Le budget de la justice victime d’un important coup de rabot
La semaine dernière, le Premier ministre a signé un décret d’annulation de crédits de dix milliards d’euros. Une mesure justifiée par des prévisions de croissance plus pessimistes que celles prévues dans le budget 2024. L’effort est inégalement réparti entre les différents budgets de l’État. La mission justice se voit annuler 327,9 millions d’euros sur 12,2 milliards de crédits votés.
 
                            Les dix milliards d’euros d’économies annoncés ne concernent que le budget de l’État, les collectivités locales et la sécurité sociale ayant été exonérées d’efforts.
L’effort est inégalement réparti entre les différents ministères. Si la mission « Écologie, développement et mobilité durables » doit rendre 2,2 milliards et l’enseignement scolaire 692 millions d’euros, la Défense ne se voit annuler que 106 millions d’euros de crédits de paiement.
Le budget 2024 de la justice adopté à l’automne prévoyait 12,16 milliards d’euros de crédits, soit une hausse de 5,1 % (Dalloz actualité, 20 oct. 2023, obs. P. Januel). Le décret annule 327,9 millions d’euros de crédits, ce qui représente 2,7 % des montants votés. Dans le détail, le programme justice judiciaire va rendre 129,2 millions d’euros (sur 4,5 milliards), l’administration pénitentiaire 117,6 millions (sur 5 milliards), la protection judiciaire de la jeunesse 37,9 millions (sur 1,1 milliard) et le secrétariat général (qui pilote notamment les grands investissements immobiliers et informatiques du ministère) 43 millions d’euros sur 747 millions. L’accès au droit et l’aide juridictionnelle ne sont pas concernés, mais il est vrai qu’une grande part de ces crédits sont évaluatifs (le budget de l’aide juridictionnelle (AJ) dépend surtout du montant de l’unité de valeur (UV), plus que du montant inscrit en loi de finances). Le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives », qui relève d’une autre mission budgétaire, rendra 12,9 millions d’euros (sur 583 millions).
Des dépenses de personnel préservées
Le ministère a fait le choix de prioriser les dépenses salariales. Ainsi les dépenses de personnels ne seront que marginalement touchées (14,6 millions d’euros pour la pénitentiaire, 4,8 millions pour la justice judiciaire et 787 000 € pour la PJJ). La Chancellerie nous a précisé que le plan de recrutement pour la justice ne sera pas affecté. Elle nous a également indiqué que, pour le reste, la répartition des économies n’était pas encore arrêtée.
Habituellement, les crédits annulés sont soustraits des programmes où la prévision budgétaire était trop généreuse. Or, en 2022, la consommation des crédits en justice judiciaire était de 99,8 % (98,5 % pour la pénitentiaire). Cette bonne exécution du budget montre qu’il y a peu de possibilités de coupes. Par ailleurs, les 3,5 % de crédits mis en réserve en début d’année (le « gel ») pour faire face aux imprévus devraient être annulés, ce qui limitera fortement les marges de manœuvre et les réponses aux imprévus.
Le choix ayant été fait de préserver les dépenses salariales, les coupes budgétaires porteront en premier sur l’investissement et le fonctionnement. Des projets d’investissement pourraient être retardés et les dépenses les plus facilement « pilotables », comme celles relevant du fonctionnement courant, sont, en conséquence, menacées.
Ce coup de rabot montre également les limites de la loi de programmation de la justice. Datée du 20 novembre 2023, la programmation budgétaire prévue à l’article 1er du texte est déjà obsolète. La même chose était arrivée pour la précédente loi de programmation du 23 mars 2019. Quatre mois après sa promulgation, la place Vendôme avait annoncé que sa programmation ne tenait plus, du fait de retards dans le plan immobilier pénitentiaire. Les trois budgets suivants, enchaînant des hausses de 8 %, avaient permis de rattraper la programmation. Cette fois-ci, les prévisions budgétaires s’annoncent moins radieuses, alors que les défis restent importants (P. Januel, Budget de la justice : des fonds, des défis, des non-dits, AJ pénal 2024. 52  ).
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Décr. n° 2024-124, 21 févr. 2024, JO 22 févr.
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