Les députés se penchent sur la hausse des refus d’obtempérer et des tirs policiers
Face aux polémiques sur la hausse des tirs par les forces de l’ordre à la suite de refus d’obtempérer, la commission des lois de l’Assemblée a confié une mission d’information à deux députés. Ils constatent une hausse des refus d’obtempérer en dix ans, et une augmentation des tirs policiers qui a connu un pic en 2017. Ils ne préconisent toutefois pas de bouleverser le cadre législatif.
Certains rapports parlementaires visent à préparer la prochaine réforme législative. Celui écrit par les députés Thomas Rudigoz (Renaissance) et Roger Vicot (PS) a plutôt vocation à faire le point sur les différentes réformes qui se sont succédé depuis dix ans, tant sur les refus d’obtempérer que sur le cadre légal des tirs par les forces de l’ordre. Ces deux points ont fait l’objet de multiples polémiques ces dernières années.
La hausse des refus d’obtempérer
Le rapport commence sur la hausse constante des cas de refus d’obtempérer, notamment les plus graves d’entre eux. Entre 2012 et 2022, les refus d’obtempérer simples ont augmenté de 34 % (pour atteindre 25 641) et les refus d’obtempérer aggravés de 95 % (4 905 en 2022). Un léger repli a toutefois été constaté en 2022 par rapport à 2021. Ces « agressions avec véhicule » blessent chaque année 170 gendarmes et en ont tué trois en dix ans. Huit policiers ont également été tués depuis 2013 alors qu’ils intervenaient dans le cadre d’un refus d’obtempérer.
Pour les deux députés, il y a plusieurs causes. D’abord, et surtout, l’augmentation de la commission de délits routiers connexes et donc de la volonté d’échapper aux contrôles. La hausse du nombre de contrôles routiers pourrait être une autre explication, mais ils ont tendance à diminuer en zone police, passant de 600 000 en 2012 à 348 000 (ils sont restés stables en zone gendarmerie). Il y aurait aussi une volonté croissante de défier l’autorité de l’État, voire même, « un impact des jeux vidéo sur les jeunes ».
Face à cela, la loi a été durcie. Si cela n’a pas permis de réduire les refus d’obtempérer, pour le rapport, le « droit pénal a également une dimension politique et prescriptive, par laquelle une société affirme ses valeurs et précise ce qu’elle accepte et n’accepte pas ». De plus, « il n’y a aucun laxisme judiciaire particulier sur la question des refus d’obtempérer ». Dès lors, ils ne recommandent pas de modification législative mais préconisent plutôt de moderniser les outils permettant d’arrêter des véhicules à distance ou de les marquer.
La hausse des tirs par les forces de l’ordre
Le nombre de tirs sur des véhicules par des policiers, comme par des gendarmes, a connu une forte hausse entre 2012 et 2017, et a depuis diminué. Si 140 tirs de policiers sur des véhicules en mouvement ont été recensés en 2022, il y en avait 205 en 2017 et 116 en 2012. La gendarmerie a elle aussi connu un pic en 2017 avec 53 tirs sur véhicule (30 en 2022). Au total, les tirs effectués dans le cadre de refus d’obtempérer ont engendré la mort de quatre personnes en 2021, treize personnes en 2022 et trois personnes en 2023.
En septembre 2022, un article de trois universitaires avait fait le lien entre la modification du cadre légal d’usage des armes facilitant les tirs en cas de refus d’obtempérer et le pic de 2017. Le rapport revient sur cette réforme. Les gendarmes ont longtemps bénéficié d’un cadre de tir formellement plus souple que les policiers, qui inscrivaient leur action armée dans les causes d’irresponsabilité pénale du droit commun (légitime défense, état de nécessité). Toutefois, la jurisprudence avait rapproché les deux régimes insistant sur les conditions d’immédiateté, de nécessité et de proportionnalité.
En 2017, face aux crises terroristes et aux manifestations de policiers, le législateur a unifié ces deux cadres à l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure : outre la légitime défense de soi-même ou d’autrui, la défense des lieux ou des personnes qui leur sont confiés, l’arrestation de personne, le 4° concerne les refus d’obtempérer. Sa rédaction assez ambiguë, évoque l’arrestation de véhicules « dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».
Les députés ne souscrivent pas à l’idée d’un lien entre la réforme et la hausse de tirs contre les véhicules en fuite. Toutefois, ils divergent sur leur conclusion. Roger Vicot, le député socialiste est favorable à la suppression du terme « susceptibles », qui est ambigu et peut être mal interprété. Par ailleurs, cet alinéa n’a été utilisé qu’à deux reprises depuis 2017, la plupart des situations auxquelles font face les policiers relevant d’abord de la légitime défense. Son confrère, Thomas Rudigoz, est défavorable à toute nouvelle modification du texte refusant de « relancer un débat sémantico-juridique qui pourrait aboutir à semer davantage de confusion ».
Sur les conséquences judiciaires d’un tir, les députés ne souhaitent pas la création d’un cadre procédural spécifique. Mais ils souhaitent que ces affaires soient confiées à des magistrats disposant d’une expertise particulière, avec la « désignation de magistrats référents ». Autre point : la formation. Contrairement aux gendarmes, le rapport note que près du tiers des policiers n’effectuent pas leurs trois séances de tirs annuels.
AN, Projet de rapport d’information sur le refus d’obtempérer, 29 mai 2024
© Lefebvre Dalloz