L’adaptation au changement climatique au cœur du rapport annuel de la Cour des comptes
Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, a présenté, le 12 mars, le rapport public annuel 2024, consacré cette année à l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique.
Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, a présenté, le 12 mars, le rapport public annuel (RPA) 2024. Depuis 2022, le RPA n’est plus un best of des rapports de la Cour, mais un focus sur un grand enjeu de l’action publique. Cette année, elle s’est penchée sur L’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique.
Toutefois, tradition oblige, le rapport s’ouvre sur la situation des finances publiques. Son premier président juge la situation préoccupante, voire inquiétante. « La France a ainsi entamé l’exercice 2024 avec des finances publiques parmi les plus dégradées de la zone euro » L’année 2023 a été une « année blanche » sur la trajectoire de réduction du déficit public qui devrait atteindre 4,9 % du produit intérieur brut. De plus, la Cour juge trop optimisme la prévision de croissance, même abaissée à 1 % en février. « Malgré ces annonces, je le dis sans détour, l’objectif de déficit pour 2024 n’est pas acquis », met en garde le premier président. Pour respecter la trajectoire de dépenses affichée par le gouvernement, il faudrait, en plus des 10 milliards de réduction des dépenses de l’État annoncées en février, réaliser environ 50 Md€ d’économies nouvelles entre 2025 et 2027. « C’est faisable à condition de miser sur la qualité de la dépense. »
Planifier
Pour en revenir au thème 2024, le rapport observe que les effets du changement climatique ont un impact sur les grandes infrastructures, l’habitat, la nature et les personnes. Sur le parc existant, les principaux efforts d’investissement public suivent plutôt une logique de réparation que d’adaptation. Et, ajoute la Cour, « la stratégie immobilière de l’État n’a pas encore pris en compte l’adaptation, la priorité ayant été accordée à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre ». Pierre Moscovici invite à « rectifier cet angle mort ».
Au-delà de ce prisme immobilier, la Cour s’est penchée sur la gestion des grandes infrastructures publiques, telles que les centrales nucléaires et des ouvrages hydro-électriques et sur l’adaptation des voies ferrées au changement climatique.
S’agissant de l’impact sur l’environnement et les personnes, le RPA relève que l’adaptation de la forêt est rendue difficile par l’éparpillement des propriétés et la pression des cervidés. En matière de gestion du trait de côte, si des outils et des moyens financiers existent pour lutter contre le risque d’érosion, il faut aller plus loin en construisant un modèle de financement solidaire. La Cour invite l’action publique à développer une stratégie cohérente et articulée en matière d’adaptation. En un mot, il faut planifier.
L’État ne joue pas correctement son rôle de stratège
Selon le rapport, la mise en œuvre d’une planification rigoureuse et adaptée est une condition nécessaire, mais non suffisante. Il faut aussi un pilote qui arbitre et coordonne les nombreux acteurs concernés. Au-delà du pilotage, les politiques d’adaptation doivent absolument être mieux coordonnées entre acteurs, à l’échelle appropriée. « Dans certains secteurs relevant de sa compétence, l’État ne joue pas correctement son rôle de stratège », regrette Pierre Moscovici.
La Cour a analysé les moyens de mise en œuvre des politiques d’adaptation efficientes. Pour l’heure, « l’évaluation des coûts de l’adaptation est lacunaire, voire inexistante ». La juridiction met en garde contre les risques de « mal adaptation », qui sont souvent le résultat de logiques de court terme. Elle rappelle également que l’adaptation ne doit pas nécessairement passer par de nouvelles dépenses publiques. « D’autres leviers peuvent être activés, qui consistent plutôt à inciter les acteurs à agir et à les responsabiliser ».
C. comptes, Rapp. public annuel 2024
© Lefebvre Dalloz