tirer les conséquences en enregistrant l’appel (Crim. 15 nov. 2022, n° 22-85.097 B, Dalloz actualité, 1er déc. 2022, obs. A. Coste ; D. 2023. 421, chron. L. Ascensi, M. Fouquet, P. Mallard, L. Guerrini, B. Joly et O. Violeau  ; AJ pénal 2023. 32, obs. J. Frinchaboy ).

L’irrecevabilité : une conséquence de l’absence d’authentification, par le greffier, de l’intention de l’appelant

Ces arrêts ne doivent cependant pas faire l’objet d’une interprétation trop hâtive. Il est certain qu’en raison de la même mention manuscrite « je fais appel » ils entretiennent, avec l’arrêt rapporté, un point commun évident. Toutefois, les situations ne sont pas similaires, tant au regard du caractère non équivoque de la mention qu’en raison de l’authentification, par le greffier, de l’intention de l’appelant. C’est d’ailleurs pour cette raison que la mention « je fais appel », lorsqu’elle est apposée sur la dernière page du procès-verbal de débat contradictoire, même signé par le greffier, à un moment où la décision de placement en détention n’est pas encore prise ni notifiée, ne peut pas valoir appel (Crim. 12 juill. 2022, n° 22-83.086 B, RSC 2022. 877, obs. J.-P. Valat, préc.). Pour la même raison, la mention « je veux faire appel du rejet » qui n’a été apposée ni au pied de l’ordonnance contestée ni en présence du greffier du juge saisi, mais sur un imprimé dédié à la notification de la décision, ne saurait valoir appel (Crim. 13 déc. 2022, n° 22-85.602 B, AJ pénal 2023. 100 et les obs. ).

Par conséquent, la solution de l’arrêt rapportée doit être approuvée, étant précisé que les formes de l’appel prescrites par l’article 502 sont d’ordre public (Crim. 17 févr. 2015, n° 14-80.806 P, Dalloz actualité, 6 mars 2015, obs. S. Anane ; AJ pénal 2015. 370, obs. J. Lasserre Capdeville  ; RSC 2015. 401, obs. D. Boccon-Gibod ). Leur inobservation entraîne une nullité qui peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation ou même suppléée d’office, ces règles étant impératives et s’appliquant au ministère public comme à toute autre partie (Crim. 14 janv. 2014, n° 12-84.592 P, Dalloz actualité, 28 janv. 2014, obs. L. Priou-Alibert ; D. 2014. 147  ; AJ pénal 2014. 185, obs. J.-B. Perrier ).

 

Crim. 26 mars 2024, F-B, n° 24-80.227

© Lefebvre Dalloz