Les rapports conflictuels du sursis à exécution et des mesures conservatoires
Le premier président de la cour d'appel peut ordonner le sursis à l'exécution de toutes les décisions du juge de l'exécution, à l'exception de celles qui, dans les rapports entre créanciers et débiteurs, statuent sur les demandes dépourvues d'effet suspensif, à moins qu'elles n'ordonnent la mainlevée d'une mesure. L'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution ne distingue pas selon que la mesure a été pratiquée avec ou sans autorisation préalable du juge. Il s'ensuit qu'en cas d'appel du jugement ayant ordonné la mainlevée d'une mesure conservatoire autorisée sur requête, le créancier peut saisir le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à exécution, cette demande prorogeant, conformément aux dispositions de l'article R. 121-22, alinéa 2, précité, les effets attachés à la mesure. La demande de sursis à exécution, qui proroge les effets de la mesure conservatoire, suspend également la condamnation du créancier au paiement de dommages-intérêts pour abus de saisie ainsi que la condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles, qui s'y rattachent par un lien de dépendance.
 
                            La décision du juge de l’exécution qui rétracte une ordonnance autorisant une personne à pratiquer une mesure conservatoire peut-elle faire l’objet d’un sursis à exécution ? Telle était la question soumise, une nouvelle fois, à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.
Nul n’ignore que, lorsqu’est suivie la procédure ordinaire devant le juge de l’exécution, « le délai d’appel et l’appel lui-même n’ont pas d’effet suspensif » (C. pr. exéc., art. R. 121-21). Mais le créancier peut toujours, après avoir interjeté appel, solliciter du premier président de la cour d’appel qu’il sursoie à l’exécution de la décision prise par le juge de l’exécution (C. pr. exéc., art. R. 121-22). Le domaine du sursis à exécution a été conçu largement : l’application stricte du texte, qui vise toutes les « décisions prises par le juge de l’exécution », devrait conduire à n’en exclure aucune. La Cour de cassation a su toutefois cantonner le jeu de ce mécanisme dans de justes limites en excluant les décisions du juge qui statuent sur des demandes dépourvues d’effet suspensif, à moins qu’elles ordonnent la mainlevée de la mesure (Civ. 2e, 19 nov. 2020, n° 19-17.931 P, Dalloz actualité, 18 déc. 2020, obs. G. Payan ; Rev. prat. rec. 2021. 11, chron. M. Draillard, A. Provansal et O. Salati  ; 25 mars 1999, n° 97-15.645 P, D. 1999. 112
 ; 25 mars 1999, n° 97-15.645 P, D. 1999. 112  ; RTD civ. 1999. 470, obs. R. Perrot
 ; RTD civ. 1999. 470, obs. R. Perrot  ; 18 déc. 1996, n° 95-12.602 P, D. 1997. 39
 ; 18 déc. 1996, n° 95-12.602 P, D. 1997. 39  ; RTD civ. 1997. 749, obs. R. Perrot
 ; RTD civ. 1997. 749, obs. R. Perrot  ). Les effets attachés à la demande sur laquelle statue le juge de l’exécution ont ainsi conduit à exclure certaines décisions du domaine de celles pouvant faire l’objet d’un sursis à exécution. Une autre difficulté, qui n’appelle aucune réponse évidente, concerne les décisions du juge de l’exécution qui rétractent des ordonnances autorisant une personne à pratiquer une mesure conservatoire.
). Les effets attachés à la demande sur laquelle statue le juge de l’exécution ont ainsi conduit à exclure certaines décisions du domaine de celles pouvant faire l’objet d’un sursis à exécution. Une autre difficulté, qui n’appelle aucune réponse évidente, concerne les décisions du juge de l’exécution qui rétractent des ordonnances autorisant une personne à pratiquer une mesure conservatoire.
