Les condamnations de la justice augmentent fortement
Dalloz actualité publie les trois derniers rapports retraçant les condamnations de l’État du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice. Le nombre de dossiers et les indemnités versées doublent depuis le rapport qui couvrait l’année 2020.
Chaque année, le ministère de la Justice doit retracer les actions en responsabilité engagées contre l’État du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice. Le dernier rapport transmis au Parlement portait sur l’année 2020. Dalloz actualité publie aujourd’hui les trois rapports suivants.
En trois ans, le nombre de requêtes a fortement augmenté. En 2023, 1 181 nouvelles actions en responsabilité ont été engagées contre l’agent judiciaire de l’État pour fonctionnement défectueux du service public de la justice. Un chiffre qui a doublé en quatre ans. Le contentieux relatif à des délais déraisonnables devant les conseils de prud’hommes représente à lui seul 62 % des nouvelles requêtes.
L’émergence des dossiers sériels et de la transaction
Ce nombre de requêtes masque le fait que des procédures collectives peuvent représenter parfois plus de 100 requérants. Sur ces 1 181 dossiers, 10 requêtes portent à elles seules 1 877 plaignants. S’il y avait déjà eu des séries auparavant, le rapport note que « l’ampleur du phénomène est inédite ». Exemple de ces dossiers sériels : le 14 décembre 2023, dans une affaire de droit du travail regroupant 1 320 personnes, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné l’agent judiciaire de l’État à 6,8 millions d’euros de dommages et intérêts. Ce dossier, dans lequel un appel est pendant, n’est pas inclus dans les statistiques de l’année 2023.
Il y a eu en 2023, 661 décisions définitives de rendues, un chiffre stable. L’État a été condamné à 231 reprises et les requérants ont été déboutés 121 fois. À noter, l’augmentation nette du nombre de transactions, due à une volonté de l’État de privilégier la médiation. En 2023, 281 transactions ont été conclues, contre seulement 31 en 2021. Il y a enfin eu 28 décisions qui ont mis fin aux litiges pour d’autres motifs (irrecevabilité, péremption, radiation, etc.) sans statuer sur le fond.
Au total, l’État a dû verser 5,07 millions d’uros en 2023. Un montant qui a, là aussi, doublé depuis 2020. Près de la moitié vient des transactions (2,48 millions d’euros), dont la somme va de 1 375 € à 57 100 €. Le déni de justice, souvent en raison des délais trop longs, est plus simple à prouver, mais les montants moyens versés sont plus faibles : 8 660 € contre 26 627 € en cas de faute lourde et 14 982 € pour les dossiers de responsabilité sans faute.
En matière civile, les condamnations viennent souvent des délais déraisonnables observés en matière prud’homale. Mais un autre contentieux émerge : les actions en dysfonctionnement du service public de la justice du fait des délais déraisonnables devant les tribunaux statuant sur les actions fondées sur le règlement d’indemnisation des passagers victimes de retards aériens.
En matière pénale, le rapport liste les principaux problèmes. D’abord les délais déraisonnables de l’information judiciaire ou d’audiencement. Dans un seul dossier, où il y avait 83 demandeurs à l’instance, l’agent judiciaire de l’État a été condamné à 441 791 €. En matière de fautes lourdes (27 condamnations), dix dossiers résultent de litiges relatifs aux scellés, un de détention arbitraire, trois de fautes du parquet dans le traitement de procédures et cinq de litiges relatifs à une faute commise par un service d’enquête. Leur coût total était de 769 691 €.
Les condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme
Le rapport permet également de retracer les conséquences des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. En 2023, la Cour européenne a publié 98 décisions et arrêts concernant la France, soit une forte augmentation (66 en 2022, 52 en 2021). Sur ces 98 décisions, 60 concernaient le ministère de la Justice. Le rapport compte 27 décisions d’irrecevabilité, 14 affaires radiées du rôle et 19 arrêts au fond, dont 8 ont conclu à au moins une violation de la Convention.
Selon le rapport « certaines condamnations de l’État font apparaître des dysfonctionnements révélant des problématiques structurelles, à travers les délais déraisonnables de traitement qui représentent 91 % des condamnations prononcées en matière judiciaire ». Reste que la partie consacrée aux mesures de « prévention des dysfonctionnements récurrents » fait l’objet de copier-coller sur les trois années. Il est douteux que la situation s’améliore fortement dans les années à venir, surtout au vu de l’embolie de la justice criminelle.
Rapport au Parlement sur le fonctionnement défectueux du service public de la justice en 2021
Rapport au Parlement sur le fonctionnement défectueux du service public de la justice en 2022
Rapport au Parlement sur le fonctionnement défectueux du service public de la justice en 2023
© Lefebvre Dalloz