La réforme de l’instruction et des modes alternatifs en matière civile : un amiable décret (deuxième partie : le principe d’instruction conventionnelle)

Le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 porte réforme de l’instruction en érigeant l’instruction conventionnelle des causes pour principe, la mise en état judiciaire devenant d’exception. L’instruction amiable serait notamment récompensée par un audiencement prioritaire. Ce changement de paradigme voulu par le pouvoir réglementaire interroge tant sur sa fortune que sur son opportunité.

Dans une précédente annotation (Dalloz actualité, 17 sept. 2025), ont été présentées les lignes de force du décret du 18 juillet 2025 ainsi que ses dispositions de droit transitoire. La modification de l’article 21 du code de procédure civile, consistant en la consécration d’un principe de coopération mêlé de proportionnalité procédurale, a aussi été examinée. Le présent commentaire est pour sa part axé sur la réforme de l’instruction et, plus particulièrement, sur la consécration d’un principe d’instruction amiable. La note prochaine concernera la déclinaison technique de ce principe.

Avant l’amiable décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025, les articles 127 et suivants étaient dédiés à la conciliation et à la médiation, ce qui était d’ailleurs l’intitulé du titre VI du livre Ier qui les contenait. Sur quoi le décret procède à un vaste réaménagement : ledit titre sera désormais consacré aux conventions relatives à la mise en état. Concrètement, les nouveaux articles 127 à 131-8 du code de procédure civile traitent désormais de l’instruction conventionnelle des causes, cependant qu’on retrouvera les dispositions relatives à la conciliation et à la médiation dans le livre V réécrit pour l’occasion (v. la précieuse table de correspondance faite par V. Avena-Robardet à l’AJ fam. 2025. 467 ).

Le nouveau titre consacré aux conventions de mise en état s’ouvre sur un article 127 entièrement repris qui donne le ton : « Dans le respect des principes directeurs du procès, les affaires sont instruites conventionnellement par les parties. À défaut, elles le sont judiciairement. / Les affaires instruites conventionnellement font l’objet d’un audiencement prioritaire ». Les articles 128 et suivants matérialisent ensuite les modalités possibles d’instruction conventionnelle.

L’article 127 érige donc en principe l’instruction amiable (« conventionnelle ») des affaires, ravalant au rang d’exception leur instruction judiciaire classique. Le nouveau principe appelle diverses observations sur sa fortune et son opportunité.

Fortune de l’instruction amiable

Pour susciter les vocations, le ministère a choisi d’agiter la carotte de l’audiencement prioritaire : les affaires amiablement instruites seront audiencées en premier, cependant que les affaires judiciairement conduites le seront en second. L’incitatif figure au deuxième alinéa de l’article 127. Il suscite d’emblée quelque perplexité pour des raisons tant pratiques que juridiques, sans même rappeler qu’en règle générale, une seule des deux parties au procès a intérêt à aller vite.

Difficultés pratiques

Sur le plan pratique, les juridictions devront en premier lieu jouer le jeu et réserver donc des créneaux d’audiencement aux affaires amiablement instruites et prendre le risque que ces créneaux demeurent inoccupés en tout ou partie si les parties et leurs avocats décident de ne pas jouer le jeu. Quant aux avocats, justement, ils s’empareront possiblement de l’instruction amiable, mais dans des proportions certainement variables et selon des temporalités très difficiles à prédire. Plusieurs scenari sont possibles.

Le premier est celui d’un engouement généralisé où une majorité d’avocats déciderait d’instruire amiablement les causes. Alors, la promesse d’un audiencement prioritaire deviendrait sans intérêt pour les parties : quand tout le monde est prioritaire, nul ne l’est vraiment. Ce scenario est cependant très improbable. Le deuxième, plus probable, est celui d’un engouement modéré, voire timoré, où certains avocats seulement se lanceraient dans l’aventure de l’instruction amiable, les autres s’en tenant à l’instruction judiciaire classique. Alors l’audiencement devrait être véritablement prioritaire en cas d’instruction amiable car si la promesse n’est pas systématiquement honorée, et significativement, l’instruction conventionnelle disparaîtra aussi vite qu’elle est apparue. Ce qui conduit au troisième scenario, le plus probable en vérité, où aucun avocat ou presque ne se lancerait dans l’instruction amiable. Dans ce cas, nul ne bénéficierait certes d’un audiencement prioritaire mais tous seraient rangés à la même enseigne. Surtout, face à l’absence d’instruction amiable, les juridictions seront conduites à réduire, voire supprimer, les créneaux d’audiencement prioritaire leur étant réservés, car elles ne peuvent se permettre de conserver des créneaux inoccupés et d’alourdir le stock ; ce qui, doucement mais sûrement, contribuera à éliminer la pratique de l’instruction amiable.

