Le PLFSS pour 2024 est considéré comme adopté par l’Assemblée nationale
À la suite de l'engagement de la responsabilité du gouvernement en application de l'article 49-3 de la Constitution et du rejet de trois motions de censure, le PLFSS pour 2024 est considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 4 novembre 2023. Le point sur les modifications importantes du texte et ses nouvelles mesures.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 est considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 4 novembre 2023. Le texte va désormais être discuté en première lecture au Sénat du 13 au 21 novembre 2023. Zoom sur les nouvelles mesures adoptées qui intéressent les services RH.
Taxe sur les salaires (article 7bis)
Pour rappel, la taxe sur les salaires est à la charge des personnes (physiques ou morales) ou d’organismes qui paient des rémunérations, lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la TVA (que leurs activités soient hors du champ de la taxe sur la valeur ajoutée ou qu'elles soient dans son champ mais exonérées) ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations.
Outre l'exonération principale en raison de l'imposition à la TVA, il existe un certain nombre d'exonérations accordées à des catégories d'employeurs déterminées parmi lesquels les collectivités territoriales et leurs groupements, les employeurs agricoles, les CSE chargés de gérer certaines œuvres sociales d'entreprises ou bien encore les particuliers employeurs.
Si le PLFSS est voté en l’état, une exonération de taxe sur les salaires serait également accordée aux établissements de coopération environnementale. En outre, une exonération serait accordée aux membres d’un groupe TVA.
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2023, les personnes assujetties à la TVA étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et organisationnel peuvent constituer sur option un assujetti unique ou groupe TVA. Or l’intégration au groupe TVA peut conduire à augmenter la proportion du chiffre d’affaires non soumis à la TVA (donc du montant dû au titre de la taxe sur les salaires).
Pour limiter ces conséquences et favoriser le recours à cet outil de simplification, une exonération de taxe sur les salaires serait accordée à l’employeur membre d’un assujetti unique d’un groupe TVA sous réserve de remplir deux conditions cumulatives :
- l’employeur ne devrait pas être assujetti à la taxe sur les salaires s’il n’était pas membre du groupe TVA ;
- il devrait avoir rejoint un groupe TVA dont l’activité est très largement soumise à la TVA : plus précisément, au titre de l’année civile précédant celle du paiement des rémunérations, le chiffre d’affaires des opérations réalisées par le groupe TVA, qui ouvrent droit à la TVA déductible, devrait être au moins égal à 90 % du montant total de son chiffre d’affaires imposable à la TVA.
Gel des plafonds de rémunération dans le cadre de la réduction des taux de cotisations maladie et allocations familiales (article 10 quinquies)
Actuellement, les employeurs bénéficient d’une réduction des taux des cotisations patronales allocations familiales et maladie dans deux situations :
- pour les salariés dont la rémunération annuelle est au plus égale à 2,5 Smic, le taux de la cotisation patronale d'assurance maladie est réduit de 6 points et ramené de 13 % (taux de droit commun) à 7 % ;
- pour les salariés dont la rémunération annuelle est au plus égale à 3,5 Smic, le taux de la cotisation d'allocations familiales est réduit de 1,80 point. Il est donc ramené de 5,25 % (taux de droit commun) à 3,45 %.
Deux amendements identiques du PLFSS pour 2024 proposent de plafonner le montant des rémunérations éligibles à ces réductions de taux de cotisations patronales. Ainsi bénéficieraient de cette réduction les revenus d’activité des salariés n’excédant pas un montant fixé par décret qui ne pourrait pas être inférieur à :
- 2,5 fois le Smic applicable au 31 décembre 2023 (réduction du taux de cotisations maladie), soit 4 368,10 euros par mois ;
- ou 3,5 fois le Smic applicable au 31 décembre 2023 (réduction du taux de cotisations d’allocations familiales), soit 6 115,33 euros par mois.
Sécurisation de la réforme du régime social des indemnités de rupture conventionnelle (article 10 sexies)
La loi portant réforme des retraites a unifié le régime social des indemnités de rupture conventionnelle homologuée, quelle que soit la situation du salarié au regard du droit de bénéficier d’une pension de retraite. Ainsi, depuis son entrée en vigueur le 1er septembre 2023, l’indemnité versée au salarié en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire bénéficie de l’exonération plafonnée de cotisations de sécurité sociale auparavant réservée à l’indemnité versée à un salarié n’ayant pas droit à une telle pension.
