Le rapport annuel 2023 de l’ORIAS : la photographie statistique annuelle prise par un registre d’intermédiaires en banque, assurance et finance

L’ORIAS, teneur du registre national unique des intermédiaires en assurance, banque et finance, publie son rapport annuel pour l’année 2023. À la fois parapet et radar, un registre d’intermédiaires vise à contribuer à protéger les clientèles, tout en renvoyant l’écho des évolutions économiques et juridiques de ces professions. Source statistique française la plus complète, riche d’enseignements, le rapport annuel de l’ORIAS propose un tableau essentiellement chiffré des intermédiations qui le concerne. Il en retrace les élans autant que les incertitudes.

L’enregistrement administratif des intermédiaires en banque, assurance et finance : l’acte élémentaire de protection des clientèles défié par l’intensité des escroqueries

Un registre : un parapet. Par les activités bancaires, d’assurance et de finance circulent des risques financiers. La crainte de telles activités exercées de manière occulte, dissimulée, inconnue des instances de contrôle, est redoutée. Le principe de l’inscription à un registre administratif s’inspire des fichiers de recensement des personnes physiques, concept administratif élémentaire dont l’origine se perd au fond des temps. Le fichier national tenu par l’ORIAS (devenu en 2017 « ORIAS-Registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance ») matérialise une démarche d’identification et de publicité administratives des intermédiaires : une sorte d’état-civil de ces professions réglementées. Pour les intermédiaires bancaires (IOB), par exemple, cet enregistrement administratif est apparu tôt, en 1941 lors de la création de l’« auxiliaire des professions bancaires » (Lois bancaires des 13 et 14 juin 1941) ; il avait disparu le temps de la loi bancaire n° 84-46 du 26 janvier 1984. Les courtiers d’assurance sont listés facultativement depuis 1989 (L. n° 89-1014 du 31 déc. 1989) avant que tous les intermédiaires d’assurance (IAS) le soient depuis 2007.

Association à but non lucratif (Loi du 1er juill. 1901) créée en 2005, entrée en activité en 2007, l’ORIAS reçoit essentiellement la mission d’administrer le registre dit « unique » qui concerne onze catégories d’intermédiaires (Rapport 2023, p. 4 et 5). Des professions d’intermédiaires lui sont étrangères, notamment les agents de prestataires de services de paiement (APSP), les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), ou encore les prestataires de services de financement participatif (PSFP). Accessible publiquement (www.orias.fr) le registre recense les intermédiaires d’assurance (IAS), les intermédiaires bancaires (IOBSP ou IOB), les conseillers en investissement financier (CIF), les agents liés de prestataires de services d’investissement (ALPSI) et les intermédiaires de finance participative (IFP ou PSFP), tous supervisés par l’une de ces deux autorités de contrôle : l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ou l’Autorité des marchés financiers (AMF). Les membres de l’ORIAS sont des associations professionnelles, de banque et d’assurance. Ses statuts sont homologués par le ministère de l’économie et des finances (en 2006, en 2014 puis en 2017 ; arrêté du 27 févr. 2017), plaçant l’ORIAS sous la surveillance du Trésor public, le représentant du Trésor agissant comme commissaire du gouvernement auprès de l’ORIAS (C. assur., art. R. 512-3, III).