L’affaire ayant conduit à son prononcé était plutôt originale. Une société chargée de l’aménagement, du maintien et de l’exploitation de plateformes aéroportuaires avait obtenu d’un juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une saisie, à titre conservatoire, d’un aéronef afin de garantir le paiement d’une créance qu’elle détenait à l’encontre d’une compagnie aérienne, ce qui est permis par l’article L. 6123-2 du code des transports. Le 18 octobre 2018, après que la saisie conservatoire avait été opérée, le juge de l’exécution, saisi par une autre société, en qualité de bénéficiaire d’un trust, a ordonné sous astreinte la mainlevée immédiate de la mesure et a condamné la société saisissante au paiement d’une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie. Le même jour, la société saisissante a interjeté appel du jugement rendu par le juge de l’exécution et a saisi le premier président d’une demande de sursis à exécution. La cour d’appel a finalement confirmé le jugement rendu et le premier président, qui n’avait vraisemblablement pas eu le temps de statuer sur la demande de sursis, a en conséquence constaté son dessaisissement. Mais, dès qu’il a été prononcé, le jugement rétractant l’autorisation de pratiquer des mesures conservatoires a été mis à exécution et la liquidation de l’astreinte a ultérieurement été sollicitée. La cour d’appel, parallèlement saisie, déniant tout effet à la demande de sursis à exécution, a rejeté les contestations des différentes saisies qui avaient été pratiquées et, constatant que la société n’avait été confrontée à aucune difficulté pour exécuter l’ordonnance de mainlevée, a liquidé l’astreinte pour une période courant depuis la notification du jugement. Son arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Le premier moyen tentait de tirer parti des originalités de la procédure de saisie conservatoire des aéronefs. Chacun sait que « l’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère » (C. pr. exéc., art. L. 131-4) et, naturellement, l’inexécution ou le retard dans l’exécution peut trouver sa source dans le comportement d’un tiers ou, même, du créancier (Civ. 2e, 11 févr. 2021, n° 19-23.240 P, Dalloz actualité, 8 mars 2021, obs. G. Payan ; Rev. prat. rec. 2021. 33, chron. D. Gantschnig  ; RTD civ. 2021. 469, obs. P. Théry
 ; RTD civ. 2021. 469, obs. P. Théry  ). La société ayant pratiqué la saisie conservatoire tentait de tirer parti de ce texte pour échapper au paiement de l’astreinte en soulignant notamment qu’il résulte de l’article L. 6123-2 du code des transports que « l’ordonnance du juge de l’exécution est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne de l’aérodrome aux fins d’immobilisation de l’aéronef » : en somme, selon la société demanderesse, ce n’est pas elle qui pouvait exécuter l’ordonnance de mainlevée, mais les autorités responsables désignées par le texte. La Cour de cassation a toutefois rejeté ce moyen en s’appuyant sur les constatations des juges du fond. Elle a en effet relevé que la société avait pratiqué la saisie conservatoire en recourant aux services d’un commissaire de justice et qu’il en était de même de la mainlevée : le commissaire avait procédé au bris des scellés et au retrait des placards, l’ordonnance étant, le même jour, notifiée à la direction générale de l’aviation civile. S’il est vrai que la direction de l’aviation civile, en qualité de tiers, avait le pouvoir de mettre un terme à l’immobilisation, il n’apparaissait pas que cet établissement ait, par son action ou par son inaction, empêché l’exécution de l’ordonnance de mainlevée, ce que les juges du fond avaient souverainement apprécié.
). La société ayant pratiqué la saisie conservatoire tentait de tirer parti de ce texte pour échapper au paiement de l’astreinte en soulignant notamment qu’il résulte de l’article L. 6123-2 du code des transports que « l’ordonnance du juge de l’exécution est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne de l’aérodrome aux fins d’immobilisation de l’aéronef » : en somme, selon la société demanderesse, ce n’est pas elle qui pouvait exécuter l’ordonnance de mainlevée, mais les autorités responsables désignées par le texte. La Cour de cassation a toutefois rejeté ce moyen en s’appuyant sur les constatations des juges du fond. Elle a en effet relevé que la société avait pratiqué la saisie conservatoire en recourant aux services d’un commissaire de justice et qu’il en était de même de la mainlevée : le commissaire avait procédé au bris des scellés et au retrait des placards, l’ordonnance étant, le même jour, notifiée à la direction générale de l’aviation civile. S’il est vrai que la direction de l’aviation civile, en qualité de tiers, avait le pouvoir de mettre un terme à l’immobilisation, il n’apparaissait pas que cet établissement ait, par son action ou par son inaction, empêché l’exécution de l’ordonnance de mainlevée, ce que les juges du fond avaient souverainement apprécié.
En revanche, la Cour de cassation a jugé, par les motifs ci-dessus reproduits, que la demande de sursis à exécution de l’ordonnance de rétractation avait prorogé les effets attachés à l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire et en a déduit que l’astreinte n’avait pu commencer à courir qu’à compter du jour où l’arrêt rendu par la cour d’appel était devenu exécutoire. L’arrêt a en conséquence été censuré en ce qu’il avait rejeté les différentes contestations des mesures d’exécution forcée et liquidé l’astreinte pour une période au cours de laquelle la demande de sursis à exécution avait produit ses effets.
Ces derniers motifs méritent quelques explications.
