La taxe Lidl devant la Cour de cassation : répit seulement provisoire des distributeurs ?
L’ancien dispositif de l’avantage sans contrepartie (C. com., art. L. 442-6, I, 1°) permet uniquement un contrôle des services commerciaux. Les opérations d’achat-vente, incluant les remises tarifaires sollicitées à ce titre, sont exclues. La nouvelle mouture de ce dispositif (C. com., art. L. 442-1, I, 1°) devrait permettre un contrôle plus général, intégrant les opérations d’achat-vente. Le contentieux relatif aux remises exigées par les distributeurs à l’encontre des fournisseurs est appelé à se poursuivre.
1. Pendant des années, le distributeur Lidl a exclusivement commercialisé des produits de marque de distributeur à bas prix. En 2006, une nouvelle stratégie de hard discount est développée : 10 % des produits proposés seront, à titre de produits d’appel (donc, moins chers), des produits de marque à forte notoriété. La taxe Lidl est née en réaction. Leclerc a sollicité, lors des négociations annuelles et via son groupement d’achat (la société Le Galec), une remise additionnelle de 10 % aux fournisseurs qui approvisionnaient Lidl (parmi lesquels, Bel, Danone, Heineken, Lactalis ou encore Mars).
2. La validité de cette taxe Lidl a été contestée par le ministre de l’Économie au motif que celle-ci n’était assortie d’aucune contrepartie. Par un arrêt remarqué, la Cour d’appel de Paris a refusé de sanctionner cette taxe Lidl (Paris, pôle 5 - ch. 4, 25 oct. 2023, n° 21/11927, D. 2024. 117, point de vue F. Buy
; ibid. 745, obs. N. Ferrier
; Lettre distrib., déc. 2023. 6, note J.-M. Vertut ; LEDICO déc. 2023, n° DDC201x9, note M. Behar-Touchais). Sans surprise, l’affaire est portée devant la Cour de cassation, laquelle rejette le pourvoi (Com. 25 juin 2025, n° 24-10.440, D. 2025. 1204
; RPDA juill. 2025, n° RDA100s0, obs. F. Buy ; LEDICO juill. 2025, n° DDC203e5, obs. J.-L. Fourgoux ; Lettre distrib., juill.-août 2025. 1, obs. N. Eréséo ; CCC 2025. Comm. 115, note N. Mathey ; ibid. 116, note. M. Malaurie-Vignal).
3. La taxe Lidl sort donc indemne du contentieux engagé. Pour Leclerc, ni restitution des 80 millions d’euros de remises, ni paiement de l’amende civile de 25 millions d’euros. Les distributeurs peuvent-ils pourtant, de façon inconditionnelle, demander des remises à leurs fournisseurs ? On sera ici prudent. L’arrêt commenté pourrait bien ne constituer que le match aller de la rencontre. Le raisonnement et la solution ne valent, en effet, que sur le terrain de l’ancien article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce. Comme nous allons le voir, la Cour de cassation a choisi de développer une interprétation littérale et stricte de cet ancien dispositif ; interprétation qu’il nous paraît difficile de maintenir sous l’empire du nouveau dispositif, à savoir l’article L. 442-1, I, 1°, du code de commerce. Le répit des distributeurs s’annonce donc provisoire car les remises sollicitées (taxe Lidl ou autres) seront éprouvées lors du match retour, qui se jouera cette fois sur le terrain du nouveau dispositif. Distinguons ces deux périodes.
Match aller sur le terrain de l’ancien article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce
4. Le contentieux de la taxe Lidl pose la question suivante : que peut-on contrôler via l’avantage sans contrepartie ? Il ne fait aucun doute que les services commerciaux assurés par le distributeur (Leclerc) sont visés. Il s’agit seulement de la lettre du texte qui vise le « service commercial effectivement rendu » (C. com., ex-art. L. 442-6, I, 1°). Concernant les opérations d’achat-vente entre le fournisseur et le distributeur, la réponse a pu être débattue mais s’avère, finalement, négative.
