Le prêt à taux zéro, la location prématurée et l’impayé de loyer
La seule sanction prévue en cas de non-respect des conditions de maintien d’un prêt à taux zéro étant l’obligation de rembourser l’intégralité de ce prêt, le locataire ne peut s’en prévaloir pour justifier le défaut de paiement du loyer stipulé par le contrat de location.
 
                            Fourbir les bonnes armes
Si la meilleure défense peut être l’attaque, encore convient-il de fourbir les bonnes armes. Tel n’est pas le cas lorsque, en réponse à une procédure en constatation de l’acquisition d’une clause résolutoire pour défaut de paiement, un locataire invoque, comme fait justificatif, le non-respect, par son cocontractant, de ses obligations en tant que bénéficiaire d’un prêt à taux zéro.
Voici, résumé à grands traits, l’apport de l’arrêt de rejet sous étude qui aura les honneurs du Bulletin.
Les obligations spécifiques de l’emprunteur d’un prêt à taux zéro
Plus précisément, dans cette affaire, un propriétaire bailleur avait intenté une procédure en acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail à l’encontre de son cocontractant à raison d’un impayé de loyer.
Pour sa défense, le locataire devait arguer de la violation, par son bailleur, de ses obligations inhérentes à sa qualité d’emprunteur d’un prêt à taux zéro. Selon lui, le bailleur ne peut se prévaloir de stipulations d’un bail conclu en violation des dispositions légales lui interdisant le louer le bien lui appartenant ou limitant à tout le moins le montant du loyer exigible.
On se bornera ici à rappeler qu’il ressort de la combinaison des articles L. 31-10-6, D. 31-10-6 et D. 31-10-7 du code de la construction et de l’habitation, que, sauf exceptions (mobilité professionnelle, divorce, chômage, notamment, pouvant déboucher sur une location à prix maîtrisé pour un locataire sous condition de ressources), le bénéficiaire d’un prêt à taux zéro doit occuper le logement à titre de résidence principale au moins pendant six ans après le versement du prêt.
Durant cette période, ce local ne peut, par conséquent, être proposé à la location (concernant le prêt à taux zéro, v. Memento gestion immobilière 2024, nos 22010 s. ; DP transactions imm., étude, Financement de l’acquisition, nos 80 s.).
Comme la seule sanction à la transgression des règles inhérentes à l’octroi de ce type de crédit consiste à « rendre exigible le remboursement du capital restant dû » (CCH, art. L. 31-10-7), la ligne de défense du preneur était vouée à l’échec (mais, quand bien même le texte eût-il envisagé une incidence sur la validité du bail, les magistrats lui auraient-ils reconnu un intérêt à s’est prévaloir ?).
Ainsi, la Cour de cassation, après le juge du fond (Montpellier, 5 oct. 2021, Dalloz jurisprudence) n’a pas donné gain de cause au locataire.
Nécessité d’un « défaut » intrinsèque au logement
En réalité, seul un « défaut » intrinsèque au local loué semble être de nature à permettre au locataire (sur autorisation de justice) de cesser de régler le prix du bail. C’est ce que l’on nomme l’« exception d’inexécution ».
Que celle-ci soit de droit commun et elle ne va jouer qu’à raison de l’impossibilité absolue de se servir des locaux pour l’usage auquel ils sont destinés (jurisprudence constante, v. pour des ex., Civ. 3e, 19 nov. 2015, n° 14-24.612, D. 2015. 2443  ; Dalloz actualité, 27 nov. 2015, obs. Y. Rouquet;  27 févr. 2020, n° 18-20.865, Rev. prat. rec. 2021. 25. Chron. E. Morgantini et P. Rubellin
; Dalloz actualité, 27 nov. 2015, obs. Y. Rouquet;  27 févr. 2020, n° 18-20.865, Rev. prat. rec. 2021. 25. Chron. E. Morgantini et P. Rubellin  ; D. 2020. 1541, obs. M.-P. Dumont
 ; D. 2020. 1541, obs. M.-P. Dumont  ; comp., en cas de défaut d’entretien du bailleur octroyant des dommages et intérêts au locataire et, par compensation, autorisant ce dernier à réduire son loyer d’un quart, Versailles, 5 oct. 2010, n° 09/05523, AJDI 2011. 146
 ; comp., en cas de défaut d’entretien du bailleur octroyant des dommages et intérêts au locataire et, par compensation, autorisant ce dernier à réduire son loyer d’un quart, Versailles, 5 oct. 2010, n° 09/05523, AJDI 2011. 146  ). Cette situation doit, bien entendu, être rapprochée de celle dans laquelle le locataire occupe un logement frappé d’insalubrité : alors, le loyer cesse d’être dû tant que la situation n’est pas rétablie (CCH, art. L. 521-2).
). Cette situation doit, bien entendu, être rapprochée de celle dans laquelle le locataire occupe un logement frappé d’insalubrité : alors, le loyer cesse d’être dû tant que la situation n’est pas rétablie (CCH, art. L. 521-2).
En 2000, le statut des baux d’habitation a adapté l’exceptio non adimpleti contractus à l’hypothèse du logement indécent, envisageant la possibilité pour le juge de réduire le montant du loyer à due proportion de l’indécence (créé par la loi SRU du 13 déc. 2000, l’art. 20-1 de la loi du 6 juill. 1989 a connu plusieurs mues, permettant aujourd’hui au tribunal, en sus de la réduction du loyer, de prononcer jusqu’à l’exécution des travaux, la suspension de son paiement, ainsi que celle de la durée du bail).
Civ. 3e, 14 mars 2024, FS-B, n° 21-25.798
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