In globo, il est permis de penser qu’à moins d’un alignement fortuit des planètes, la disharmonie probable entre la pratique des avocats et les réalités juridictionnelles rendra difficile la récompense systématique et significative d’une instruction amiable, ce qui pourrait en signer l’échec. Là encore, l’avenir le dira. Il n’est pas exclu qu’en fonction des juridictions et des pratiques locales, l’instruction amiable fasse florès en certains endroits seulement.

Difficultés juridiques

Au-delà des réalités pratiques à peine effleurées à l’instant, il y a encore des raisons juridiques de douter de la fortune de l’instruction amiable récompensée par un audiencement prioritaire. Le doute est là : l’article 129-2, alinéa 2, du code de procédure civile, qui intéresse l’instruction conventionnelle simplifiée, précise que « Si l’instruction conventionnelle a permis de mettre l’affaire en état d’être jugée, le juge fixe la date de clôture de l’instruction s’il y a lieu et la date de l’audience de plaidoiries, sans préjudice des dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire » (qui concerne le cas rare d’une procédure sans audience devant le TJ). Cela signifie que les parties n’obtiendront une date d’audiencement qu’au sortir de la mise en état amiable et non avant : une mauvaise surprise est donc toujours possible. Pire, si l’instruction conventionnelle échoue, pour n’avoir pas mis l’affaire en état d’être jugée, il faudra repasser par une instruction judiciaire et, sans doute, perdre alors le bénéfice d’un audiencement prioritaire.

Le même article 129-2 mais pris en son troisième alinéa dispose encore que « Si la convention ne permet pas de préserver les principes directeurs du procès ou le droit à un procès équitable ou si sa mise en œuvre n’a pas permis de mettre l’affaire en état d’être jugée, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie, poursuivre l’instruction selon les modalités propres à chaque juridiction. Cette décision est une mesure d’administration judiciaire ». Il est donc risqué de conduire une instruction amiable qui pourra être convertie en instruction judiciaire pour diverses raisons, signant la perte du principal avantage escompté par les parties : l’audiencement prioritaire. Ce n’est qu’en cas de convention de procédure participative aux fins de mise en état qu’une date de clôture et d’audience sera immédiatement fixée par le juge (C. pr. civ., art. 130-2), mais on sait les difficultés propres suscitées par la conclusion d’une telle convention, même atténuées par le décret. Nous y reviendrons.

En somme, il n’est pas dit que la promesse normative d’un audiencement prioritaire suffise à faire la fortune de l’instruction amiable des causes en matière civile.

Tout cela étant dit, le tableau n’est pas non plus sombre en tous points car les parties pourront trouver d’autres avantages à l’instruction conventionnelle, au-delà de son principe même. Pour seul exemple, l’interruption des délais Magendie en cause d’appel en cas d’instruction amiable pourrait inciter les parties et leurs avocats à s’en emparer volontiers (C. pr. civ., art. 915-3). Il est donc possible que, pour des raisons tenant à autre chose que l’audiencement prioritaire, l’instruction amiable s’installe dans le paysage français.

Est-ce néanmoins souhaitable ? C’est une autre question.

Opportunité de l’instruction amiable

Le principe nouveau est-il opportun ? On peut d’abord jauger cette opportunité à trois aunes : l’intérêt des parties, celui des juridictions et celui des avocats. Vérifions ainsi si le nouveau principe est dans l’intérêt de ces différentes parties prenantes, ce qui permettra possiblement de dire si le nouveau principe est d’intérêt général.

Ceci fait, on se penchera sur deux interférences normatives qui adviendront sans doute et dont le pouvoir réglementaire n’a possiblement pas pris toute la mesure : le droit des contrats trouvera certainement application aux nouvelles conventions de mise en état ; en cas d’extranéité des parties, il conviendra de résoudre quelques délicates questions de conflit de lois.

C’est au moins au terme d’une appréciation faite sous ces divers angles qu’on peut dire s’il est judicieux d’avoir consacré l’instruction amiable comme nouveau principe de mise en état en matière civile.