Des avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) ont défendu un contrôle allant au-delà des seuls services commerciaux (CEPC, 21 mai 2015, avis n° 15-21 et n° 15-22), même si l’un d’eux apparaît plus réservé (« il n’est pas acquis en l’état du droit positif, qu’une pratique de remises de fin d’année soit susceptible d’être examinée au regard de l’article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce », CEPC, 23 juill. 2015, avis n° 15-24).
La Cour d’appel de Paris a pu admettre que des ristournes liées aux achats du distributeur puissent être contrôlées (Paris, pôle 5 - ch. 4, 13 sept. 2017, n° 15/24117, Lettre distrib., nov. 2017. 3, obs. N. Éréséo). L’arrêt d’appel rendu dans le contentieux de la taxe Lidl est toutefois en sens contraire : la remise de 10 % est rattachée aux opérations de vente : « il ressort que cette remise spécifique sur produits était prévue au titre des conditions de l’opération de vente des produits […] et non au titre de la rémunération d’un service commercial » (Paris, 25 oct. 2023, n° 21/11927, préc.). Il n’y a donc pas de contrôle, même si les juges du fond ont consacré quelques lignes à l’existence de la contrepartie (infra § 11).
La Cour de cassation apporte une réponse claire : « seul l’avantage ne relevant pas des obligations d’achat et de vente consenti par le fournisseur au distributeur doit avoir pour contrepartie un service commercial effectivement rendu » (arrêt, § 6). Or, la remise de 10 % – la taxe Lidl – « était prévue au titre des conditions de l’opération de vente des produits […] et non au titre de la rémunération d’un service commercial ou de toute autre obligation […] » (arrêt, § 7).
5. Le message est donc le suivant : la taxe Lidl ne peut pas être contrôlée via l’avantage sans contrepartie (ou manifestement disproportionné) car celle-ci est liée à l’opération d’achat-vente. Cette conclusion est autorisée par le caractère fermé de l’ancien dispositif. Plus précisément, ce dispositif interdit seulement qu’un « partenaire commercial » (le fournisseur) accorde un « avantage quelconque » (la remise de 10 %) ne correspondant à « aucun service commercial » (C. com., ex-art. L. 442-6, I, 1°). Le dispositif prohibe donc les services commerciaux fictifs des distributeurs ainsi que toutes les situations visées dans ce même article (client le plus favorisé, corbeille de la mariée, etc.). Les opérations d’achat-vente, et les réductions qui peuvent y être associées, ne sont pas concernées. Ainsi, la Cour de cassation ne prend pas partie sur la contrepartie de la taxe Lidl (les 2e et 3e branches du pourvoi sont, à ce titre, jugées surabondantes, arrêt, § 8).
6. Si la voie de l’avantage sans contrepartie est fermée, la taxe Lidl aurait pu être éprouvée via le dispositif voisin : le déséquilibre significatif. En somme, passer du 1° au 2° de l’ancien article L. 442-6, I, du code de commerce. C’est donc, en l’espèce, la mobilisation d’un dispositif inapproprié qui est sanctionnée.
