Les députés remanient la loi remaniant la justice des mineurs
Mardi dernier, les députés ont adopté la proposition de loi sur la justice des mineurs proposée par le groupe macroniste. Au fur et à mesure des débats, l’évolution de la présence des députés a permis aux députés de gauche d’être majoritaires et de remanier en profondeur le texte, au point d’être les seuls à l’adopter.
Sous cette législature, l’absence de majorité et les rapports de forces étriqués, transforment le vote sur chaque amendement en combat homérique. Mardi, les débats en commission sur la proposition de loi « visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents » en ont fourni un exemple éclatant.
Le texte, déposé par Gabriel Attal, reprend l’avant-projet de loi justice des mineurs, annoncé après les émeutes de 2023, qui n’avait pu être présenté en Conseil des ministres avant la dissolution (Dalloz actualité, 23 sept. 2024, obs. P. Januel). Parmi ses mesures phares : le renforcement de la responsabilité parentale, la limitation de l’atténuation de peine pour les enfants et l’instauration d’une procédure de comparution immédiate, une mesure décriée par la gauche alors que le code de la justice pénale des mineurs est récent.
Mardi en fin d’après-midi, les débats avaient pourtant bien commencé, pour le socle commun. Deux articles sont adoptés sans encombre. D’abord, l’article 1er qui modifie le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales. Outre une précision, le texte crée, pour le parent, une circonstance aggravante si son enfant délaissé commet un crime ou plusieurs délits. Ensuite, l’article 2 qui permettra au juge des enfants de prononcer une amende civile à l’égard des parents qui, sans motif légitime, ne défèrent pas aux convocations d’assistance éducative.
« Nous vivons des moments formidables »
Les choses se sont corsées à la séance du soir. À la reprise, il n’y a qu’une quinzaine de députés présents. L’amendement de suppression de l’article 3, qui codifie la récente jurisprudence sur la responsabilité solidaire des deux parents pour les dommages causés par leurs enfants (Dalloz actualité, 9 juill. 2024, obs. K. Buhler Bonafini) est rejeté d’une voix. Mais quelques minutes plus tard, au grès des arrivées perlées des députés, c’est l’article qui est rejeté et disparaît du texte. La gauche est alors majoritaire.
Pour les macronistes, cela tombe mal : ce sont les articles majeurs du texte qui commencent à être étudiés. L’article 4 vise notamment à créer une procédure de comparution immédiate pour les mineurs récidivistes de seize ans et plus. Les députés de gauche dénoncent une procédure qui va à l’encontre des principes du récent code de justice pénale des mineurs, alors qu’il permet déjà une audience unique. L’amendement de suppression est rejeté de justesse, mais l’étude des amendements tourne au vinaigre pour le socle commun.
Les amendements du rapporteur Jean Terlier sont repoussés, même lorsqu’ils visent à améliorer l’article. Sentant son texte se déliter, celui-ci le reproche à la gauche. Le député Insoumis, Antoine Léaument, réplique : « vous nous proposez des amendements sur un texte pourri, pour amender sensiblement l’humanité d’un texte qui est inhumain ». À côté du rapporteur, le président Florent Boudié est plus placide. Sous la XVIIe législature, les députés ont appris à subir. Finalement, c’est l’article 4 qui est rejeté.
Profitant d’être majoritaires, les députés de gauche hâtent l’étude des amendements de suppression de l’article 5 qui revoit les modalités d’atténuation de la peine pour les mineurs : pour les mineurs de seize ans et plus, il prévoit d’enlever le caractère « exceptionnel » d’une dérogation au principe d’atténuation de la peine et de supprimer l’exigence de motivation en cas de récidive légale. Pour les cas les plus graves, un mécanisme automatique serait même mis en place : c’est l’atténuation de la peine qui devra être spécialement motivée par la juridiction.
L’article 5 ayant été supprimé, il ne reste plus que les articles additionnels. Sacha Houlié, député divers gauche non inscrit, mais qui est l’ancien président de la commission, a l’avantage de mieux maîtriser la matière que la majorité de ses confrères. Il en profite pour faire adopter plusieurs amendements, avec le soutien du rapporteur. Pour les mineurs déjà suivis, le recueil de renseignements socio-éducatifs sera remplacé par une note de situation actualisée. Un autre amendement précise que le rapport éducatif du procureur devra bien être produit avant le placement en détention provisoire. Ces amendements précisent les règles en cas d’appel, les cas où le mineur peut donner son accord à une audience unique, et facilite le prononcé de mesures de justice restaurative.
Après une suspension, le vote se fait à fronts renversés. Les macronistes s’opposent à un texte, que la gauche fait adopter. C’est donc la proposition de loi amputée de trois de ces cinq articles qui sera étudiée dans l’hémicycle en fin de semaine, sauf si la censure suspend à nouveau les travaux. Au gré de la mobilisation des députés, le résultat pourrait être totalement différent. Il est près de minuit quand Florent Boudié conclut la séance, avec sa pointe d’ironie : « Nous vivons des moments formidables ».
© Lefebvre Dalloz