Intérêt des parties prenantes

Est-il dans l’intérêt des parties de mettre en état conventionnellement la cause qui les oppose ?

Vaste question. La réponse première qui point à l’esprit est positive, non seulement car le conventionnel tutoie ordinairement le juste, mais aussi parce que tout ce qui permet une réappropriation du litige par les parties paraît opportun. C’est leur différend : n’est-il donc pas naturel qu’elles en conduisent l’instruction de concert et à leurs propres conditions ? Le procès civil est la chose des parties, énonce-t-on ad nauseam : les voilà servies.

À l’analyse, rien n’est pourtant aussi simple pour une raison au moins : ce qui est conventionnel n’est pas toujours juste, tant s’en faut. D’ailleurs, l’amiable décret lui-même réserve quelques hypothèses où un déséquilibre marquant (significatif ?) entre les droits et obligations des parties conduira à neutraliser l’instruction conventionnelle. Ainsi, si la convention d’instruction simplifiée « ne permet pas de préserver les principes directeurs du procès ou le droit au procès équitable », le juge pourra basculer en mise en état judiciaire (C. pr. civ., art. 129-2). L’article 127 du code de procédure civile rappelle lui-même, en guise de mise en garde, que l’instruction conventionnelle doit être faite « dans le respect des principes directeurs du procès ». C’est dire qu’un contrôle de l’équilibre de la convention et de sa licéité devra être réalisé par le juge saisi, ce qui montre bien, en creux, que l’instruction amiable d’une cause peut faire une victime au moins (disons la plus faible des parties au procès). On peut s’en inquiéter et douter alors de l’opportunité de l’instruction amiable comme principe, sans même insister sur la difficulté qu’il pourra y avoir à concilier les parties sur l’idée même d’une instruction amiable.

Est-il dans l’intérêt des juridictions d’avoir l’instruction amiable pour principe ?

Vaste question, là encore. En première approche, la réponse est encore positive car si les parties gèrent à présent la mise en état, ce n’est plus le juge et le greffe qui le font. Or, toute économie de temps et de moyens est précieuse au Palais. Mais est-elle garantie ? La question est sérieuse. Tout d’abord, ne nous y trompons pas, chaque fois qu’une difficulté surgira sur la validité ou l’exécution de la convention de mise en état, c’est le juge qui devra s’en charger. Il demeure donc dans l’ombre de l’instruction amiable. Par exemple, les parties pourront certes déterminer elles-mêmes les modalités de communication de leurs conclusions et pièces, et notamment les délais (C. pr. civ., art. 128, 2°, première phrase). Mais en cas de communication tardive, c’est encore le juge qui devra procéder à leur mise à l’écart (C. pr. civ., art. 128, 2°, seconde phrase). De même, il est certes loisible aux parties de recourir ensemble à un technicien dans le contexte de l’instruction conventionnelle (C. pr. civ., art. 128, 3°). Néanmoins, là encore, c’est le juge qui devra être saisi pour régler les éventuelles difficultés (C. pr. civ., art. 131-3).

Du reste, la consécration de l’instruction amiable comme principe engendrera de nouvelles difficultés. Par exemple, la conclusion d’une convention d’instruction simplifiée interrompt le délai de péremption de l’instance jusqu’à la survenance du terme fixé par les parties ou jusqu’à l’avis donné aux parties de l’acte matérialisant la reprise de l’instruction judiciaire (C. pr. civ., art. 129-3). Cet article 129-3 précise cependant que cette interruption ne vaut qu’à condition que l’exécution de la convention de procédure « donne lieu à des actes de nature à faire progresser l’affaire ». Un nouveau contentieux de la péremption adviendra donc. Une autre question devrait par ailleurs se poser : à quel point peut-on considérer qu’une convention de mise en état ne préserve pas les principes directeurs du procès ou le droit à un procès équitable, justifiant un retour à l’instruction judiciaire (C. pr. civ., art. 129-2) ? C’est là une belle question, sur laquelle s’échineront les juridictions. Tout cela pour dire que l’économie espérée en juridictions n’est peut-être pas aussi importante qu’on le croit. D’anciens contentieux resteront ; de nouveaux surgiront.