Ce changement de dispositif implique évidemment un changement de régime. Le déséquilibre significatif suppose d’abord d’établir la soumission du fournisseur à la taxe Lidl (ce qui est d’une difficulté relative car l’administration peut facilement obtenir les différents contrats, qui, lorsqu’ils sont similaires, contribuent à caractériser la condition de soumission, Com. 28 févr. 2024, n° 22-10.314, §§ 14-15, Dalloz actualité, 8 mars 2024, obs. Y. Heyraud ; D. 2024. 420
; ibid. 1154, chron. C. Bellino, T. Boutié et C. Lefeuvre
; ibid. 2137, obs. Centre de droit économique et du développement Yves Serra
; ibid. 2025. 413, obs. N. Ferrier
; RTD civ. 2024. 864, obs. H. Barbier
; JCP 2024. 525, obs. C. Nourissat ; CCC 2024. Comm. 58, note N. Mathey ; LEDICO, avr. 2024, nos DDC202f2 et DDC202f1, note M. Behar-Touchais ; Gaz. Pal. 30 avr. 2024, n° 15, p. 4, obs. D. Houtcieff ; Concurrences 2-2024. 95, note N. Ferrier ; ibid. 106, note J.-L. Fourgoux ; Lettre distrib., mars 2024. 1, obs. Y. Idani ; Lexbase Affaires, 7 mars 2024, n° 787, obs. V. Téchené). L’existence du déséquilibre significatif à strictement parler doit ensuite être démontrée (le contrôle judiciaire du prix étant permis, Com. 25 janv. 2017, n° 15-23.547, Dalloz actualité, 15 févr. 2017, obs. E. Chevrier ; D. 2017. 293
; ibid. 481
, note F. Buy
; ibid. 1075, chron. S. Tréard, F. Jollec, T. Gauthier, S. Barbot et A.-C. Le Bras
; ibid. 2444, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra
; ibid. 2018. 865, obs. D. Ferrier
; AJ contrat 2017. 132, obs. D. Ferré
; RTD civ. 2017. 383, obs. H. Barbier
; RTD com. 2017. 593, obs. M. Chagny
; ibid. 601, obs. M. Chagny
; ibid. 603, obs. M. Chagny
; ibid. 606, obs. M. Chagny
; CCC 2017. Comm. 77, note N. Mathey ; JCP E 2017. 1135, note S. Le Gac-Pech ; JCP 2017. 255, note M. Behar-Touchais ; JCP E 2017. 1358, obs. R. Loir ; ibid. 2018. 1131, obs. D. Mainguy ; Gaz. Pal. 18 avr. 2017, n° 292t0, p. 37, note D. Houtcieff ; LPA 19 mai 2017, n° 126q4, p. 10, obs. E. Voisset ; Defrénois 14 sept. 2017, n° 128a7, p. 35, obs. J.-B. Seube ; RDC 2017/3. 470, note C. Grimaldi).
Pour aller plus loin, faut-il considérer que le déséquilibre significatif est cantonné aux opérations d’achat-vente ? La réponse nous paraît négative. Le domaine d’intervention de l’avantage sans contrepartie a certes été borné mais celui du déséquilibre significatif est inchangé car l’arrêt n’aborde pas ce sujet. Il n’y a donc pas de ventilation au sein de l’ex-article L. 442-6, I. L’avantage sans contrepartie (le 1°) s’applique uniquement aux services commerciaux mais le déséquilibre significatif (le 2°) peut lui s’appliquer à tout type d’opérations. Pour éviter les difficultés inhérentes au champ d’application, il sera toutefois conseillé de formuler des demandes distinctes, articulées autour d’un principal et d’un subsidiaire. On peut d’ailleurs s’étonner qu’aucun subsidiaire n’ait, en l’espèce, été formulé.
7. Que penser de la solution retenue, consistant à cantonner l’ancienne version de l’avantage sans contrepartie aux seuls services commerciaux ? Une telle conclusion peut se réclamer d’une interprétation littérale de l’ancien dispositif qui vise, en effet, uniquement ces services. La solution retenue à l’égard de l’ancien dispositif contraste toutefois avec deux mouvements que la chambre commerciale a elle-même initié.
Primo, la solution est en rupture avec le mouvement d’interprétation du droit ancien à la lumière du droit nouveau. La Cour a ainsi a pu assimiler la notion de partenaire commercial à celle de partie, ce qui n’était qu’une anticipation de l’entrée en vigueur du nouveau dispositif qui abandonnait, justement, cette référence au partenaire commercial au profit de celle de partie (Com. 15 janv. 2020, n° 18-10.512, Dalloz actualité, 7 févr. 2020, obs. C.-S. Pinat ; D. 2020. 148
; ibid. 2421, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra (CDED Y. S.EA n° 4216)
; ibid. 2021. 718, obs. N. Ferrier
; AJ contrat 2020. 153, obs. G. Chantepie
; RTD com. 2020. 318, obs. M. Chagny
; ibid. 320, obs. M. Chagny
; JCP 2020. 306, note F. Buy ; JCP E 2020. 1212, note M. Behar-Touchais ; CCC 2020. Comm. 43, note N. Mathey). La Cour a encore admis que la victime d’un déséquilibre significatif puisse se prévaloir de la nullité alors même que cette sanction n’était, à l’époque, textuellement réservée qu’au seul ministre de l’Économie (Com. 30 sept. 2020, n° 18-25.204 et n° 18-11.644, D. 2021. 718, obs. N. Ferrier
; AJ contrat 2020. 561, obs. M. Chagny
; RTD civ. 2021. 124, obs. H. Barbier
; RTD com. 2021. 53, obs. M. Chagny
; CCC 2020. Comm. 172, obs. N. Mathey). La mouture du nouveau dispositif étant résolument plus ouverte (infra § 9), pourquoi ne pas avoir, là aussi, anticipé ?
