Les implications multiples des mesures d’adaptation au droit européen
Députés et sénateurs ont trouvé un compromis sur le projet de loi portant diverses adaptations au droit de l’Union européenne et l’ont adopté le 2 avril pour les premiers, le 3, pour les seconds.
Un nouveau fourre-tout législatif, le quatrième débattu au Parlement en quatre ans, vient mettre le droit français en conformité avec les récentes évolutions de la législation européenne. Mais pas seulement. En effet, s’il consiste à transposer le droit européen intervenant dans des domaines divers (économique, financier, environnemental, judiciaire, etc.), il contient des dispositions en matière d’énergies renouvelables qui ne relèvent que du droit interne.
Marché de partenariat d’innovation
En matière de marchés publics, le texte révise les conditions de recours au partenariat d’innovation afin de les rendre conformes au droit de l’Union européenne. Le partenariat d’innovation, introduit par la directive 2014/24/UE du 26 février 2014, est un marché public visant à inciter les acheteurs publics à stimuler l’innovation par leurs achats, en permettant le recours à une procédure de passation unique pour les phases de recherche, de développement et d’acquisition de solutions innovantes. La mise en conformité du code de la commande publique permet que ne soient pas considérés innovants, par principe, les travaux, fournitures ou services proposés par les jeunes entreprises. La mention relative aux jeunes entreprises innovantes avait été ajoutée dans le code de la commande publique à l’occasion de la loi de finances pour 2024 (art. 44-II). Il s’agissait d’instituer une présomption en leur faveur, leurs solutions étant réputées innovantes. Les acheteurs publics pouvaient donc passer des partenariats d’innovation, ainsi que des marchés innovants sans publicité ni mise en concurrence, avec ces entreprises.
Un volet environnemental et énergétique hétérogène
Le texte étend aux projets éoliens en mer le champ d’intervention des référents préfectoraux aux énergies renouvelables. Il définit également la cartographie des zones propices au développement des énergies renouvelables. La mise en œuvre de la directive 2007/60/CE Inondations du 23 octobre 2007, qui fixe un cadre européen aux actions de prévention des inondations est simplifiée et la deuxième consultation des collectivités territoriales sur les plans de gestion des risques d’inondation a été maintenue, tout en prévoyant que la consultation publique se tienne en parallèle, pour ne pas allonger les délais de révision de ces plans. La directive (UE) n° 2023/2413 du 18 octobre 2023, dite « RED III » définit les conditions de dispense de demande de dérogation « espèces protégées » pour les projets d’énergies renouvelables. Elle prévoit que « lorsqu’un projet d’énergies renouvelables comporte les mesures d’atténuation nécessaires, toute mise à mort ou perturbation des espèces protégées n’est pas considérée comme intentionnelle ». La notion d’intentionnalité n’étant pas consacrée dans le droit national de protection des espèces protégées, la transposition de cette disposition intègre la jurisprudence récente du Conseil d’État afin d’inscrire dans le code de l’environnement des conditions qui permettent de dispenser une demande de dérogation.
Dans le domaine de la transition écologique et du droit de l’énergie, il est prévu de renforcer la surveillance, par la commission de régulation de l’énergie, des marchés de gros de l’énergie, d’accorder des aides financières en vue de la création d’infrastructures répondant à une capacité de production d’énergie verte dépassant les objectifs de déploiement des énergies renouvelables fixés aux niveaux de l’Union européenne et de la France. En conformité avec la directive (UE) 2023/1791 du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique, un objectif de réduction de consommation d’énergie finale de 30 % d’ici à 2030 est introduit.
Le code des transports est adapté à la révision en 2024 du règlement (UE) n° 2017/1926 relatif à la mise à disposition d’informations sur les déplacements multimodaux. Il doit notamment permettre aux passagers de trouver plus facilement des informations en temps réel sur différents modes de transport et d’accéder à des mises à jour au cours de leur voyage, par exemple en ce qui concerne les retards et les annulations.
« Carte bleue européenne »
Dans le domaine de la santé, il est prévu la reconnaissance des qualifications professionnelles des infirmiers responsables de soins généraux formés en Roumanie. Ces diplômés bénéficieront de la reconnaissance automatique de leur diplôme après le suivi d’un programme spécial de mise à niveau.
Enfin, en matière de circulation des personnes, les nouvelles dispositions européennes sur la carte de séjour pluriannuelle « talent » portant la mention « carte bleue européenne » et la carte « talent (famille) » délivrée à la famille des travailleurs hautement qualifiés sont transposées. Le texte étend également les conditions d’accès à la carte de résident longue durée « UE » aux titulaires d’une carte bleue européenne ayant effectué une mobilité en Europe.
Relancer l’action de groupe
L’Union européenne a élargi et sécurisé ce moyen juridique, notamment en prévenant les conflits d’intérêts, en créant un dispositif d’information des justiciables et en permettant une action collective transfrontière. La transposition de ce régime unifié devrait permettre de relancer l’action de groupe, introduite en droit français en 2014 par la loi relative à la consommation, dite « loi Hamon », qui n’a pas connu un grand succès, puisque trente-cinq actions collectives seulement ont été intentées en France.
Projet de loi DDADUE, avr. 2025
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