Par ailleurs, on peut s’étonner du désengagement judiciaire de l’instruction des causes civiles voulue par le pouvoir réglementaire. En procédure civile moderne, on a coutume d’enseigner deux choses au moins quant à l’office – au sens de « fonction générale » – du juge civil. D’une part, il n’est pas l’arbitre passif qu’on croit parfois : il peut partir en quête de vérité sans s’en tenir à celles affirmées par les parties (C. pr. civ., art. 10). D’autre part et c’est lié, le juge de la mise en état, lato sensu, est celui qui peut, très concrètement, se mettre en quête de vérité dans une instance civile (v. par ex., C. pr. civ., art. 789, 5°, pour le JME du TJ). Dès lors, renoncer à l’instruction judiciaire en guise de principe, c’est peut-être renoncer, pour partie au moins, à cette quête de vérité en matière civile, ce qui peut émouvoir. Espérons en tout cas que cette implication de principe a été perçue en haut lieu au moment de promouvoir l’instruction amiable en principe.

Cette même promotion est-elle enfin dans l’intérêt des avocats ?

Vaste question une fois encore, critique de surcroît car leur concours est décisif. De prime abord, la consécration de l’instruction amiable est à leur plein avantage. Ils pourront désormais déployer une nouvelle ingénierie contractuelle appliquée à la mise en état des causes, source possible de facturation. Ils pourront aussi se réapproprier la mise en état et, notamment, échapper à de désagréables délais couperets à l’instar de ceux qui existent en procédure d’appel avec représentation obligatoire. Ils disposent encore d’un monopole partiel, au moins s’agissant de la mise en état par procédure participative. En première approche, la consécration d’une instruction amiable ressemble à une aubaine. C’est néanmoins un mirage.

Tout d’abord, le décret transfère précisément la charge de l’instruction sur les parties et, en particulier, sur leurs avocats. Ceux-ci devront donc établir des modèles de convention en vue d’une mise en état amiable, ce qui risque d’être difficile et chronophage, au moins dans un premier temps. Et il leur appartiendra de tenir ces modèles à jour, au fur et à mesure des évolutions réglementaires ou jurisprudentielles. Ils devront le faire, non seulement pour proposer à leurs clients des instructions conventionnelles efficaces, mais aussi pour se prémunir car, en leur transférant la charge de l’instruction, le décret leur a aussi transféré certains risques. Par exemple, si une convention de mise en état simplifiée est, demain, invalidée en juridiction, la responsabilité de l’avocat rédacteur et conseil pourra être engagée. Autre exemple : si une convention de mise en état simplifiée proposée par un avocat à son client s’avère finalement désavantageuse à son égard, sa responsabilité pourra être engagée – sans compter l’atteinte réputationnelle. Avant, l’instruction était judiciaire et l’avocat suivait donc la mise en état arrêtée par le juge en respectant la règle du jeu inscrite dans le code de procédure civile. Puisque l’instruction devient conventionnelle par principe, ce sont désormais les avocats de chacune des parties qui établissent de concert la règle du jeu dans les limites du code : on pourra donc leur reprocher d’en avoir érigé une mauvaise, illicite, inefficace ou fâcheuse.

Plus généralement, le principe d’instruction amiable pourrait complexifier la pratique contentieuse car à chaque nouvelle instance pourra correspondre une nouvelle règle du jeu conventionnelle, sauf à ce que tous les avocats pratiquent exactement le même modèle – ce qui est peu probable. Pour aplanir cette difficulté, chaque avocat tentera certes d’imposer son modèle de convention à l’autre mais l’on voit alors ce qui risque d’advenir : des négociations contractuelles au seuil du procès dont chacun se serait bien passé.

Finalement, et sans prétendre avoir épuisé toutes les difficultés, la consécration de l’instruction amiable n’est pas dans l’intérêt évident des parties, des juridictions et des avocats. Même si l’avenir le dira mieux, le bilan est en l’état mitigé.

Interférences normatives

Au chapitre des inconvénients, il faut encore compter avec deux interférences nouvelles au moins : celle du droit des contrats, celle du droit international privé.

Droit des contrats

L’instruction devient par principe conventionnelle. Donc, par principe, et à moins de considérer que les « conventions relatives à la mise en état » ne sont pas des contrats, le droit des contrats devrait trouver à s’appliquer, ce qui est vertigineux. Toutes les règles du droit commun des contrats seront alors pertinentes et s’y ajouteront quelques règles spéciales, propres à ces conventions particulières. Il est exclu de pondérer ici les abondantes implications de ce changement de paradigme ; prenons simplement quelques exemples.