Secundo, la solution est en rupture avec le mouvement d’interprétation souple des notions employées en matière de pratiques restrictives. L’arrêt précité relatif à l’assimilation du partenaire commercial à une simple partie en est un exemple (Com. 15 janv. 2020, n° 18-10.512, préc.). Mais le plus révélateur est sûrement l’arrêt OC par lequel la chambre commerciale a affirmé que l’avantage devait s’entendre comme un « avantage quelconque […] quelle que soit la nature de cet avantage » (Com. 11 janv. 2023, n° 21-11.163, § 10, Dalloz actualité, 20 mars 2023, obs. P. Perez ; D. 2023. 485
, note N. Dissaux et R. Loir
; ibid. 705, obs. N. Ferrier
; ibid. 1430, chron. S. Barbot et C. Bellino
; ibid. 2212, obs. Centre de droit économique et du développement Yves Serra
; RTD com. 2023. 596, obs. M. Chagny
; ibid. 598, obs. M. Chagny
; CCC 2023. Comm. 44, note N. Mathey ; JCP 2023. 387, note W. Chaeihloudj ; JCP E 2023. 1049, note G. Chantepie ; RDC 2023/3. 74, note J.-C. Roda). L’interprétation littérale n’avait donc rien d’évident, d’autant que certains termes employés par l’ancien dispositif aurait pu permettre de sortir du giron des seuls services commerciaux (la globalisation artificielle des chiffres d’affaires, l’alignement sur les conditions commerciales obtenues par d’autres clients ou la demande visant à maintenir ou accroître la marge ou la rentabilité peuvent, en effet, se rencontrer dans la vente).
Ceci rappelé, on se perdra vite en conjecture sur la portée de l’interprétation adoptée en l’espèce, résolument en rupture et qui a de quoi étonner.
8. Pourquoi, alors, retenir une interprétation si littérale ? Peut-être faut-il y déceler une volonté de tempérer l’orientation de l’arrêt OC. On se souvient que, par cet arrêt, la Cour de cassation a autorisé un contrôle du prix via l’ancien article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce. Selon la Cour, ce dispositif « exige seulement que soit constatée l’obtention d’un avantage quelconque […] ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage » (Com. 11 janv. 2023, n° 21-11.163, préc., § 10). Ainsi, là où l’arrêt OC autorise le contrôle de tout avantage (par ex., une réduction de prix de 10 %), l’arrêt Taxe Lidl précise que ce contrôle ne porte que sur les services commerciaux rendus, ce qui écarte l’opération de vente. Une restriction – importante – de la jurisprudence OC donc, mais pas d’abandon (défendant une mise en cause plus radicale, voire un revirement, F. Buy, obs. ss. Com. 25 juin 2025, n° 24-10.440, préc.). On demeurera, quoi qu’il en soit, perplexe car les contentieux soumis à cette construction seront progressivement remplacés par des contentieux soumis au nouveau dispositif, qui permettra, quant à lui, un contrôle des opérations de vente via l’avantage sans contrepartie (infra § 9). Le bornage de l’avantage sans contrepartie risque donc d’être éphémère et l’arrêt commenté une « tempête dans un verre d’eau » (B. Ruy, Taxe Lidl : la tempête dans un verre d’eau, LSA, Tribune, 8 juill. 2025).
