Le financement par l'employeur de l'expertise CSE sur l'accord de participation confirmé

L’expertise, décidée par le CSE appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l’accord de participation devant lui être présenté par l’employeur dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise prévue à l’article L. 2315-88 du code du travail et ne relève pas du champ d’application de l’article L. 2315-81 du même code. En conséquence, l’expert-comptable désigné par le CSE dans ce contexte doit être financé par l’employeur.

Les règles de financement des expertises décidées par le comité social et économique (CSE) ont été revues en profondeur par l’ordonnance de 2017 instituant le CSE (Ord. n° 2017-1386 du 22 sept. 2017), qui a notamment diminué le coût des expertises pour l’employeur en augmentant le nombre d’expertises devant être cofinancées par le CSE.

L’absence de texte fixant les règles de prise en charge de l’expertise du CSE sur l’accord de participation

Le principe désormais posé est qu’hors des expertises limitativement énumérées par le code du travail qui font l’objet d’une prise en charge à 100 % par l’employeur, le CSE doit participer au coût de l’expertise à hauteur de 20 % (soit un reste à charge de 80 % pour l’employeur ; C. trav., art. L. 2315-80). Le CSE doit ainsi cofinancer les frais d’expert-comptable dans le cadre de sa consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise, ainsi que dans la quasi-totalité de ses consultations ponctuelles (sauf celle inhérente au PSE). De son côté, l’employeur reste en particulier tenu de financer en totalité l’expertise-comptable inhérente aux consultations récurrentes du CSE sur la situation économique et financière et sur la politique sociale de l’entreprise.

Une incertitude demeurait sur le financement de l’expertise-comptable à laquelle le CSE peut recourir pour l’examen du rapport sur l’accord de participation (C. trav., art. D. 3323-14) présenté après la clôture comptable de chaque exercice, car l’article n’a pas été remis à jour et renvoie toujours à l’ancien article applicable sous l’empire du CE (anc. art. L. 2325-35). En l’absence de texte légal fixant les règles de prise en charge de l’expertise du CSE sur l’accord de participation, une position de la chambre sociale de la Cour de cassation était attendue. C’est chose faite avec cet arrêt du 5 avril 2023, qui vient préciser que la charge financière intégrale échoit à l’employeur.

En l’espèce, une société avait convoqué son CSE central à une réunion ayant parmi les sujets à l’ordre du jour celui de l’information sur la participation et l’intéressement 2020. Le comité avait alors voté le recours à une expertise pour l’assister dans l’examen du calcul de la réserve spéciale de participation.

L’instance représentative a ensuite saisi le président du tribunal judiciaire afin de juger que cette expertise, votée sur le fondement de l’article D. 3323-14 du code du travail, est une expertise légale et doit être prise en charge intégralement par l’employeur. Le juge judiciaire a toutefois rejeté les prétentions du comité en jugeant que l’expertise votée dans le cadre de l’article D. 3323-14, est à la charge exclusive du CSE.

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie du pourvoi, va casser la décision au visa des articles L. 2315-80, L. 2315-81, D. 3323-13 et D. 3323-14 du code du travail en rappelant les règles de prise en charge de l’expertise réalisée à la demande du CSE.

Le code prévoit en effet une distribution de la charge des frais d’expert à l’employeur ou au CSE selon la thématique de consultation (C. trav., art. L. 2315-80). Ainsi l’employeur doit-il assumer la charge concernant les consultations prévues par les articles L. 2315-88, L. 2315-91, au 3° de l’article L. 2315-92 et au 1° de l’article L. 2315-94 ainsi qu’au 3° du même article L. 2315-94 en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle prévu à l’article L. 2312-18. Le comité prend quant à lui en charge, sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 20 % la consultation prévue à l’article L. 2315-87 et les consultations ponctuelles hors celles visées au deuxième alinéa (l’employeur finançant les 80 % restant). Enfin l’employeur se voit astreint de financer les expertises liées à ces consultations lorsque le budget de fonctionnement du comité social et économique est insuffisant pour couvrir le coût de l’expertise et n’a pas donné lieu à un transfert d’excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles prévu à l’article L. 2312-84 au cours des trois années précédentes. Il faut encore ajouter que l’article L. 2315-81 permet au CSE, par dérogation aux articles L. 2315-78 et L. 2315-80, de faire appel à tout type d’expertise rémunérée par ses soins pour la préparation de ses travaux.

L’affirmation prétorienne d’une prise en charge par l’employeur de l’expertise en matière de réserve spéciale de participation

Or il s’agissait en l’espèce pour le CSE de s’adjoindre l’aide d’un expert pour éclairer l’examen du rapport relatif à l’accord de participation, et notamment les questions tenant à la réserve spéciale de participation.

Rappelons, en effet, que l’employeur doit présenter, dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, un rapport au comité social et économique qui comporte notamment les éléments servant de base au calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés pour l’exercice écoulé et des indications précises sur la gestion et l’utilisation des sommes affectées à cette réserve (C. trav., art. D. 3323-13), l’assistance par un expert-comptable étant expressément prévue dans cette hypothèse (C. trav., art. D. 3323-14).

Mais doit-on considérer que cette expertise doit être assumée financièrement par l’employeur ?

La chambre sociale va l’affirmer en constatant que les dispositions de l’ancien article L. 2325-35 du code du travail relatives au recours à un expert-comptable par le comité d’entreprise, désormais abrogé, auxquelles l’article D. 3323-14 renvoie, figuraient dans une sous-section « experts rémunérés par l’entreprise » précisant à l’ancien article L. 2315-40 que l’expert-comptable est rémunéré par l’entreprise.

Aussi l’éminente juridiction va-t-elle en déduire que l’expertise décidée par le CSE appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l’accord de participation devant lui être présenté par l’employeur dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise prévue à l’article L. 2315-88 du code du travail et ne relève pas du champ d’application de l’article L. 2315-81, de sorte que l’expert-comptable désigné par le CSE en vue de l’assister pour l’examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation est rémunéré par l’employeur selon les modalités de l’article L. 2315-80, 1°, du code du travail.

Les juges du fond ayant considéré que l’expertise devait être assumée par le CSE, la cassation de la décision était inévitable.

Par cette solution, la chambre sociale vient lever l’incertitude qui planait depuis les ordonnances de 2017 sur la prise en charge du coût de l’expertise du CSE sur l’accord de participation. L’expertise est intégralement financée par l’employeur, il n’y a pas de cofinancement ou de financement entièrement à charge du CSE.

L’éminente juridiction reprend ainsi la solution qu’elle avait posée à propos de l’expertise mandatée par le comité d’entreprise, à savoir une expertise sur l’accord de participation assumée à 100 % de l’employeur (Soc. 28 janv. 2009, n° 07-18.284 P, D. 2009. 503 ). Cette solution est la bienvenue dans un contexte où l’interprétation de l’article restait relativement indéterminée, les dispositions légales actuelles ne prévoyant plus expressément le financement de l’expertise sur l’accord de participation par l’employeur. Prise isolément, la disposition ne semblait en outre pas procéder d’une véritable consultation, mais plutôt d’une information récurrente annuelle. Le fait de rattacher cette disposition la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise restaure la crédibilité et le fondement de son entière prise en charge par l’employeur. Cette décision se révèle donc favorable au CSE sur un sujet souvent complexe où l’éclairage de l’expert-comptable apparaît salvateur. Rappelons en effet que le rapport présenté comporte notamment les éléments servant de base au calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés pour l’exercice écoulé, ainsi que des indications précises sur la gestion et l’utilisation des sommes affectées à cette réserve (C. trav., art. D. 3323-13).

 

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