La réforme de l’instruction et des modes alternatifs en matière civile : un amiable décret (cinquième partie : l’accord et son homologation)

Le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 recodifie l’amiable en matière civile. À ce titre, il appréhende à nouveaux frais l’accord des parties, transactionnel ou non, issu d’un mode amiable structuré ou non. Logiquement, il retouche également le régime de l’homologation judiciaire et de l’apposition de la formule exécutoire par le greffe.

 

La précédente annotation (Dalloz actualité, 22 sept. 2025) était consacrée à la réforme des modes amiables par le décret du 18 juillet 2025. La présente, qui achève le feuilleton dédié audit décret, est sa suite naturelle pour porter sur l’accord des parties et l’acquisition de la force exécutoire. Il y a là quelques intéressantes évolutions à signaler et à examiner.

Le livre V du code de procédure civile est désormais enrichi d’un titre entier consacré à l’accord des parties (comprendre : l’accord des parties sur la résolution du litige, et non sur sa mise en état). Ce titre IV s’ouvre par un premier chapitre contenant diverses dispositions générales relatives à l’accord lui-même. Il se poursuit par un second chapitre consacré à l’acquisition de la force exécutoire de l’accord.

L’accord des parties

« L’accord destiné à la résolution amiable du différend est négocié et conclu conformément au droit commun des contrats », est-il d’emblée indiqué à l’article 1541, alinéa 1er, du code de procédure civile. Sans doute ne pouvait-il en aller autrement. À dire vrai, la précision paraît superfétatoire. Il en va de même de celle qui suit immédiatement et qui figure à l’alinéa 2 du même article : « À moins qu’il n’en soit disposé autrement, [l’accord] est parfait par le seul échange des consentements ». C’est le rappel réglementaire du principe consensuel et de ses limites en matière contractuelle (C. civ., art. 1172).

L’article 1541-1 du code de procédure civile est plus opérationnel : « L’accord qui met un terme à tout ou partie du différend qui oppose les parties, et qui n’est pas issu d’une conciliation, d’une médiation ou d’une convention de procédure participative aux fins de résolution amiable, ne peut être homologué dans les conditions du présent titre que s’il constitue une transaction au sens de l’article 2044 du code civil ». Les implications de ces dispositions doivent être pondérées. Tout d’abord, l’article 1541-1 établit un schisme entre, d’un côté, les accords issus d’un mode amiable réglementé (conciliation, médiation, convention de procédure participative aux fins de résolution amiable) et, d’un autre côté, les accords qui ne sont pas issus d’un tel processus. Les premiers peuvent toujours faire l’objet d’une homologation judiciaire. En revanche, les seconds ne le peuvent pas par principe, à moins qu’ils constituent une transaction, c’est-à-dire un contrat écrit par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître (C. civ., art. 2044). C’est bien entendu le critère des concessions réciproques qui sera décisif : en leur absence (et par ex., en présence d’une simple renonciation unilatérale d’une partie), l’homologation ne sera pas possible. Pour parler franc, l’explication de cette différence de régime ne saute pas aux yeux. On ne voit pas spontanément ce qui justifie de priver de possibilité d’homologation judiciaire un accord au double motif cumulé qu’il ne serait pas issu d’un mode amiable réglementé et qu’il ne serait pas transactionnel. La circulaire ne livre d’ailleurs pas de clef de compréhension. Il est permis de le regretter. Quoi qu’il en soit, si ledit accord ne constitue pas une transaction mais constitue malgré tout un contrat – configuration possible dans l’absolu –, il ne pourra certes pas être homologué et accéder à la force exécutoire par ce biais ; en revanche, il conservera force obligatoire et pourra accéder à la force exécutoire d’une autre manière (par ex., en étant rédigé par acte authentique).

Venons à présent au sujet critique de l’acquisition de la force exécutoire.

L’acquisition de la force exécutoire

L’accord des parties peut acquérir la force exécutoire de trois manières selon l’amiable décret. Primo, lorsque la conciliation est conduite par le juge (conciliation judiciaire stricto sensu ou audience de règlement amiable), il lui est loisible de délivrer des extraits du procès-verbal dressé par ses soins sur la demande des parties, auquel cas ils valent titre exécutoire (C. pr. civ., art. 1542 ; rappr. C. pr. exéc., art. L. 111-3, 3°). Deuzio, les parties peuvent demander l’homologation judiciaire de certains accords. Tertio, les parties peuvent, sans passer par le juge, demander l’apposition de la formule exécutoire par le greffe, ce qu’on a nommé un temps l’homologation-greffe. On reviendra sur ces deux dernières possibilités concurrentes (C. pr. civ., art. 1543), remaniées légèrement par le décret du 18 juillet 2025.