Selon toute vraisemblance, les conventions de mise en état seront pourvues d’un terme. Ce seront des contrats à durée déterminée, par exemple six mois. Un contrat à durée déterminée doit être exécuté jusqu’à son terme et nul ne peut en exiger le renouvellement (C. civ., art. 1212) ; en revanche, un tel contrat peut être renouvelé par l’accord des parties (C. civ., art. 1214) ou par tacite reconduction (C. civ., art. 1215). Lorsque, au terme d’une convention de mise en état, l’affaire n’est pas suffisamment instruite et que les parties continuent spontanément à l’instruire dans les termes de la convention expirée, faut-il considérer qu’une nouvelle convention de mise en état prend le relais aux mêmes conditions que la précédente ? Ou l’instruction judiciaire prend-elle automatiquement le relais ? Cela dépendra du contrat et de l’interprétation possible des articles 127 et suivants du code de procédure civile.

Autre exemple : les conventions de mise en état auront notamment pour objet de déterminer un calendrier de procédure. Si le calendrier n’est pas respecté par une partie, son cocontractant adverse peut-il, se prévalant de l’exception d’inexécution (C. civ., art. 1219), s’en affranchir à son tour ? Peut-il sinon résoudre unilatéralement la convention ?

De nombreuses autres questions pourront se poser. Quid du contrôle de l’existence et de l’intégrité des consentements ? Y a-t-il un devoir d’information précontractuelle particulier à respecter ? Quid du contrôle des clauses abusives ? Quel effet sur l’instance et les actes aura l’éradication – totale ou partielle – de la convention de mise en état ? Une convention de mise en état conclue entre une partie représentée et une partie qui ne l’est pas sera-t-elle contrôlée plus intensément ? Un écrit s’impose-t-il ? Un accord verbal suffit-il, éventuellement relaté dans un courrier adressé au juge ?

Si le droit des contrats s’applique aux conventions de mise en état – ce qui constitue une question en soi –, il faudra pondérer minutieusement toutes les implications associées.

Droit international privé

Il faudra aussi compter avec l’interférence possible du droit des conflits de lois. Lorsque l’instruction est judiciaire, il n’y a nulle difficulté car la lex fori – la loi du for – s’applique naturellement : la loi française gouverne la mise en état au sein des juridictions civiles françaises. Lorsque l’instruction est conventionnelle, c’est possiblement différent, en particulier si la qualification contractuelle est acquise, car la règle de conflit est alors virtuellement distincte.

Sur ce point, il faudra déjà en déterminer la source. Le règlement (CE) n° 593/2008 dit « Rome I » traite ordinairement des conflits de lois en matière contractuelle. Toutefois, son article 1.3 dispose qu’il ne s’applique pas « à la procédure ». Est-ce à dire qu’il ne s’applique pas aux seuls aspects procéduraux de l’instance relative à un contrat ou qu’il ne s’applique pas aux contrats ayant un objet processuel, à l’instar des conventions de mise en état ? La question se posera.

Une fois résolue, restera la problématique de fond : à quelle loi sera soumise une convention de mise en état conclue, par exemple, entre des parties ni françaises ni domiciliées en France ? En matière contractuelle, la règle de conflit observée est généralement la loi d’autonomie : s’applique à la convention la loi choisie par les parties. À défaut, c’est ordinairement la loi de la résidence habituelle de la partie débitrice de l’obligation caractéristique qui s’applique. Est-il alors envisageable qu’une loi autre que française s’applique à la mise en état conventionnelle d’une cause pendante devant une juridiction française ? Il est douteux qu’une loi étrangère puisse dicter au juge français la conduite procédurale à tenir ; rien n’exclut en revanche que sur certains aspects proprement contractuels, une loi étrangère s’applique.

Quoi qu’il en soit, des questions de droit international privé émergeront en présence de parties externes, ce qui pourrait d’ailleurs encourager à privilégier dans ces hypothèses une instruction judiciaire des causes.

En définitive, était-il judicieux de consacrer l’instruction amiable comme principe de mise en état des causes civiles ? Il est difficile de le dire. Sans se risquer, on peut en tout cas prédire que de nombreuses difficultés adviendront en conséquence de la consécration de ce nouveau principe. D’autres surgiront relativement à ses modalités de mise en œuvre, dont l’examen formera l’objet du prochain commentaire.

 

Décr. n° 2025-660, 18 juill. 2025, JO 19 juill.

par Maxime Barba, Agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Grenoble Alpes, Codirecteur de l’IEJ de Grenoble

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