L’immatriculation « à l’ORIAS » se résume à l’attribution à chaque intermédiaire, par la commission d’immatriculation de l’association (C. assur., art. R. 512-3, V, et art. 8 des statuts de l’ORIAS), d’un numéro d’identification à huit chiffres : les deux premiers indiquent son année de première immatriculation ; les six suivants, son rang chronologique d’enregistrement. Ce numéro d’identification matérialise l’autorisation administrative d’exercer une activité d’intermédiation, après le contrôle des conditions d’accès à celle-ci (C. mon. fin., art. L. 546-1 s. ; C. assur., art. L. 512-1, R. 512-1 s.). En particulier, l’ORIAS contrôle la condition dite « d’honorabilité des intermédiaires » (C. assur., art. R. 514-1 ; C. mon. fin., art. R. 546-5), c’est à dire l’absence de condamnation pénale des personnes exerçant ces activités. Ces conditions d’accès et d’exercice constituent des garanties de professionnalisme pour les clients, entre intermédiaires, comme pour les établissements agréés, partenaires des intermédiaires. Outre le renouvellement annuel des immatriculations, l’ORIAS a traité plus de 50 000 demandes (54 053, Rapport 2023, p. 16) en 2023, affichant seize jours de délai moyen pour instruire une demande d’inscription, avec des pointes à plus de quarante jours de délai (43 jours en avr. 2023, Rapport 2023, p. 16). Les contestations judiciaires des décisions de l’ORIAS sont peu nombreuses et infructueuses. Le budget de l’ORIAS avoisine 3,5 millions d’euros (3,651 millions d’euros, Rapport 2023, p. 59). Financé à 90 % par les cotisations prises aux intermédiaires, il marque une hausse annuelle de 3,7 %. L’ORIAS, depuis sa création, a plutôt efficacement rempli sa mission publique, au prix d’un souci patent de bonne communication et d’un esprit affirmé de service avec les intermédiaires concernés. Une approche plutôt rare, dans l’univers administratif. Malheureusement, depuis 2021, l’évolution de son site internet, crucial, « ne s’est pas déroulée sans heurts » (Rapports annuels 2021 et 2022, p. 1), causant des tracas et souvent des délais aux intermédiaires.

Chaque intermédiaire est tenu de délivrer au public des informations qu’il est possible de qualifier « de présentation » pour caractériser leurs finalités et pour bien les distinguer de la masse des informations dues par un intermédiaire (L. Denis et K. Hocquerelle, Droit bancaire, distribution et courtage en crédit, Emerit, 2023). À ce titre, chaque intermédiaire diffuse son numéro d’immatriculation « à l’ORIAS » ainsi que « les moyens de vérifier » cette immatriculation (concrètement : l’adresse du site internet de l’ORIAS). L’exercice d’une intermédiation, sans immatriculation au registre unique national des intermédiaires matérialise une infraction passible soit d’un emprisonnement de deux années et d’une amende de 6 000 €, soit de l’une de ces deux peines seulement (C. mon. fin., art. L. 546-1 ; v. égal., ACPR, commission des sanctions, 12 déc. 2012, n° 2012-02). De plus, « il est interdit à toute personne autre [qu’un intermédiaire] d’utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d’une façon générale, des expressions faisant croire ou laissant entendre qu’elle est immatriculée sur le registre […] au titre de l’une de ces catégories ou de créer une confusion en cette matière ». Le fait, pour toute personne, de méconnaître l’une de ces interdictions est puni de, soit trois années d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende, soit de l’une de ces deux peines seulement (C. mon. fin., art. L. 546-3). Toute personne peut ainsi aisément consulter la fiche publique de tout intermédiaire immatriculé, au moyen du site www.orias.fr se procurant de la sorte des éléments rassurants quant à la conformité juridique et à la qualité élémentaires d’un intermédiaire.