Homologation judiciaire

« Toute partie souhaitant conférer force exécutoire à une transaction ou à un accord, même non transactionnel, issu d’une conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une médiation ou d’une convention de procédure participative peut demander son homologation » au juge, est-il disposé à l’article 1543 nouveau du code de procédure civile. Où l’on retrouve pour l’essentiel la différence de régime présentée ci-avant. Au-delà, cet article 1543 est digne d’approbation lorsqu’il précise que « toute partie » peut demander l’homologation de l’accord. Elles peuvent d’évidence le solliciter de concert ; sinon, la plus diligente – ou intéressée – peut la demander unilatéralement (rappr. C. pr. civ., art. 1545, plus explicite encore).

L’amiable décret reprend ensuite l’office du juge homologateur, en restant dans l’ensemble très timoré. « Le juge n’homologue l’accord des parties que si son objet est licite et s’il ne contrevient pas à l’ordre public », précise l’article 1544, alinéa 1er, du code de procédure civile. Du reste, le juge homologateur ne peut toujours pas modifier les termes de l’accord qui lui est soumis, en cohérence avec le principe général d’intangibilité des conventions et de non-immixtion judiciaire. En regard du droit antérieur, le décret ne fait pas œuvre spectaculaire quant à l’office du juge homologateur. Demain, l’homologation ne produira pas davantage un effet de purge qu’hier. La raison en est simple : l’office du juge de l’homologation demeure fort réduit. Il sera donc possible de quereller la validité d’un accord homologué en contemplation de l’intégrité du consentement ou autre.

S’agissant de la procédure d’homologation à proprement parler, elle demeure sur requête – unilatérale ou conjointe selon le cas (C. pr. civ., art. 1545). Elle est portée devant le juge saisi au cas d’un accord en cours d’instance ; elle est sinon portée devant le juge qui aurait été compétent sur le litige (C. pr. civ., art. 1545). « À moins qu’il en soit disposé autrement, [la requête] peut toujours l’être devant le juge déjà saisi du litige », ajoute l’article 1545, alinéa 2. Qu’est-ce à dire très concrètement ? Ces dispositions visent, en quelque sorte, à proroger la compétence du juge déjà saisi. Si les parties se sont entendues en cours d’instance, qu’importe que la compétence du juge saisi puisse être discutée à l’égard du litige : il peut homologuer. Cette prorogation de compétence devrait néanmoins trouver sa limite lorsque la compétence est exclusivement attribuée à une autre juridiction.

Si le juge homologue, la voie classique du référé-rétractation est ouverte à tout intéressé (C. pr. civ., art. 1545-1, al. 3). Si le juge refuse d’homologuer, non seulement la décision doit-elle être motivée mais elle est en outre appelable, à moins qu’elle n’émane de la cour d’appel (C. pr. civ., art. 1545-1, al. 2). L’appel est alors formé par déclaration au greffe de la cour d’appel et instruit et jugé comme en matière gracieuse (idem). Ces dispositions sont classiques.

Concurremment à l’homologation judiciaire, l’amiable décret persiste à ouvrir l’apposition de la formule exécutoire par le greffe, ce qu’on a parfois nommé avec inspiration l’« homologation-greffe ».

« Homologation-greffe »

C’est d’abord le champ de l’homologation-greffe qui est envisagé à nouveaux frais. Classiquement, elle est ouverte aux accords prenant la forme d’un acte contresigné par avocats. Deux cas sont déclinés : celui d’un « acte constatant l’accord auquel sont parvenues les parties à une conciliation, une médiation, une procédure participative » (C. pr. civ., art. 1546, 1°) ; celui d’un « accord transactionnel, même non issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une convention de procédure participative » (C. pr. civ., art. 1546, 2°). En regard du droit antérieur, le champ d’application de cette procédure est donc étendu. En outre, il est toujours précisé qu’elle est aussi mobilisable à l’égard de « la transaction » (C. pr. civ., art. 1549).

Quant à la procédure à proprement parler, peu d’innovations sont à signaler. La demande d’apposition de la formule exécutoire est toujours portée au greffe de la juridiction du domicile du demandeur compétente pour connaître du contentieux dans la matière dont relève l’accord (C. pr. civ., art. 1546, al. 4). Et le greffe n’appose la formule exécutoire qu’après vérification de sa compétence et de la nature de l’acte (C. pr. civ., art. 1546, al. 5). Si le greffe appose la formule exécutoire, toute personne intéressée peut former une demande aux fins de suppression auprès de la juridiction selon les règles de la procédure accélérée au fond (C. pr. civ., art. 1548). En revanche, si le greffe refuse, il n’est toujours rien prévu et il convient, autant que faire se peut, de se tourner vers l’homologation judiciaire.

En somme, quant à l’homologation-greffe, l’amiable décret innove bien peu. L’acte d’avocat rencontrant les difficultés qu’on connaît en pratique et l’apposition de la formule exécutoire par le greffe étant elle-même peu connue, il y a fort à parier que cette dernière procédure, peu modernisée par le décret, ne connaîtra qu’une fortune timide.

 

Décr. n° 2025-660, 18 juill. 2025, JO 19 juill.

par Maxime Barba, Agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Grenoble Alpes, Codirecteur de l’IEJ de Grenoble

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