Les points de vigilance de la rentrée

Quels sont les sujets législatifs, jurisprudentiels, contentieux de ces derniers mois que les DRH devront avoir en tête au moment de la rentrée ? C'est ce que nous avons demandé à plusieurs avocats. Premier volet avec Anne Leleu-Eté avocate associée au sein d'Axel Avocats. Au menu, les lanceurs d'alerte, le passeport prévention et les nouvelles règles applicables aux élections professionnelles.

Point de vigilance n° 1 : la réglementation sur les lanceurs d'alerte 

"La loi du 21 mars 2022 améliore la protection des lanceurs d’alerte à compter du 1er septembre 2022. Les entreprises doivent se tenir prêtes même si l'on attend toujours les décrets d'application.

Les décrets que nous attendons doivent préciser les garanties d'indépendance et d'impartialité de la procédure de signalement, les modalités de collecte et de conservation des données notamment pour les groupes qui envisageraient de mettre en place une procédure commune entre des entités juridiques distinctes, les modalités de clôture du signalement et les délais de retour d'information auprès des auteurs de l'alerte. Ce retard dans la publication des décrets est gênant pour les groupes qui souhaitent mettre en place une politique d'alerte commune à plusieurs ou à l'ensemble des sociétés qui le composent puisque cette nouveauté correspond à un besoin réel en pratique. 

Les entreprises doivent dès à présent mettre en conformité leur règlement intérieur avec la loi du 21 mars 2022 qui prévoit, à l'article L.1321-2 du code du travail modifié, une obligation d'informer les salariés sur l’existence du dispositif de protection des lanceurs d'alerte. Elles peuvent également commencer à modifier leur charte ou accord sur les procédures d'alerte en prenant en compte les éléments de la loi qui sont déjà clairs dans la loi (par exemple le choix du canal de signalement interne - supérieur hiérarchique - ou externe - les autorités désignées par les textes, ou encore les cas dans lesquels l'alerte peut directement être rendue publique, qui ont été étendus avec la loi). Quant aux entreprises de 50 salariés et plus qui n'ont pas encore mis en place un tel dispositif, elles doivent élaborer une procédure interne de recueil et de traitement des signalements. 

Les entreprises doivent être vigilantes car les contentieux sur ces questions risquent de se développer ; les salariés savent de plus en plus qu'ils peuvent être protégés en tant que lanceur d'alerte".

 

Point de vigilance n° 2 : le passeport prévention 

"Le passeport prévention doit être mis en place au 1er octobre 2022, en application de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. Toutefois, là encore, nous attendons le décret d'application qui en précisera le contenu, le formalisme applicable, les personnes susceptibles de l'ouvrir.

En juillet dernier, les partenaires sociaux ont formulé des propositions relatives aux modalités de mise en oeuvre et de mise à disposition du passeport prévention (document en pièce jointe) en donnant plus de visibilité sur le calendrier de mise en oeuvre (ouverture effective en avril 2023) et les droits  et obligations des employeurs notamment en matière de contrôle de l'activité des employeurs grâce au passeport, d'ajout de « prérequis » à l'embauche, etc. Ils recommandent d'y insérer prioritairement les formations liées à la santé et à la sécurité, mises en place en interne ou en externe, obligatoires et transférables auprès d'autres employeurs.

Les DRH sont en attente de ce décret afin de pouvoir avancer sur le sujet".

 

Point de vigilance n° 3 : les règles applicables aux élections professionnelles

"L'avant-projet de loi sur les premières mesures d’urgence visant à conforter et à améliorer le fonctionnement du marché du travail a été diffusé le 26 août 2022 et revient sur la définition de l'électeur en matière d'élections professionnelles à la suite de la censure de l'article L.2314-18 du code du travail par le Conseil constitutionnel dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité. Dans une décision du 19 novembre 2021, le Conseil constitutionnel avait en effet estimé que priver les salariés qui détiennent une délégation de pouvoir, ou sont dotés d’un pouvoir de représentation de l’employeur, de tout droit de vote à l’élection du CSE était contraire à la Constitution. Le Conseil avait ainsi censuré la position de la Cour de cassation, tout en reportant les effets de sa décision au 31 octobre 2022 afin d'éviter de créer une situation d'insécurité juridique pour les processus électoraux alors en cours. 

Le nouvel article L.2314-18 du code du travail inséré dans l'avant-projet de loi, dont l'entrée en vigeur est prévue au 1er novembre 2022, se contente malheureusement de dire que "sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques", tout en soulignant que "les règles applicables à l’électorat sont distinctes de celles applicables à l’éligibilité". 

Cette précision, qui est la seule nouveauté, ne nous éclaire pas vraiment sur l'appréciation qu'il convient d'avoir de la situation des salariés concernés par la censure du Conseil constitutionnel. Cette nouvelle définition ne nous dit toujours pas ce que les entreprises doivent faire pour les prochaines élections du CSE.

Espérons que les débats qui ont suivre et qui devraient débuter en octobre permettront d'avoir plus de précisions rapidement. En attendant, la prudence est de mise et les employeurs peuvent avoir intérêt à ne pas trop restreindre les listes d'électeurs"

 

Florence Mehrez

© Lefebvre Dalloz