Malheureusement, la méconnaissance de l’existence du registre national unique des intermédiaires, ainsi que son manque d’ergonomie et de référencement, ajoutés à la spectaculaire inutilité de « listes noires » d’escrocs (ACP, AMF et ABE-Info Service, Listes noires et alertes des autorités), nuisent grandement à l’objectif de protection des consommateurs, pourtant centralement visé par ce registre. Tout intermédiaire doit fournir au registre une « modalité de contact » (adresse mail, téléphone) ainsi que l’adresse de son site internet, s’il existe (C. mon. fin., art. L. 546-1 ; C. assur., art. A. 512-1 et A. 512-3 ; arrêté du 6 déc. 2022). L’ORIAS constate que cette obligation est mal respectée (Rapport 2023, p. 20). L’ORIAS n’a ni le pouvoir ni les moyens de protéger les clientèles contre les arnaques aux faux intermédiaires : c’est substantiellement le rôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR ; C. mon. fin., art. L. 612-1, I). Les professionnels, particulièrement les intermédiaires du crédit et ceux de l’investissement (épargne), déplorent la dramatique prospérité des escroqueries, dont les récits émaillent sans cesse l’actualité et qui grugent nombre de consommateurs. En 2024, même les autorités publiques, pourtant en charge de cette protection, reconnaissent ce constat d’échec (ACPR, communiqué du 4 sept. 2024). Des mesures simples pourraient être adoptées pour rapidement mieux protéger les consommateurs contre les faux intermédiaires, telles que la vérification systématique, par un professionnel, des coordonnées bancaires (IBAN) du bénéficiaire de l’opération de virement, nécessairement demandé par l’escroc au consommateur. Les établissements de crédit, les banques, et les établissements de paiement auraient, au cas d’espèce, une élégante carte à jouer en proposant spontanément un tel service à leurs clients, avant qu’il ne soit obligatoire (9 janv. 2025, partiellement et 9 janv. 2027 ; service de vérification du bénéficiaire, verification of payee, règl. [UE] n° 2024/886 du 13 mars 2024). La lutte sérieuse contre les escroqueries aux faux conseillers bancaires s’impose également.

Un registre sert fondamentalement d’obstacle entre des personnes à protéger et les risques qui les visent. Force est de constater que cet objectif n’est pas atteint, en France. Cette situation n’est pas imputable à l’ORIAS. À défaut de mesurer précisément l’échec de cet objectif essentiel de protection des clients, les enseignements statistiques du registre se concentrent sur les volumes d’intermédiaires. Ainsi l’ORIAS « adresse au ministre chargé de l’économie un rapport annuel sur les immatriculations au registre, sur les radiations intervenues et sur les statistiques concernant sa consultation. […] l’association peut publier des études, notamment statistiques, intéressant l’intermédiation » (Statuts de l’ORIAS, art. 10). Tel est le cas, pour l’année 2023.

Les évolutions des populations d’intermédiaires reflètent les heurts et les souffles des marchés que ceux-ci pratiquent : difficultés pour les IOBSP, dans l’hiver du crédit ; atonie des IAS ; dynamique des CIF

Un registre est également un radar. Le registre national des intermédiaires tenu par l’ORIAS renvoie fidèlement les échos soit des dynamiques, soit des contractions des marchés des opérations de banque (crédit, dépôts et paiement), de l’assurance et de la finance (investissement). Les peuples de l’intermédiation étaient, pratiquement, inconnus. Parmi les rapports de l’Inspection des finances proposant des réformes à la suite de la crise financière suscitées par les banques en 2008, l’un d’eux a proposé l’audacieuse extension à tous les intermédiaires nationaux du registre déjà existant pour les intermédiaires d’assurance (Rapport n° 2009-M-040-03 de la mission de conseil sur le contrôle du respect des obligations professionnelles à l’égard de la clientèle dans le secteur financier, proposition n° 14, p. 54). En effet, aucun de ces intermédiaires n’avait de responsabilité dans la crise bancaire de 2008 : une mesure cosmétique s’imposait de toute évidence. Facilitée par l’ambiguïté de la notion d’« intermédiaire » en matière financière, elle s’inscrivait dans l’introduction d’une « obligation de loyauté » à délivrer par les intermédiaires de distribution (CCSF, avis du 26 janv. 2010), pourtant posée par le droit général des contrats (C. civ., art. 1104 et anc. art. 1134).

Cette mission statistique élargie est confiée à l’ORIAS. Son premier rapport annuel (C. assur., art. R. 512-5, VIII) date de 2011. Depuis celui de 2013, l’ORIAS peint le tableau des intermédiaires français. Leurs populations sont statistiquement mieux connues, même si l’ORIAS privilégie la notion d’« inscription » (l’immatriculation d’une personne dans l’une des catégories d’intermédiaires) à celle d’intermédiaire (une personne généralement morale qui pratique l’une des intermédiations considérées), qui limite parfois l’analyse. En effet, un même intermédiaire peut cumuler plusieurs catégories juridiques d’intermédiaires (IAS, IOBSP, CIF, not.) et il existe plusieurs sous-catégories juridiques (courtier, agent général, mandataire non exclusif d’entreprise d’assurance ou mandataire d’intermédiaire d’assurance, en assurance, par ex.) d’une même catégorie d’intermédiaire.

