La prescription quinquennale retenue en matière de transaction
L’action aux fins de nullité d’une transaction ayant mis fin à un litige relatif à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription de l’article 2224 du code civil.
 
                            La transaction en droit du travail est perçue comme un puissant outil de sécurisation contentieuse. Cette sécurisation est toutefois tributaire du respect de ses conditions de validité. Si l’une d’elle fait défaut, l’une des parties pourra en demander l’annulation. Mais de combien de temps dispose un salarié pour demander l’annulation d’une transaction ? C’est précisément sur la question de la prescription de cette action en nullité que s’est récemment prononcée la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 8 octobre 2025.
En l’espèce, une salariée engagée en qualité de conseillère par l’Assedic Côte d’Azur, avait vu son contrat transféré à Pôle emploi, devenu France Travail, avant de conclure avec l’employeur une transaction aux termes de laquelle ce dernier a accepté de lui verser une certaine somme réparant son préjudice professionnel, psychologique et moral se rapportant notamment aux conditions de travail et d’exécution de son contrat de travail, la salariée se déclarant « parfaitement remplie de tous ses droits actuels ou futurs, indemnité quelconque comme conséquence de l’exécution de son contrat de travail à ce jour, tout compte pouvant exister entre les parties à ce titre étant considéré comme définitivement et irrévocablement apuré entre les parties au moment du paiement ».
L’intéressée a par suite saisi la juridiction prud’homale aux fins d’annulation de la transaction et paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail.
Elle se vit toutefois déboutée par les juges du fond au titre d’une fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée à la demande de nullité de la transaction, déclarant irrecevable comme prescrite sa demande de nullité de la transaction et déclarant subséquemment irrecevables les demandes de paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail.
La salariée estimait que l’action en nullité d’une transaction étant soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l’article 2224 du code civil, et non au délai de prescription de deux ans de l’article L. 1471-1 du code du travail.
Saisie de la question, la chambre sociale de la Cour de cassation va accueillir le pourvoi en cassant la décision au visa des articles 2224 du code civil et L. 1471-1 du code du travail.
L’article 2224 du code civil dispose en effet que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La prévalence de la prescription de droit commun affirmée
Dans le même temps, l’article L. 471-1 du code du travail prévoit que toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
L’éminente juridiction, par une lecture combinée des deux textes va poser le principe selon lequel l’action aux fins de nullité d’une transaction ayant mis fin à un litige relatif à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription de l’article 2224 du code civil.
Or, la cour d’appel avait considéré prescrite la demande de la salariée en nullité de la transaction, considérant que pour déterminer le délai de prescription applicable à l’action en nullité d’une transaction qui a pour objet l’exécution d’un contrat de travail, il convenait d’écarter les dispositions de l’article 2224 du code civil fixant un délai de prescription de cinq ans et de faire application des dispositions spéciales de l’article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail, l’action en nullité de la transaction ayant pour objet l’exécution d’un contrat de travail devant subséquemment être soumise au délai de prescription de deux ans.
Erreur de raisonnement pour la chambre sociale, écartant sans ambages l’applicabilité de la prescription biennale.
Cette solution est la bienvenue car il était légitimement possible de s’interroger sur l’applicabilité de l’adage lex specialis derogat legi generali (la loi spéciale dérogeant à la loi générale). Dès lors que le contenu de la transaction est de nature à régler le sort des litiges inhérents à l’exécution du contrat passé, pourquoi ne pourrait-il pas entrer dans le champ de la prescription biennale ?
Confirmation de jurisprudence
La jurisprudence avait depuis longtemps posé le principe d’une prescription de 5 ans pour les actions en nullité de la transaction lorsque la transaction a été conclue avant la notification du licenciement (Soc. 14 janv. 2003, n° 00-41.880 P, Dr. soc. 2003. 441, obs. J. Mouly  ; RJS 3/2003, n° 343 ; 6 avr. 2004, n° 02-41.630 D ; 16 nov. 2004, n° 02-43.427 P, RJS 2/2005, n° 150).
 ; RJS 3/2003, n° 343 ; 6 avr. 2004, n° 02-41.630 D ; 16 nov. 2004, n° 02-43.427 P, RJS 2/2005, n° 150).
Mais était depuis lors intervenue la réforme de la prescription civile (Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008) ainsi qu’une succession de textes venant modifier le régime de la prescription en droit du travail (Loi du 17 juin 2008, préc. ; Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, dite « loi de sécurisation de l’emploi » ; Ord. n° 2017-1387 du 22 sept. 2017).
La pérennité de la solution se devait d’être confirmée sous l’empire des nouveaux fondements légaux. Elle semble par ailleurs augurer l’extension de la prescription quinquennale aux nullités entachant les transactions conclues après la rupture du contrat, l’éminente juridiction n’ayant pas eu l’occasion de préciser dans son attendu de principe une éventuelle distinction, se bornant à considérer qu’il s’agit d’une action personnelle (découlant d’un droit de créance).
Soc. 8 oct. 2025, FS-B, n° 23-23.501
par Loïc Malfettes, Docteur en droit, Responsable RH et juridique
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