Le dies a quo du délai de rétractation en matière de vente immobilière à usage d’habitation

L’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, selon lequel l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte et l’article 641, alinéa 1er, du code de procédure civile, suivant lequel lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas, expriment la même règle, de sorte que leurs effets ne se cumulent pas.

L’usage du droit de rétractation par le vendeur

Le 9 mai 2018, un mandat de vente d’un bien immobilier est donné, par le propriétaire de ce bien, à une agence immobilière. Le 28 août 2018, l’agence mandatée présente un candidat acquéreur au vendeur avec lequel il signe une promesse de vente. La notification de cette promesse intervient par l’envoi d’un courrier recommandé du 30 août 2018 et réceptionné le 4 septembre 2018 par l’acquéreur. Le 15 septembre 2018, l’acquéreur envoie une lettre recommandée aux termes de laquelle il fait usage de son droit de rétractation

L’agence immobilière assigne l’acquéreur rétractant en réparation du préjudice subi, à savoir le non-règlement de sa commission qui avait été négociée à hauteur de 10 000 € à la charge du vendeur. Les juges de première instance, confirmés par la Cour d’appel de Douai, condamnent le défendeur au paiement de dommages et intérêts, alors que ce dernier faisait valoir qu’il avait valablement exercé son droit de rétractation dans le délai imparti par les textes.

Pour rappel, le droit de rétractation a été institué au profit des acquéreurs d’immeuble en vue de l’habitation depuis 1989. Cette protection particulière a subi quelques modifications depuis son instauration avec un allongement du délai qui est passé de sept à dix jours et une extension du domaine de protection à des actes assimilés à celui de l’achat d’un logement depuis la loi SRU du 13 décembre 2000.

La question de la computation du délai de dix jours

Les débats se sont concentrés sur la question de la computation de ce délai de rétractation de dix jours. Le rétractant fait valoir qu’il avait exercé son droit de rétractation dans les délais requis puisque, ayant reçu le courrier le 4 septembre, et en application de l’article 640 du code de procédure civile, le jour du 5 septembre ne devait pas être décompté du délai de dix jours. Selon son argumentaire, le délai de rétractation expirait donc le 15 septembre à vingt-quatre heures et le courrier recommandé adressé ce jour-là valait exercice du droit de rétractation dans les temps.

À l’inverse, l’agence immobilière soutenait que le point de départ du délai de dix jours était bien le lendemain, soit le 5 septembre ; de sorte que le délai de rétractation avait expiré le 14 septembre à vingt-quatre heures et que le courrier envoyé le lendemain l’avait donc été hors délai.

La question du point de départ du délai de dix jours était au cœur des débats et n’avait jusqu’ici jamais été tranchée par la Cour de cassation. Ce dies a quo était d’ailleurs discuté en doctrine puisque certains auteurs considéraient que le « lendemain de la première présentation » précisé dans l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation ne devait pas être pris en compte en application des dispositions de l’article 641 du code de procédure civile. Le point de départ était donc le surlendemain de la première présentation selon ces auteurs (JCP N 2001. 539, obs. H. Périnet-Marquet ; ibid. 916, obs. M. Dagot). Cette position défendue par l’acquéreur rétractant a été rejetée par la Cour de cassation qui affirme que les effets de ces deux articles qui expriment la même règle ne sauraient se cumuler.

La Cour de cassation énonce ainsi très clairement : « Les articles L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, selon lequel l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte, et 641, alinéa 1er, du code de procédure civile, suivant lequel lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas, expriment la même règle ».

Une solution logique

Dans un souci, ne serait-ce que d’uniformité pour la computation du délai, la solution retenue ne pouvait être différente. En effet, aux termes des dispositions de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, le rédacteur de l’acte de vente doit, depuis la réforme de la loi n° 2018-1021 dite « ELAN », indiquer de « manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux conditions et aux modalités d’exercice du droit de rétractation ou de réflexion ». Surtout, en cas de remise directe de l’acte à l’acquéreur, il est prévu, aux termes des articles D. 271-6 et D. 271-7 du code de la construction et de l’habitation, la reproduction des mentions suivantes « remis par (nom du professionnel) à (lieu) le (date) » et « Je déclare avoir connaissance qu’un délai de rétractation de dix jours m’est accordé par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, et qu’il court à compter du lendemain de la date de remise inscrite de ma main sur le présent acte, soit à compter du … ». De sorte que le dies a quo en cas de remise directe de l’acte à l’acquéreur est clairement identifié comme le lendemain de la remise de l’acte. Pour éviter l’usage de points de départ distincts selon que la notification a été faite par remise directe ou par l’envoi d’un courrier recommandé, la solution retenue ne pouvait être différente.

Du reste, l’expression « à compter du lendemain » de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation signifie littéralement que le lendemain de la première présentation est le premier jour décompté du délai de dix jours octroyé à l’acquéreur pour se rétracter. Il aura toutefois fallu un arrêt de la Cour de cassation pour confirmer cette lecture et mettre un terme au débat sur le point de départ du délai de rétractation

 

Civ. 3e, 19 déc. 2024, FS-B, n° 23-12.652

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