L’Assemblée nationale étend la possibilité de garde à vue à 72 heures
Mardi soir, lors des débats sur une proposition de loi sur la prescription des crimes sexuels et le contrôle coercitif, l’Assemblée nationale a adopté deux amendements gouvernementaux. Le premier étend la possibilité de prolonger la garde à vue jusqu’à 72 heures. Le second créée de nouvelles circonstances aggravantes pour le viol. Les députés ont également rétabli un nouveau délit de contrôle coercitif, à la rédaction extensive.
Fin décembre, le nouveau ministre de la Justice avait annoncé qu’il proposerait d’étendre la garde à vue jusqu’à 72 heures pour les viols et certaines agressions sexuelles (Dalloz actualité, 7 janv. 2025, obs. P. Januel). L’amendement a été proposé dès ce mardi soir, à l’occasion d’une courte proposition de loi sur la prescription des crimes sexuels et le contrôle coercitif. Il a été adopté après de courts débats, seuls les députés de gauche s’y opposant.
Actuellement la prolongation de la garde à vue au-delà de 48 heures n’est possible qu’en matière de terrorisme et de criminalité organisée. L’amendement prévoit une possibilité de prolonger la garde à vue jusqu’à 72 heures en fonction des « nécessités de l’enquête ou de l’instruction », pour trois infractions criminelles : meurtres sur conjoint, viols conjugaux ou empoisonnement.
La nécessité opérationnelle de cet amendement a suscité les questions de praticiens. Pourquoi restreindre la possibilité à certains meurtres en fonction du lien avec la victime ou du mode opératoire (empoisonnement) ? Quel est l’intérêt pour les viols conjugaux, alors même que les mis en cause sont souvent entendus en audition libre ? Par ailleurs, l’amendement est inséré directement à l’article 63 du code de procédure pénale qui prévoit le régime général de la garde à vue. Cela promet une généralisation rapide à d’autres crimes.
De nouvelles circonstance aggravantes sur le viol
Un autre amendement gouvernemental, adopté sans débat, vient rajouter trois nouvelles circonstances aggravantes pour le viol. Pour son argumentation, le gouvernement s’est appuyé sur les affaires du violeur de la Sambre ou de Mazan.
L’amendement propose d’abord qu’en cas de commission en concours de plusieurs viols sur d’autres victimes, la peine soit portée à trente ans de réclusion criminelle. Il s’agit de viser les violeurs sériels.
Ensuite, il propose de punir de vingt ans de prison les viols perpétrés « dans un local d’habitation, en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade » ainsi que ceux commis « avec préméditation ou avec guet-apens ». Pour le gouvernement, « alors même que la préméditation est une circonstance aggravante pouvant être associée à de multiples infractions pénales, elle n’est pas prévue en ce qui concerne le viol ».
Ces nouvelles circonstances ne seraient toutefois prévues que pour le viol, et pas pour le délit d’agression sexuelle. Ces ajouts arrivent par ailleurs à un moment où les députés remettent en cause la définition même du viol (Dalloz actualité, 22 janv. 2025, obs. P. Januel). Dans une interview du magazine Elle mardi, le ministre de la Justice s’est déclaré favorable à cette modification. Il a aussi indiqué qu’il proposerait de « développer la procédure du plaider coupable en matière criminelle ».
Un délit étendu de contrôle coercitif
Les députés ont adopté un nouveau délit de contrôle coercitif. Ils ont soutenu la version la plus extensive, puisque cette nouvelle infraction punira de trois ans de prison le fait d’imposer un contrôle coercitif à son conjoint « par des propos ou comportements répétés ou multiples, portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux de la victime, ou instaurant chez elle un état de peur ou de contrainte dû à la crainte d’actes exercés directement ou indirectement sur elle-même ou sur autrui, que ces actes soient physiques, psychologiques, économiques, judiciaires, sociaux, administratifs, numériques, ou de toute autre nature ». Une incrimination large, susceptible de pénaliser un nombre important de comportements, y compris de femmes par ailleurs victimes.
Concernant le reste du texte, l’imprescriptibilité civile a été rejetée par les députés, au contraire de l’extension de la « prescription glissante ». Le texte a été adopté à une large majorité et la navette se poursuivra au Sénat.
© Lefebvre Dalloz