La possibilité du sursis à exécution
Il est ainsi estimé que le premier président de la cour d’appel peut surseoir à l’exécution des décisions du juge de l’exécution dont l’objet est de rétracter l’autorisation donnée à une partie de pratiquer une mesure conservatoire.
Il faut commencer par souligner que si l’appel des décisions rendues par le juge de l’exécution n’emporte aucun effet suspensif d’exécution, le premier président ne saurait être saisi afin d’en arrêter l’exécution provisoire en application de l’article 514-3 du code de procédure civile : l’arrêt de l’exécution provisoire suppose que la loi ou le juge ait décidé qu’une décision, par dérogation au principe de l’effet suspensif de l’appel, soit exécutoire par provision. Si l’appel est dépourvu de tout effet suspensif, tout mécanisme d’arrêt de l’exécution provisoire se trouve privé d’objet et les dispositions de l’article 514-3 sont inapplicables (Civ. 2e, 20 juin 1996, n° 93-19.320 P, D. 1996. 183  ; RTD civ. 1996. 989, obs. R. Perrot
 ; RTD civ. 1996. 989, obs. R. Perrot  ). Cela revient à poser en principe que si l’appel des décisions rendues par le juge de l’exécution statuant sur une demande de rétractation d’une autorisation de pratiquer une mesure conservatoire est dépourvu d’effet suspensif, la seule voie de droit qui reste envisageable est celle du sursis à exécution.
). Cela revient à poser en principe que si l’appel des décisions rendues par le juge de l’exécution statuant sur une demande de rétractation d’une autorisation de pratiquer une mesure conservatoire est dépourvu d’effet suspensif, la seule voie de droit qui reste envisageable est celle du sursis à exécution.
L’application littérale et, pour ainsi dire, mécanique des textes devrait conduire à englober les décisions du juge de l’exécution statuant sur une demande de rétractation d’une autorisation de pratiquer une mesure conservatoire parmi celles qui peuvent faire l’objet d’un sursis à exécution.
Il est vrai que le régime du sursis à exécution est organisé dans un paragraphe consacré à la procédure ordinaire se déroulant devant le juge de l’exécution, tandis que celui des ordonnances sur requête est précisé dans le paragraphe suivant. Mais cela ne doit pas conduire à avancer que les décisions du juge de l’exécution statuant sur les demandes de rétractation des ordonnances autorisant la pratique des mesures conservatoires devraient être exclues du champ du sursis à exécution. Déjà, si, l’ordonnance sur requête qui autorise un justiciable à pratiquer une mesure conservatoire est sans doute insusceptible de tout sursis à exécution (Civ. 2e, 8 juill. 2004, n° 02-14.573 P), la procédure qui tend à la rétractation de l’ordonnance sur requête et la décision qui en est issue ne peuvent être soumis qu’aux règles de la procédure ordinaire se déroulant devant le juge de l’exécution (J.-Cl. voies d’exécution, fasc. 260, v° Juge de l’exécution. Procédures sur requête. Procédures spéciales, par X. Vuitton, n° 25 ; comp. C. Brenner, P. Crocq et J. Blanchet (dir.), Lamy droit de l’exécution forcée, v° Mesures conservatoires. Régime général, par C. Lefort, act. G. Ploux, n° 255-40), même si « la décision de rétractation d’une ordonnance sur requête n’a pas autorité de chose jugée au principal » (C. pr. exéc., art. R. 121-23) : il n’est en effet pas prévu que le juge de l’exécution statue en référé (C. pr. exéc., art. R. 121-5), si bien que la demande de rétractation ne peut être instruite et jugée que selon la procédure ordinaire (v. en ce sens F. Vinckel, obs. ss. Civ. 2e, 11 avr. 2013, n° 12-18.255 P, Dr. et pr. 2013. 142). Surtout, le sursis à exécution n’a jamais été conçu comme un outil dont la mise en œuvre devait être réservée aux décisions revêtues de l’autorité de la chose jugée au principal ou à certaines décisions rendues par le juge de l’exécution. L’article L. 311-12-1 du code de l’organisation judiciaire, issu de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, prévoyait ainsi que le juge de l’exécution autorisait les mesures conservatoires et, sans opérer une quelconque distinction, que l’appel exercé à l’encontre de ses décisions était dépourvu d’effet suspensif, même si le premier président de la cour d’appel pouvait être saisi afin de surseoir à l’exécution de la décision du juge. Si ces précisions législatives, relatives à l’absence d’effet suspensif de l’appel et au sursis à exécution, ont été gommées par l’ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 portant refonte du code de l’organisation judiciaire et modifiant le code de commerce, le code rural et le code de procédure pénale, cela traduit simplement un simple déclassement de certaines dispositions législatives alors que, pour l’essentiel, l’ordonnance procédait « à une nouvelle codification à droit constant » (Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 portant refonte du code de l’organisation judiciaire et modifiant le code de commerce, le code rural et le code de procédure pénale (partie législative), JOÂÂÂÂ 9 juin 2006, p. 12 s.). L’article R. 121-22 du code des procédures civiles d’exécution indique d’ailleurs que la demande de sursis à exécution « proroge les effets attachés […] aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure » : ce serait en restreindre singulièrement la portée que d’en cantonner l’application au cas où une mesure conservatoire est pratiquée sans autorisation préalable du juge.
