Les Jeux olympiques finissent de banaliser les outils de l’état d’urgence

Deux députés ont fait le bilan sécuritaire des Jeux olympiques. Contrairement aux craintes, la délinquance a fortement reculé. Il y a toutefois eu une importante mobilisation des pouvoirs publics, tant du nombre de fonctionnaires engagés que des outils exceptionnels issus de l’état d’urgence.

La question sécuritaire des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) a été une préoccupation lourde des pouvoirs publiques depuis plusieurs années : renforcement des effectifs, textes législatifs dédiés, nouvelles technologies autorisées. Au final, les jeux « se sont déroulés sans qu’aucun évènement majeur ne vienne les perturber ». C’est ce que concluent un rapport des députés Éric Martineau (MoDem) et Stéphane Peu (PCF).

Une facture d’1,37 milliard 

Si des projets d’attentat ont été déjoués et des lignes ferroviaires ont été sabotées, cela s’est fait avant les Jeux. Le préfet de police a noté avec satisfaction que, pendant la période olympique, « les atteintes aux biens ont baissé de 15 % et les violences physiques crapuleuses de près de 35 % ».

Parmi les rares indicateurs en hausse : les infractions à la législation sur les stupéfiants (+ 228 %) et les violences sur les personnes dépositaires de l’autorité publique (+ 115 %), deux hausses liées à la forte présence policière. VIGINUM a également recensé quarante-trois manœuvres informationnelles liées aux Jeux.

Le rapport indique que 622 gardes à vue ont été réalisées pendant les JOP. Près de 60 % sont liées à des faits de troubles à l’ordre public et 29 % à des infractions économiques et financières. 365 personnes mises en cause ont fait l’objet d’une réponse pénale et 185 condamnations ont finalement été prononcées.

C’est le produit d’une forte mobilisation. Chaque jour, près de 30 000 policiers et gendarmes étaient présents, un chiffre qui a grimpé à 45 000 pour la cérémonie d’ouverture. Près de 18 000 militaires ont également été mobilisés. Tout cela a un coût : entre la mobilisation des personnels, l’équipement et les primes exceptionnelles, les rapporteurs évaluent le coût à 1,37 milliard d’euros pour le ministère de l’Intérieur et de la défense.

La banalisation des outils administratifs spéciaux

La forte mobilisation des forces de l’ordre s’est accompagnée d’un usage accru des dispositifs exceptionnels. D’abord un nombre important de personnes ont fait l’objet d’enquêtes : l’an dernier, le Service national des enquêtes administratives de sécurité a réalisé 2,5 millions d’enquêtes administratives, dont plus de 1,1 million liées aux JOP. Outre les travailleurs et les prestataires, ont été criblés 136 000 visiteurs, 125 000 participants, 106 000 bénévoles ou 80 000 riverains. Cela a abouti à 6 772 avis d’incompatibilité (soit 0,57 % des enquêtes), autant de personnes qui ont dû renoncer à un emploi ou une venue. Ces incompatibilités étaient souvent liées à des faits judiciaires (57 %) ou d’éléments issus du renseignement (35 %).

Mais d’autres outils ont été massivement utilisés. Le rapport note que « les autorités administratives ont fait un usage sans précédent des mesures d’entrave à leur disposition ». Ainsi la loi SILT en 2017 avait intégré dans le droit commun les perquisitions administratives. Entre 2017 et fin 2023, 774 visites domiciliaires avaient été sollicitées par les préfets. Pour la seule période des JOP, on en compte 683 ! Sur 683 sollicitations, 626 ont été autorisées par les magistrats. Le rapport n’indique pas d’éléments sur l’intérêt des perquisitions ainsi effectuées.

Même choses pour les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS). Alors qu’il y avait eu 757 MICAS notifiées entre 2017 et 2023, le chiffre est passé à 547 MICAS pour la période des Jeux. Les services de renseignement voulaient même initialement aller au-delà, puis 698 mesures avaient initialement été sollicitées. 178 des 547 personnes sous MICAS les ont contestées. Le taux de suspension ou d’annulation (29 %) est à un niveau « nettement supérieur à celui habituellement constaté ».

Selon le rapport, les MICAS, qui se concentrent notamment sur les sortants de prison, ont concerné un champ de personnes plus étendu que d’ordinaire, avec par ailleurs des mesures plus contraignantes qu’à l’habitude. Au-delà de l’atteinte réputationnelle, elles peuvent être lourdes pour les personnes concernées. La violation d’une MICAS peut également entraîner une condamnation pénale. Le ministère de la Justice a comptabilisé 102 condamnations en 2024, dont la moitié portaient sur des faits commis pendant les Jeux.

La MICAS et la visite domiciliaire ont été banalisées par les Jeux. Les députés ne recommandent aucun retour en arrière. Ils proposent de rajouter deux nouvelles mesures à notre arsenal administratif : une interdiction de paraître distincte du dispositif MICAS qui serait applicable aux grands événements. Et une « injonction de diagnostic à l’encontre d’individus radicalisés dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils sont atteints de troubles du comportement ». Une mesure soufflée par le ministère de l’Intérieur.

Enfin, les députés ont fait le bilan de l’expérimentation de la vidéo surveillance algorithmique (VSA). Cette expérimentation restant inaboutie, elle a déjà été prolongée.

 

Rapport d’information sur le bilan des Jeux olympiques et paralympiques dans le domaine de la sécurité, 19 mars 2025

© Lefebvre Dalloz