Sur le plan formel, l’article L 242-1, II-7° du code de la sécurité sociale a été complété par un second alinéa visant à appliquer cette mesure d’exonération. Le principe d’une équivalence des exonérations de cotisations de sécurité sociale, quelle que soit la situation du salarié au regard du droit de bénéficier d’une pension de retraite, ressort clairement de l’exposé sommaire des amendements à l’origine de la réforme, explicitement du rapport de la commission des affaires sociales du Sénat (rapport du Sénat n° 375, p. 63) et le Bulletin officiel de la sécurité sociale est venu confirmer cette lecture (Boss-Ind. Rupture-890 au 1er septembre 2023). L’articulation des dispositions applicables est toutefois équivoque et pourrait prêter à discussion. En effet, l’indemnité de rupture conventionnelle versée à un salarié en droit de bénéficier d’une pension de retraite étant imposable en totalité selon l’article 80 duodecies, 6° du CGI, comment peut-elle être exonérée de cotisations sur sa part non imposable, dans la limite de deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale, comme le prévoient les dispositions de l’article L 242-1, II-7° du CSS ?
Afin de clarifier les dispositions applicables, le projet de loi viendrait parachever le second alinéa de l’article L 242-1, II-7° du code de la sécurité sociale issu de la loi portant réforme des retraites, en précisant que cette mesure d’exonération plafonnée s’applique y compris lorsque l’indemnité est imposable.
Pas de collecte par l’Urssaf des contributions conventionnelles à la formation et au dialogue social (article 8, II et VIII)
Les contributions légales à la formation professionnelle et au dialogue social sont recouvrées par les organismes sociaux (Urssaf, CGSS, caisses de la MSA). Mais les branches professionnelles peuvent instaurer des contributions conventionnelles supplémentaires ou alternatives dues par les employeurs relevant de leur champ, qui sont actuellement collectées par les opérateurs de compétences (Opco).
L’ordonnance n° 2021-797 du 23 juin 2021 offre la possibilité aux branches professionnelles de confier aux organismes sociaux, à compter du 1er janvier 2024, le recouvrement de ces contributions conventionnelles.
L’idée serait finalement abandonnée. En effet, le présent projet prévoit l’abrogation des dispositions de l’ordonnance permettant la collecte des contributions conventionnelles par les Urssaf. L’article L 6332-1-2 du code du travail serait parallèlement modifié afin de permettre aux Opco de conserver leur rôle de collecteur desdites contributions.
Lutte contre la fraude sociale (article 7 ter)
Issu d’un amendement gouvernemental, l’article 7 ter du projet de loi ajouterait un nouveau délit en cas de fraudes en matière sociale listées à l’article L 114-16-2 du code de la sécurité sociale. Ce nouveau délit, qui serait inscrit à l’article L 114-13 de ce code, viserait, comme élément matériel, "la mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, d’un ou plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, comptables, financiers, ou informatiques ayant pour but de permettre à un ou des tiers de se soustraire frauduleusement à la déclaration et au paiement des cotisations et contributions sociales dues, ou d’obtenir une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indus d’un organisme de protection sociale". Ce délit de "facilitation de la fraude sociale" serait puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende portée à cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende s’il est commis en utilisant un service de communication au public en ligne.
Deux précisions seraient apportées quant à l’élément matériel du délit d’incitation à la fraude sociale inscrit à l'article L 114-18 du code de la sécurité sociale. Ce délit serait désormais défini comme "le fait d’inciter publiquement autrui, par quelque moyen que ce soit, à :
- se soustraire à l’obligation de s’affilier à un organisme de sécurité sociale ;
- se soustraire à la déclaration et au paiement des cotisations et contributions sociales dues ;
- obtenir frauduleusement le versement de prestations, allocations ou avantages servis par un organisme de protection sociale".
En l’absence de précisions contraires, ces mesures entreraient en vigueur le 1er janvier 2024.