Le portrait statistique exposé par l’ORIAS pour l’année 2023 montre la régression volumétrique des intermédiaires. Celle-ci est palpable depuis 2021 (Rapport 2023, p. 22). Le rapport pour 2023 dénombre 116 938 inscriptions (Rapport 2023, p. 4 et 21), contre 119 777 à fin 2022. Soit, selon l’ORIAS : environ 69 000 intermédiaires (ou entreprises) au total (69 277, Rapport 2023, p. 3), après plus de 71 000 (71 163, Rapport 2023, p. 21) en 2022. Près de neuf immatriculations sur dix (89 %, p. 3) sont renouvelées (contre 95 %, en 2022). Ce recul statistique marqué est le premier observé par l’ORIAS depuis sa création. Les IAS sont en tête, avec près de 60 % des inscriptions (59,9 %, Rapport 2023, p. 21), suivis des IOB, à plus de 30 % des inscriptions (31,4 %, Rapport 2023, p. 21), et des CIF pour 5,3 % des inscriptions. Les mandataires d’intermédiaires d’assurance représentent la première catégorie d’intermédiaires (plus d’un quart du total, Rapport 2023, p. 21). Un quart (26,9 %, Rapport 2023, p. 6 et 24) cumulent une activité d’IOBSP et d’IAS. Bon nombre d’intermédiaires d’assurance exercent une activité dans un autre pays de l’Union européenne (p. 34), alors que bien peu d’intermédiaires bancaires font de même). L’ORIAS ne recense pas les salariés des intermédiaires, une donnée qui demeure inconnue.

Sans surprise, les intermédiaires bancaires (IOBSP) essuient la plus forte baisse statistique. Leurs inscriptions (33 606, Rapport 2023, p. 5) chutent de 4,4 % (frôlant près de 10 %, pour la catégorie des courtiers en opérations de banque – environ 6 000 immatriculations en 2023) comme celles des mandataires d’intermédiaires en opérations de banque (à plus de 14 000 en 2023). De fait, la politique publique adoptée en matière de crédit immobilier aux ménages s’est traduite, à la fois, par la hausse brutale des taux d’intérêt de 2022 à 2023 et par une stratégie délibérée de rationnement du crédit immobilier aux consommateurs depuis 2019. L’hiver du crédit immobilier s’est installé en France, depuis lors. La première mesure a répondu à l’impératif de juguler l’inflation. La seconde repose sur un supposé endettement global excessif des ménages et s’incarne par des dispositions administratives (celles du Haut conseil de stabilité financière, ou HCSF ; recomm. n° R-HCSF-2019-1 du 20 déc. 2019 et décis. n° D-HCSF-2023-02 du 29 juin 2023). Celles-ci sont incompatibles avec la législation européenne de l’octroi de ces crédits immobiliers (C. consom., art. L. 313-11 à L. 313-19 ; dir. [UE] 2014/17 du 4 févr. 2014 relatives aux crédits immobiliers aux consommateurs, entrée en vigueur le 1er oct. 2016 ; ord. n° 2016-351 du 25 mars 2016). En résultat : la production de crédit immobilier aux ménages a sombré de plus de 40 % (43,4 %, soit 133 milliards d’euros de nouveaux crédits immobiliers aux ménages, en 2023, contre 235 en 2022 ; Banque de France, crédits aux particuliers à fin décembre 2023, 2 févr. 2024). Pour la première fois, en 2024, l’encours de crédit immobilier aux ménages a même baissé (1 283 milliards, en mai 2024) dans l’indifférence générale. La chute de plus de 8 % du nombre des courtiers, dans l’effondrement de 40 % de leur principal marché, suggère les dégâts causés et montre leur spectaculaire adaptation, et même la résistance de leur modèle global de distribution de crédit. Pour clore le tableau statistique des IOBSP : les mandataires exclusifs d’établissements de crédit, catégorie juridique d’IOBSP généralement utilisée en regroupement de crédits, se signalent à la hausse (environ 4 000 immatriculations, à fin 2023).

