La taxe foncière : une rente pour les communes ?

L’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) a présenté son 18e rapport annuel de l’observatoire national des taxes foncières sur les propriétés bâties avec une analyse sur l’évolution de cet impôt local depuis 2013 sur près de 35 000 communes dont les 200 plus grandes villes de France.

Instaurée par la loi n° 73-1229 du 31 décembre 1973 sur la modernisation des bases de la fiscalité directe locale et régie par les articles 1380 à 1391 E du code général des impôts, la taxe foncière sur les propriétés bâties est due par tout propriétaire ou usufruitier d’un bien immobilier au 1er janvier de l’année d’imposition. Selon les statistiques de la Direction générale des Finances publiques, en 2023, 33 millions de propriétaires (personnes physiques ou morales), étaient imposables à cette contribution obligatoire à hauteur de 50,8 Md€.

L’UNPI présente l’évolution du calcul technique de l’impôt foncier, examine l’évolution des taux de cette taxation annuelle et soumet des propositions pour diminuer cette charge fiscale des propriétaires.

La taxe foncière, un levier fiscal pour les collectivités…

Le montant de cette taxe est calculé en multipliant la base imposable du bien (valeur locative cadastrale représentant le loyer annuel potentiel de la propriété diminuée d’un abattement forfaitaire de 50 % correspondant aux frais de gestion et d’entretien) par les taux d’imposition applicables par la commune, le syndicat des communes, et l’intercommunalité. Une réforme de 2011 a retiré la part de la taxe foncière aux régions, celle de 2021 aux départements et reporté sur les communes.

Le rapport souligne que l’extrême complexité du système de fixation des valeurs locatives permet à l’administration d’opérer des revalorisations régulières (majoration par un coefficient forfaitaire applicable au niveau national) sans trop craindre de contestations. Jusqu’en 2018, les valeurs locatives étaient revalorisées chaque année selon un coefficient fixé librement par la loi de finances en tenant compte des variations des loyers » (CGI, art. 1518 bis, 1er al.). Depuis 2018, le coefficient de revalorisation de l’année N est fixé en fonction du glissement annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé du mois de novembre de l’année N-1. Entre 2013 et 2023, les valeurs locatives ont été majorées de 19,90 % (majoration de 14,76 % pour la période 2018-2023).

De plus, l’observatoire note une multiplication des taxes annexes : taxe spéciale d’équipement appliquée dans les deux tiers des communes, taxe d’ordures ménagères, taxe GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) créée en 2015, appliquée dans 74 % des communes, taxe spéciale d’équipement ligne grande vitesse créée en 2023 imputée à 2 340 communes du Sud-Ouest, taxe additionnelle spéciale annuelle pour le transport en commun des franciliens instaurée en 2015…

Par ailleurs, sur le montant brut, l’état applique 3 % pour les frais de gestion, ce taux est ramené entre 8 et 9 % pour la collecte au profit des syndicats de communes.

… avec des taux en constante augmentation !

Évolution de la taxe foncière entre 2013 et 2023

Le rapport montre qu’en dix ans, la taxe foncière a progressé de 32,9 % sur le territoire national : un tiers de la somme correspondant à l’augmentation moyenne des taux de + 10,83 %, les deux tiers restants correspondant à la revalorisation légale des valeurs locatives de 19,90 %. Ainsi la hausse est 1,7 fois supérieure à l’inflation (19 % selon l’INSEE pour la période d’oct. 2013 à oct. 2023) et plus de quatre fois supérieure à l’évolution des loyers estimée par l’INSEE à 7,7 %.

L’augmentation dans les 50 villes les plus peuplées de France sur cette décennie est dans les même proportions (+ 33 %), la plus grande augmentation est pour Paris avec + 83 % en raison de l’explosion du taux communal, suivi de Strasbourg (+ 52 %) et Limoges (+ 51,8 %) a contrario, les plus faibles évolutions de l’impôt sont pour Caen (+ 17,2 %), Le Havre et Amiens (+ 19,9 %).

Année 2023. Dans son expertise, l’observatoire rapporte que les taux cumulés de la taxe foncière en 2023 sur l’ensemble du territoire s’élèvent en moyenne à 40,36 %. Or, la base d’imposition est censée représenter six mois de loyers, avec ce calcul, la base d’imposition équivaut à ponctionner 20,18 % du loyer annuel soit 2,4 loyers mensuels. En outre, une forte disparité de cette taxe est relevée entre les communes de l’hexagone : dans le département de l’Aude, les taux (hors taxes d’enlèvement des ordures ménagères) de Villeneuve-Minervois atteignent 99,09 % soit six mois de loyers, ceux de Sallèles-d’Aude 98,48 %, contrairement aux grandes villes d’Île-de-France comme Châtenay-en-France dans le Val-d’Oise où les taux sont de 8,80 % ou Neuilly-sur-Seine dans les Hauts-de-Seine avec un taux global de 13,70 %.

Année 2024. Le montant de la taxe foncière 2024 pour les 200 villes les plus peuplées de France a connu une augmentation de 4,9 %. Si elle est quatre fois supérieure à l’augmentation constatée entre 2020 et 2021 (1,3 %), elle reste sensiblement moins élevée que la hausse record entre 2022 et 2023 (9,3 %). Cette année la plus forte hausse est pour Nice (+ 21,7 %) avec l’instauration de la taxe GEMAPI et un taux communal relevé de six points, suivie de Saint-Priest (+ 20,9 %). Une hausse de plus de 15 % est relevée pour Saint-Etienne (18,5 %), Nancy (17,7 %), Annecy (17,5 %) et Le Cannet (15,8 %). En revanche, les hausses les plus faibles sont pour Mantes-la-Jolie (1,2 %), Poissy (2,8 %) et Castres (2,9 %).

Les préconisations de l’UNPI

L’UNPI considère que la taxe foncière doit être remplacée par une taxe de l’usager modulable en fonction de certains critères comme les ressources ou la contribution sociale, à la charge de tous habitants de la commune bénéficiant des services publics et des équipements locaux et non plus aux seuls propriétaires.

De plus, l’association préconise :

  • de permettre aux propriétaires bailleurs de récupérer partiellement la taxe foncière auprès de leur locataire ;
  • un dégrèvement de la taxe foncière dans les secteurs ou le loyer est encadré par arrêté préfectoral ;
  • un allègement de la taxe pour les propriétaires effectuant des travaux de rénovation énergétique importants ou obligatoires.

Elle propose également que l’indexation des valeurs locatives, assiette de la taxe foncière sur l’inflation soit réformée et ne repose plus sur l’indice des prix à la consommation harmonisé, indicateur permettant d’apprécier le respect du critère de convergence portant sur la stabilité des prix, dans le cadre du Traité de l’Union européenne (Maastricht) mais sur l’indice des loyers d’habitation de l’INSEE.

Après de fortes augmentations de la taxe foncière ces dernières années, la hausse de 2025 devrait être cependant un peu plus modérée : selon les dernières estimations publiées le 15 octobre par l’INSEE, l’inflation sous-jacente (base de calcul pour la valeur locative cadastrale) a ralenti sur un an et s’établit en septembre 2024 à + 1,4, l’indice des prix à la consommation harmonisé baisse de 1,3 % sur un mois après un ralentissement sur un an : + 1,4 % en septembre 2024. Les chiffres définitifs servant de base de calcul à la taxe foncière seront connus en fin d’année.

 

UNPI, Dossier de presse, 15 oct. 2024

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