Malgré tous ces arguments, la ligne jurisprudentielle de la Cour de cassation manquait de netteté : s’il avait pu être suggéré, dans un arrêt, que la décision du juge de l’exécution rétractant l’autorisation délivrée sur requête pouvait faire l’objet d’un sursis à exécution (Civ. 2e, 7 juill. 2005, n° 03-15.469 P, D. 2005. 2040  ; AJDI 2005. 755
 ; AJDI 2005. 755  ), dans d’autres, plus nombreux, il avait été statué en sens contraire (Civ. 2e, 11 avr. 2013, n° 12-18.255 P, Dalloz actualité, 25 avr. 2013, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2014. 1466, obs. A. Leborgne
), dans d’autres, plus nombreux, il avait été statué en sens contraire (Civ. 2e, 11 avr. 2013, n° 12-18.255 P, Dalloz actualité, 25 avr. 2013, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2014. 1466, obs. A. Leborgne  ; RTD civ. 2014. 707, obs. P. Théry
 ; RTD civ. 2014. 707, obs. P. Théry  ; Dr. et pr. 2013. 142, obs. F. Vinckel, art. préc. ; 10 juill. 2008, n° 07-20.291 NP ; v. égal. Versailles, 2 oct. 2014, n° 14/00197, Gaz. Pal. 10 mars 2015, p. 12, obs. F. Guerre).
 ; Dr. et pr. 2013. 142, obs. F. Vinckel, art. préc. ; 10 juill. 2008, n° 07-20.291 NP ; v. égal. Versailles, 2 oct. 2014, n° 14/00197, Gaz. Pal. 10 mars 2015, p. 12, obs. F. Guerre).
Les causes du refus d’appliquer le sursis à exécution peuvent être découvertes dans un double facteur.
Le premier facteur découle de l’influence décisive du principe du contradictoire (v. not. P. Théry, art. préc. ; F. Vinckel, art. préc.) : surseoir à l’exécution de la décision qui rétracte l’ordonnance revient finalement à proroger les effets d’une mesure qui n’a pas été autorisée contradictoirement. Le principe du contradictoire, avec toute la force qu’il tire de sa qualité de principe directeur du procès civil (C. pr. civ., art. 14 à 17), aurait ainsi influencé l’interprétation des dispositions de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et de son décret d’application (v., sur l’influence des principes directeurs sur l’interprétation, E. Vergès, Les principes directeurs du procès judiciaire. Étude d’une catégorie juridique, S. Cimamonti [dir.], thèse, 2000, nos 325 s.). Mais pousser à fond cette logique aurait sans doute dû conduire à exclure tout sursis à exécution dans le domaine des mesures conservatoires, même lorsque le créancier la pratique sans autorisation du juge parce qu’il « se prévaut d’un titre exécutoire » (C. pr. exéc., art. L. 511-2) : il n’est pas tout à fait impossible, même si cela sera peu fréquent, que le titre exécutoire dont argue le créancier soit issu d’une procédure sur requête et il serait alors difficilement compréhensible que ce créancier soit mieux traité que celui qui sollicite une autorisation judiciaire pour pratiquer la mesure conservatoire.
