La valeur de l’égalité femmes-hommes, comme motif d’appartenance à un groupe social
Pour la Cour de justice de l’Union européenne, peuvent être considérées comme appartenant à « un certain groupe social », en tant que « motif de persécution » susceptible de conduire à la reconnaissance du statut de réfugié, deux ressortissantes mineures d’un pays tiers qui s’identifient à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes en conséquence de leur séjour dans un État membre.
 
                            Deux sœurs de nationalité iraquienne, nées respectivement en 2003 et en 2005, sont arrivées aux Pays-Bas en 2015 et y séjournent depuis lors sans interruption. Leurs demandes d’asile ont été rejetées comme manifestement infondées. À l’appui de leur contestation, elles font valoir qu’elles se sont « occidentalisées » et qu’elles craignent d’être persécutées en cas de retour en Iraq en raison de l’identité qu’elles se sont forgées aux Pays-Bas, marquée par l’assimilation des normes, valeurs et comportements différents de ceux de leur pays d’origine. Ils sont devenus à ce point essentiels pour leur identité et leur conscience, qu’elles ne pourraient pas y renoncer. Elles soutiennent ainsi appartenir à un « certain groupe social », au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011. Le juge néerlandais a décidé d’interroger la Cour de justice sur l’interprétation de la notion d’appartenance à « un certain groupe social » dans le cadre de la procédure d’examen d’une demande de protection internationale.
L’appartenance à un « certain groupe social »
La Cour de justice indique qu’un groupe est considéré comme « un certain groupe social », si deux conditions cumulatives sont remplies : « D’une part, les personnes susceptibles d’y appartenir doivent partager au moins l’un des trois traits d’identification, qui sont une une "caractéristique innée", une "histoire commune qui ne peut être modifiée", ou alors une "caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce". D’autre part, ce groupe doit avoir son “identité propre" dans le pays d’origine "parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante" ».
Elle juge que « les femmes, y compris mineures, qui partagent comme caractéristique commune l’identification effective à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes, intervenue au cours de leur séjour dans un État membre, peuvent, en fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, être considérées comme appartenant à un "certain groupe social" ».
L’intérêt supérieur de l’enfant
En second lieu, lorsqu’un demandeur de protection internationale est mineur, l’autorité nationale compétente doit nécessairement tenir compte, au terme d’un examen individualisé, de l’intérêt supérieur de ce mineur lorsqu’elle évalue le bien-fondé de sa demande de protection internationale.
Enfin, pour évaluer une demande de protection internationale fondée sur un motif de persécution tel que « l’appartenance à un certain groupe social », un séjour de longue durée dans un État membre peut être pris en compte, surtout lorsqu’il coïncide avec une période au cours de laquelle un demandeur mineur a forgé son identité, indique la Cour.
CJUE 11 juin 2024, aff. C-646/21
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