Match retour sur le terrain du nouvel article L. 442-1, I, 1°, du code de commerce
9. L’ancien article L. 442-6, I, 1°, a été remplacé par l’article L. 442-1, I, 1°, du code de commerce (Ord. n° 2019-359 du 24 avr. 2019, Dalloz actualité, 11 juin 2019, obs. C.-S. Pinat). Au-delà de la numérotation, c’est au changement de rédaction qu’il convient de s’intéresser. La référence au « service commercial » a disparu. Est aujourd’hui prohibé le fait « d’obtenir […] de l’autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie […] » (C. com., art. L. 442-1, I, 1°). Cette nouvelle mouture, résolument plus ouverte, met à mal le raisonnement tenu dans l’arrêt Taxe Lidl. Difficile, en effet, de limiter l’avantage sans contrepartie aux services commerciaux. Là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer. Plus encore : la chambre commerciale ayant fait le choix d’interpréter littéralement l’ancien dispositif, il serait incohérent de ne pas le faire vis-à-vis de la nouvelle version du dispositif. Résultat : les opérations d’achat-vente pourront également être contrôlées.
10. Les opérations d’achat-vente seront donc contrôlées… sauf si la Cour de cassation venait à faire résonner l’analyse du Conseil d’État selon laquelle : « la substitution de la notion de contrepartie à celle de service commercial […] n’a ni pour objet ni pour effet de modifier le champ de la pratique restrictive de concurrence prohibée » (CE, 9e et 10e ch., 21 déc. 2022, n° 463938, § 9, Institut de liaisons des entreprises de consommation, Lebon
; AJDA 2023. 476
; D. 2023. 705, obs. N. Ferrier
; RTD com. 2023. 593, obs. M. Chagny
; LEDICO févr. 2023, n° DDC201i4, obs. A.-C. Martin ; Concurrences 2023/1. 100, obs. J.-L. Fourgoux). Cette analyse n’emporte cependant pas la conviction. Les mots ont un sens. Un service commercial n’est rien d’autre qu’une prestation. La contrepartie est une notion bien plus large, qui est d’ailleurs un élément clé de la définition des contrats à titre onéreux (C. civ., art. 1107, al. 1er). Un avantage n’ayant aucune contrepartie peut donc survenir bien au-delà de la prestation et se rencontrer, notamment, dans les contrats de vente.
11. Reste, enfin, à établir que l’avantage (la remise de 10 % obtenue par Leclerc) n’a aucune contrepartie ou est manifestement disproportionné. Il faut alors revenir en arrière car la Cour d’appel de Paris a clairement soutenu l’existence d’une contrepartie. Selon elle, la taxe Lidl serait justifiée par le « maintien du flux d’affaires entre les parties dans un contexte de tension concurrentielle entre les distributeurs », Paris, 25 oct. 2023, n° 21/11927, préc.). Comme exposé, la Cour de cassation n’a pas poussé le raisonnement jusqu’à ce stade : elle a seulement précisé que les opérations d’achat-vente n’étaient pas contrôlables sous l’empire de l’ancien dispositif, sans prendre position sur la substance de la contrepartie (supra § 5).
En présence d’un nouveau contentieux, sur la taxe Lidl ou une autre remise, la cour d’appel de Paris aurait donc tout loisir de maintenir son analyse sur la contrepartie (à savoir, que celle-ci se matérialise par le maintien de la relation). Sous l’empire du nouveau dispositif, un contrôle doit certes s’opérer car la distinction achat-vente/service commercial n’est plus, mais ce contrôle pourrait tourner court car la contrepartie semble, à tout le moins selon la cour d’appel, bel et bien exister. Un nouveau contentieux risque de s’ouvrir sur la substance même de la contrepartie (en ce sens, J.-M. Vertut, obs. ss. Paris, 25 oct. 2023, n° 21/11927, préc.). La tempête pourrait bien déborder du verre d’eau.
Com. 25 juin 2025, FS-B, n° 24-10.440
par Yann Heyraud, Avocat, Docteur en droit, Centre de droit des affaires (EA 3195)
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