Plus étrangement, du côté de l’intermédiation d’assurance, la baisse s’invite également, proche de 2 %, avec plus de 61 000 inscriptions, à fin 2023 (61 069, Rapport 2023, p. 5). Le nombre des inscriptions d’agents généraux d’assurance demeure stable, à près de 12.000 (11 747, Rapport 2023, p. 5). Les courtiers d’assurance reculent, légèrement (26 722 immatriculations, Rapport 2023, p. 5). Les éléments manquent pour analyser correctement ces évolutions, notamment en considération des activités d’assurance pratiquées, statistique absente du rapport. Pour l’ORIAS, cette population a surmonté la réforme du courtage, comme s’il s’était agi de se défaire d’une pathologie. L’écart entre le nombre d’inscriptions de courtiers (et leurs mandataires) et celui de courtiers (et leurs mandataires) adhérents à une association professionnelle agréée (Rapport 2023, p. 24), tant pour les IAS que pour les IOBSP, s’expliquerait par les exceptions légales et par le décalage chronologique d’une résiliation d’adhésion et de la suppression d’une immatriculation. Lors du renouvellement de février 2023, rendu délicat par la généralisation, au 1er janvier 2023, de l’obligation d’adhésion à une association professionnelle agréée pas nécessairement comprise de tous les intermédiaires concernés, l’ORIAS a fait preuve de délicatesse et d’active information, évitant une vague de radiations brutales du registre. À l’exception des CIF, la répartition des courtiers, d’opérations de banque ou d’assurance, par associations professionnelles agréées (C. mon. fin., art. L. 518-11 ; C. assur., art. L. 513-3, I ; Loi n° 2021-402 du 8 avr. 2021, entrée en vigueur au 1er avr. 2022 et au 1er janv. 2023) est absente du rapport de l’ORIAS. C’est d’autant plus regrettable que ces associations agréées sont tenues à une obligation de représentativité (C. mon. fin., art. R. 519-54, pour les courtiers-IOBSP). Ces associations de courtiers sont tenues à la production d’un rapport annuel (C. mon. fin., art. L. 519-13, II, et C. assur., art. L. 513-5, II).

La catégorie de mandataire d’intermédiaires d’assurance se contracte, pour sa part, se réduisant de 4,2 %, à moins de 29 000 inscriptions (28 972, Rapport 2023, p. 5). Situation étrange, puisque la supposée libéralisation de l’assurance emprunteur (C. consom., art. L. 313-29 et L. 313-30 ; C. assur., art. L. 113-12-2 ; Loi n° 2022-270 du 28 févr. 2022, entrée en vigueur le 1er mars et le 1er sept. 2022 ; v. Le rapport du CCSF sur l’assurance de prêt, Dalloz actualité, 30 avr. 2024, obs. L. Denis) aurait dû, en principe, entraîner davantage d’activité d’intermédiation d’assurance, donc : davantage d’intermédiaires d’assurance, notamment dans cette catégorie juridique propice.

Quant aux intermédiaires de l’investissement, principalement les CIF, et les ALPSI, ils continuent d’afficher une belle croissance statistique, de l’ordre de 5 % chacun, avec près de 7.000 inscriptions de CIF (6 710, Rapport 2023, p. 4) et plus de 4 000 inscriptions d’ALPSI (4 159, Rapport 2023, p. 4). Cette catégorie est en expansion depuis 2018 (Rapport 2023, p. 51). Au jeu des conjectures élémentaires, il est possible d’avancer que la hausse des taux conjuguée au traditionnel taux élevé d’épargne des ménages, aura favorisé l’épargne, notamment autour de produits de retraite, thématique bruyante. Le financement participatif demeure numériquement faible. Les IFP (qui interviennent soit en dons, soit en prêts) sont réduits à une centaine d’inscriptions (106, Rapport 2023, p. 4). La législation européenne favorise le statut de PSFP (une cinquantaine en France, à fin 2023), lesquels sont tracés par un registre européen tenu par l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), dont les données nationales sont publiées également par l’AMF.

