L’Assemblée débute les débats sur la fin de vie
Ce lundi débutent deux semaines de débats en hémicycle sur les propositions de loi sur les soins palliatifs et sur l’aide à mourir. L’étude commence par le premier texte, pourtant peu normatif, mais relativement consensuel. Les discussions sur le second texte, créant un droit à l’aide à mourir, promettent d’être nettement plus conflictuelles. Les critères permettant cette procédure font l’objet d’importants débats.
Comme souvent pour les textes sociétaux, la loi sur la fin de vie vient d’une forte pression des parlementaires sur un exécutif réticent. Il y a quatre ans, les députés adoptaient un premier texte sur le sujet. L’an dernier, un projet de loi gouvernemental fut interrompu juste avant son vote par la dissolution. Le sujet revient, non par un projet de loi gouvernemental, mais par deux propositions de loi parlementaires, déjà adoptées par la commission des affaires sociales, et qui feront l’objet de deux semaines de débat dans l’hémicycle.
Un « droit à l’aide à mourir »
Le texte le plus attendu viendra en second, et est centré sur l’aide à mourir. Il reprend pour l’essentiel le texte que les députés devaient adopter l’an dernier. La commission l’a d’ailleurs peu modifié. Son article 2 reconnaît un « droit à l’aide à mourir » pour les personnes qui pourront s’administrer une substance létale. La personne pourra le faire elle-même (suicide assisté) ou aidée par un médecin ou un infirmier (euthanasie).
Il faudra être majeur, français ou résident de façon stable et régulière en France. Autre condition, la personne devra être atteinte d’une « affection grave et incurable » qui « engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ». Les députés n’ont pas voulu reprendre la notion de pronostic vital engagé « à court ou moyen terme », initialement envisagée. S’appuyant sur un avis de la Haute autorité de santé qui considère qu’il « n’existe pas de consensus médical sur la définition du pronostic vital engagé "à moyen terme" », les députés ont jugé cette notion trop floue.
La personne devra présenter une « souffrance physique ou psychologique liée à cette affection », qui est soit « réfractaire aux traitements », soit « insupportable selon la personne lorsque celle ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement ». Le fait que l’aide à mourir soit ouverte pour les souffrances psychologiques a fait l’objet d’importants débats.
Enfin, la personne devra être « apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée », la loi précisant plus loin que la « personne dont le discernement est gravement altéré par une maladie lors de la démarche » ne sera pas considérée apte. Pour les personnes sous tutelle, le consentement sera recherché, quitte à saisir le juge des tutelles ou le conseil de famille. Une personne inconsciente ne pourra recevoir d’aide à mourir. Le rapporteur Olivier Falorni s’est opposé à plusieurs amendements visant à permettre la prise en compte les directives anticipées, qui auraient permis de préjuger de l’avis de la personne devenue inconsciente.
Une procédure collégiale ?
Un médecin, indépendant de la personne, devra se prononcer dans un délai de quinze jours à compter de la demande. La question de la collégialité de cette décision pourrait évoluer en séance. Une fois la décision prise, après au moins deux jours de réflexion, la personne devra confirmer sa demande, un délai abrégé si cela est de nature à préserver sa dignité.
La décision du médecin pourra être contestée devant la justice administrative, mais par la seule personne ayant formé la demande. La procédure pourra être interrompue à tout moment, si la personne change d’avis ou si le médecin s’aperçoit que les conditions ne sont plus remplies.
Le texte prévoit une clause de conscience pour les professionnels de santé impliqués. Le texte crée également un délit d’entrave, y compris numérique, sur le modèle du délit d’entrave à l’IVG.
Le texte prévoit que l’assurance en cas de décès devra couvrir les cas de mise en œuvre de l’aide à mourir. Par ailleurs, la personne sera réputée être décédée de mort naturelle, au sens du code de la santé publique, afin de ne pas être considéré comme un suicide pour certains engagements contractuels.
Une loi sur les soins palliatifs
Avant ce texte, les députés devront d’abord étudier une proposition de loi sur les soins palliatifs, bien plus consensuelle. Elle risque toutefois d’accaparer les débats, d’autant qu’elle est l’archétype de la loi bavarde. L’essentiel des dispositions est de portée réglementaire, voire non-normative (comme la programmation budgétaire ou l’article 18 qui indique que le gouvernement devrait réaliser une campagne annuelle de « sensibilisation et de prévention relative au deuil et aux soins palliatifs »). La commission a encore élargi le texte en prévoyant des dispositions sur les programmes scolaires des primaires et secondaires (qui devront contenir des « séances d’information sur le cycle de la vie et de la mort »).
Les députés ont prévu à l’article 1er une nouvelle définition de la notion de « soins palliatifs et d’accompagnement ». Contre l’avis de la rapporteure, un amendement insoumis a été adopté pour empêcher tout dépassement d’honoraire. La loi prévoit une « stratégie décennale des soins d’accompagnement », ainsi qu’une « politique de soins palliatifs de la République », qui sera mise en œuvre par une hypothétique loi de programmation quinquennale. L’article 10 crée les maisons d’accompagnement et de soins palliatifs, de petites unités de vie accueillant les personnes en fin de vie et leurs proches.
Un malade atteint d’une affection grave se verra proposer « un plan personnalisé d’accompagnement » (art. 14). Concernant la sédation profonde et continue, c’est l’équipe pluridisciplinaire chargée du patient, et non seulement l’équipe soignante, qui sera chargée de vérifier que sont réunis (art. 20). La loi s’est également penchée sur la notion d’obstination déraisonnable au traitement. La Haute Autorité de santé devra publier des bonnes pratiques de prévention de l’obstination déraisonnable. À noter, le texte sera mis en œuvre en outre-mer par ordonnances, dont les habilitations seront demandées par amendements gouvernementaux en séance.
Proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
Proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs
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