Même s’il n’apparaît pas explicitement dans la décision, le second facteur qui a pu influencer la Cour de cassation réside dans une volonté d’homogénéisation du régime des ordonnances statuant sur une demande de rétractation de la décision autorisant à pratiquer une mesure conservatoire. Il faut en effet se souvenir que l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire peut être accordée par le président du tribunal de commerce « lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale » (C. pr. exéc., art. L. 511-3). Les décisions rendues par le président de la juridiction commerciale ne devraient naturellement pas pouvoir faire l’objet d’un quelconque sursis à exécution, ce qui pourrait conduire à une certaine incohérence procédurale (Montpellier, ord., 29 sept. 2021, n° 21/00177) ; tout au plus, une partie peut solliciter du premier président de la cour d’appel qu’il arrête l’exécution provisoire de la décision rétractant l’autorisation (comp. F. Vinckel, art. préc.). Jusqu’à l’entrée en vigueur du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, l’arrêt de l’exécution provisoire de droit ne pouvait cependant être ordonné par le premier président de la cour d’appel qu’« en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l’article 12 et lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives » ; c’était peu et n’incitait pas, par souci de cohérence, à ouvrir largement le sursis à exécution lorsque la mesure conservatoire était autorisée par le juge de l’exécution. Le décret du 11 décembre 2019 a modifié les choses : même si cela peut être discuté en raison de l’incohérence de certains textes (not. pour les décisions de référé visées par l’art. 514-1 C. pr. civ.), le premier président de la cour d’appel devrait désormais pouvoir être saisi afin d’arrêter l’exécution d’une décision exécutoire par provision en vertu de la loi « lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives » (C. pr. civ., art. 514-3). Voilà qui se rapproche du mécanisme du sursis à exécution et qui a pu inciter la Cour de cassation à admettre que le premier président puisse surseoir à l’exécution de la décision rétractant l’ordonnance autorisant un créancier à pratiquer une mesure conservatoire.
Finalement, l’application des règles issues de la procédure ordinaire devant le juge de l’exécution doit conduire à admettre le jeu du sursis à exécution lorsque le juge rétracte l’autorisation qu’il a délivrée pour pratiquer une mesure conservatoire et aucun obstacle dirimant n’est de nature à faire obstacle à leur application : c’est la conclusion à laquelle est parvenue la Cour de cassation au terme de son raisonnement.
Les conséquences du sursis à exécution sur l’astreinte
Il faut encore dire un mot des conséquences qui sont tirées par la Cour de cassation de la possibilité de demander au premier président qu’il soit sursis à l’exécution d’une décision rétractant l’ordonnance autorisant à pratiquer une mesure conservatoire. Dès qu’elle est formée, la demande de sursis à exécution « proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure » (C. pr. exéc., art. R. 121-22).
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, le juge de l’exécution n’avait pas simplement rétracté l’ordonnance qu’il avait délivrée pour autoriser la pratique d’une mesure conservatoire, il en avait tiré les conséquences en ordonnant sous astreinte la mainlevée de la saisie conservatoire de l’aéronef. La demande de sursis à exécution avait ainsi prorogé les effets de la mesure conservatoire jusqu’à ce que le premier président de la cour d’appel statue sur cette demande.
Même si le juge de l’exécution avait ordonné la mainlevée sous astreinte, il ne faudrait pas déduire de l’arrêt commenté qu’il pourrait désormais être sursis à l’exécution d’une décision en ce qu’elle prononce une astreinte. La Cour de cassation a, en effet, à de multiples reprises, énoncé que « le prononcé de l’astreinte ne peut donner lieu à un sursis à exécution » (Civ. 2e, 10 févr. 2011, n° 10-14.424 P, D. 2012. 1509, obs. A. Leborgne  ; 12 juin 2003, n° 01-13.670 P, D. 2003. 2051
 ; 12 juin 2003, n° 01-13.670 P, D. 2003. 2051  ; 17 oct. 2002, n° 01-02.054 P ; 14 juin 2001, n° 99-18.082 P, D. 2001. 2719, et les obs.
 ; 17 oct. 2002, n° 01-02.054 P ; 14 juin 2001, n° 99-18.082 P, D. 2001. 2719, et les obs.  , obs. P. Julien
, obs. P. Julien  ). L’arrêt commenté ne revient nullement sur cette solution.
). L’arrêt commenté ne revient nullement sur cette solution.
Mais une astreinte ne peut prendre effet qu’à compter du « jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire » (C. pr. civ., art. R. 131-1). Parce que l’ordonnance de rétractation, qui entraînait la mainlevée de la mesure conservatoire, avait fait l’objet d’une demande de sursis à exécution, l’astreinte ne pouvait pas avoir couru à compter du jour où la demande de sursis avait été formée ; elle n’avait pas même pu commencer à courir car la notification de la décision ordonnant la mainlevée était intervenue postérieurement. L’astreinte n’avait donc pu produire ses effets qu’au jour où l’arrêt de la cour d’appel rejetant le recours formé contre la décision de mainlevée était devenu exécutoire, sous réserve que les juges d’appel n’aient pas fixé un point de départ postérieur… La Cour de cassation réaffirme ainsi, une nouvelle fois, que le sursis à exécution emporte suspension des poursuites et empêche que l’astreinte coure (Civ. 2e, 11 juill. 2002, n° 00-20.262 P), et, comme c’est aujourd’hui fréquemment le cas, fait de la notification de la décision rejetant le recours le point de départ de l’astreinte…
© Lefebvre Dalloz