Pour orner ce portrait de l’année 2023 d’une touche d’optimisme, l’ORIAS annonce près de 115 000 immatriculations (114 867), au 1er septembre 2024, en hausse légère en comparaison du 1er septembre 2023. Les incertitudes économiques et les statistiques, bien réelles, ne masquent pas l’incontestable réalité : la puissance persistante des intermédiations en contrats d’assurance, bancaires et d’investissement financier. La coexistence de distributeurs indépendants, dans ces secteurs, aux côtés de producteurs souvent bousculés et approximatifs dans leurs stratégies de relation avec les clients, demeure une donnée de marché caractéristique. En effet, les seules statistiques d’immatriculations administratives restituées par l’ORIAS sont muettes quant à l’activité effective des intermédiaires, qui n’entre pas dans la mission du teneur du registre.

Il manque cruellement aux données d’inscriptions par catégories juridiques, celles des activités et des parts prises par les intermédiations dans la distribution de ces produits. Les intermédiaires déclarent les activités qu’ils pratiquent ; cette notion produit d’ailleurs des conséquences sur leurs obligations de formation continue. Cette facette essentielle d’activité complète leur dénombrement. L’ACPR réalise, chaque année, une enquête analysant les pratiques commerciales et la protection de la clientèle des secteurs bancaire et assurantiel (instruction n° 2022-I-11 de l’ACPR, du 15 juin 2022, relative à ce questionnaire, pour les données de l’année 2023). Malheureusement, ses résultats ne sont jamais publiés. L’occultation publique de la donnée statistique indiquant notamment les volumes et les parts de contrats d’opérations de banque et d’assurance intermédiée est particulièrement regrettable. Des études statistiques privées (IFOP pour l’APIC, juin 2023 ; baromètre IFOP-CAFPI, juin 2022) montrent la part prise, par exemple, par les courtiers dans la distribution du crédit immobilier (près d’un tiers des crédits octroyés, en 2023, avec une forte attractivité auprès des emprunteurs jeunes), alors que 76 % des personnes interrogées estiment indispensable d’interroger un courtier en crédit (IFOP-CAFPI, nov. 2023). Deux tiers (65 %) des courtiers d’assurance considèrent que l’intensification de la concurrence valorise leur expertise de conseil (Opinioway-iassure, nov. 2022). Les agents généraux d’assurance, pour 43 % d’entre eux, constatent la croissance de leurs commissionnements, ces trois dernières années (AGEA, Observatoire des agents généraux d’assurance, 2023). Hors les évolutions de leurs inscriptions au registre tenu par l’ORIAS, les intermédiaires témoignent d’une activité particulièrement bien enracinée, dans la distribution d’assurance, de crédit et de placements. La distribution indépendante en crédit, en assurance et en investissement financier s’adapte et résiste aux cycles comme aux chocs.

L’ORIAS tient efficacement le registre national unique des intermédiaires en assurance, banque et finance, instrument de protection et de détection. Elle le fait dans un esprit louable de service et d’accompagnement des intermédiaires qui contrebalance des processus administratifs encore rudes. Face à la vague des escroqueries, les pouvoirs publics gagneraient à investir davantage en communication pour mieux faire connaître ce registre au public, pour améliorer la visibilité du site internet qui permet sa consultation et pour affermir son rôle dans la protection des consommateurs. Dans une forme agréablement remaniée, le rapport de l’ORIAS pour 2023 procure d’intéressantes données statistiques relatives aux intermédiaires, montrant les difficultés comme les réussites des différentes catégories d’intermédiaires. Dépourvu d’informations relatives à leurs activités effectives, le registre tenu par l’ORIAS permet de mieux connaître les populations d’intermédiaires réglementés. Ceux-ci contribuent efficacement, de manière indépendante des producteurs, à la distribution de contrats essentiels : que ce soit en crédit, en assurance ou en investissement financier.

 

Rapport annuel 2023 de l’ORIAS

© Lefebvre Dalloz