Interruption médicale de grossesse : les indemnités journalières versées dès le premier jour d’arrêt de travail (article 27 bis)
Le projet de loi prévoit la suppression du délai de carence de trois jours, normalement applicable en cas d'arrêt maladie, pour les femmes contraintes de cesser le travail afin de subir une interruption médicale de grossesse. Ainsi, les intéressées auraient droit, dès lors qu'elles remplissent la condition d'activité préalable requise, aux indemnités journalières de maladie dès le premier jour d'arrêt de travail.
Cette mesure serait applicable aux arrêts de travail prescrits à compter d’une date prévue par décret et au plus tard le 1er juillet 2024.
Une telle disposition est déjà prévue, par la loi n° 2023-567 du 7 juillet 2023, pour les femmes subissant une interruption spontanée de grossesse à partir du 1er janvier 2024.
Des correctifs en matière de retraite progressive (article 40 quater)
Le projet de loi prévoit d’aménager plusieurs dispositions relatives à la retraite progressive afin de remédier à certaines difficultés liées à leur rédaction issue de la loi du 14 avril 2023 ayant réformé les retraites. L’article serait complété par un II afin d’exclure de la retraite progressive les assurés exerçant à titre exclusif une des activités mentionnées à l’article L.311-3 du code de la sécurité sociale, comme notamment les VRP, les employés d’hôtels, cafés et restaurants, les journalistes pigistes, les avocats salariés, les travailleurs à domicile, mais aussi les mandataires sociaux assimilés salariés, qui pouvaient sembler être couverts par les dispositions actuelles.
Par ailleurs, afin d’éviter toute confusion de la retraite progressive avec les dispositifs de préretraite, l’article L.161-22-1-5 préciserait qu’il ne serait pas applicable aux assurés bénéficiant d’un avantage de préretraite, qu’il résulte de dispositions réglementaires, de stipulations conventionnelles ou d’une décision unilatérale de l’employeur.
Enfin, le projet permettrait d’accéder à la retraite progressive dès l’âge d’éligibilité. La rédaction des articles L.3121-60-1 et L.3123-4-1 du code du travail issue de la réforme des retraites exige actuellement des salariés qu’ils aient déjà atteint l’âge d’éligibilité à la retraite progressive pour pouvoir adresser à leur employeur une demande de passage à temps partiel ou à temps réduit, ce qui empêche toute demande anticipée. Or, la demande de liquidation de la fraction de pension auprès de la caisse de retraite doit être accompagnée notamment du contrat de travail (ou de l’avenant) actant le temps partiel ou le temps réduit. En pratique, aucun salarié ne peut donc effectivement prendre sa retraite progressive dès qu’il en remplit les conditions. Afin que le traitement des demandes puisse être anticipé, la rédaction de ces articles serait aménagée en prévoyant que le temps partiel ou le temps réduit pourrait être demandé à l’employeur par les salariés "qui souhaitent bénéficier d’une retraite progressive".
Les stages des lycéens professionnels seraient exemptés de cotisations (article 7 quater)
Depuis la rentrée scolaire 2023, les lycéens de la voie professionnelle bénéficient d’une gratification versée par l’Etat en cas de réalisation de périodes de formation en milieu professionnel ou de stages obligatoires. Le projet de loi prévoit de compléter le code de la sécurité sociale afin d’y préciser que cette allocation n’est pas soumise aux cotisations et contributions sociales.
Suppression de l'article 39 relatif à l'indemnisation des AT-MP
Cette disposition prévoyait de transposer l’accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023 en modifiant les règles de calcul de la rente AT-MP afin que celle-ci indemnise expressément à la fois le préjudice professionnel et le déficit fonctionnel permanent et, ainsi, de mettre fin à une jurisprudence récente de la Cour de cassation en la matière. Cette mesure, qui aurait eu pour effet de diminuer l’indemnisation des victimes de faute inexcusable de l’employeur, a suscité la désapprobation d’associations de victimes d’accidents du travail ainsi que des organisations syndicales de salariés signataires de l’ANI du 15 mai 2023, qui estiment qu’elle n’était pas en conformité avec ce texte. En conséquence, nombre d’amendements de suppression de cet article ont été déposés par les députés devant la commission des affaires sociales, qui les a adoptés.
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