L’indemnité de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieure à l’indemnité conventionnelle de licenciement
Quelles sont les règles de calcul de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ? Dans un arrêt du 10 janvier 2024, la Cour de cassation offre de nombreux éléments de réponse.
 
                            IRC = ILL. – En principe, selon l’article L. 1237-13 du code du travail, « la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 ». La lettre exclut donc l’indemnité conventionnelle de licenciement. Dans le même ordre d’idées, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 3 juin 2015, que « l’article L. 1237-13 du code du travail se réfère aux seules dispositions de l’article L. 1234-9 du même code, de sorte que le calcul du minimum de l’indemnité est celui prévu par les articles R. 1234-1 et R. 1234-2 de ce code » (Soc. 3 juin 2015, n° 13-26.799 P, D. 2015. 1276  ; ibid. 1384, chron. E. Wurtz, F. Ducloz, C. Sommé, S. Mariette et N. Sabotier
 ; ibid. 1384, chron. E. Wurtz, F. Ducloz, C. Sommé, S. Mariette et N. Sabotier  ; Dr. soc. 2015. 746, obs. J. Mouly
 ; Dr. soc. 2015. 746, obs. J. Mouly  ; RDT 2015. 458, obs. G. Auzero
 ; RDT 2015. 458, obs. G. Auzero  ; Légipresse 2015. 396 et les obs.
 ; Légipresse 2015. 396 et les obs.  ; ibid. 480, comm. F. Gras
 ; ibid. 480, comm. F. Gras  ), écartant l’indemnité spéciale des journalistes prévue à l’article L. 7112-3 du code du travail. Une telle solution se justifierait par l’autonomie de la rupture conventionnelle, distincte du licenciement, comme en matière de mise à la retraite (Soc. 3 mars 2009, n° 08-41.112, inédit).
), écartant l’indemnité spéciale des journalistes prévue à l’article L. 7112-3 du code du travail. Une telle solution se justifierait par l’autonomie de la rupture conventionnelle, distincte du licenciement, comme en matière de mise à la retraite (Soc. 3 mars 2009, n° 08-41.112, inédit).
IRC = ICL. – Aux termes de l’avenant n° 4 du 18 mai 2009 à ANI sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle « doit être au moins égale à l’indemnité conventionnelle de licenciement, dès lors que cette dernière s’avère plus favorable, pour le salarié, que l’indemnité légale ». Son extension par l’arrêté du 26 novembre 2009 rend l’avenant obligatoire, à l’égard de tous les employeurs entrant dans le champ d’application de l’ANI, au titre des conventions conclues depuis le 28 novembre 2009. L’avenant ne s’applique pas aux entreprises qui ne sont pas membres d’une des organisations signataires de cet accord et dont l’activité ne relève pas du champ d’application d’une convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), de l’Union professionnelle artisanale (UPA) ou de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CGPME). Ainsi, ne sont notamment pas soumis à ces dispositions les particuliers employeurs, les employeurs des professions agricoles et des professions libérales, du secteur de l’économie sociale, du secteur sanitaire et social, et les entreprises relevant du secteur de la presse (Soc. 27 juin 2018, n° 17-15.948, RJS 10/2018, n° 592).
Si la solution est conforme au droit des accords interprofessionnels qui limite leur force obligatoire et impérativité à la représentation et la représentativité des organisations patronales signataires en cas d’arrêté d’extension (Soc. 6 avr. 2016, n° 14-12.724 P, Dalloz actualité, 3 mai 2016, obs. J. Cortot ; D. 2016. 843  ; RJS 6/2016, n° 438 ; C. trav., art. L. 2261-15), il n’est pas certain qu’elle soit conforme aux intentions des partenaires sociaux. Dans son rapport annuel de 2015, la Cour de cassation relève que le procès-verbal d’interprétation n° 1 de l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008, signé le 15 décembre 2008, précise que les « dispositions conventionnelles » visées à l’article 11 renvoient aux indemnités de licenciement prévues par la convention collective applicable ; « c’est donc bien le montant des indemnités de licenciement prévues par la convention collective auquel renvoie l’article 12 » et qui, « lorsqu’il est supérieur au montant de l’indemnité légale de licenciement, doit constituer le plancher de l’indemnité spécifique due en cas de rupture conventionnelle ». La Cour de cassation suggère « de modifier l’article L. 1237-13 du code du travail afin de prévoir que l’indemnité spécifique de rupture ne peut être inférieure à l’indemnité de licenciement prévue par un accord collectif ou des dispositions légales plus favorables », afin « de renforcer les droits des salariés parties à une convention de rupture et d’éviter de laisser perdurer une différence de régime entre les salariés selon que leur employeur est ou non lié par l’accord national interprofessionnel » (Rapport annuel, Cour de cassation 2015, Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2016, p. 69 et 70).
 ; RJS 6/2016, n° 438 ; C. trav., art. L. 2261-15), il n’est pas certain qu’elle soit conforme aux intentions des partenaires sociaux. Dans son rapport annuel de 2015, la Cour de cassation relève que le procès-verbal d’interprétation n° 1 de l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008, signé le 15 décembre 2008, précise que les « dispositions conventionnelles » visées à l’article 11 renvoient aux indemnités de licenciement prévues par la convention collective applicable ; « c’est donc bien le montant des indemnités de licenciement prévues par la convention collective auquel renvoie l’article 12 » et qui, « lorsqu’il est supérieur au montant de l’indemnité légale de licenciement, doit constituer le plancher de l’indemnité spécifique due en cas de rupture conventionnelle ». La Cour de cassation suggère « de modifier l’article L. 1237-13 du code du travail afin de prévoir que l’indemnité spécifique de rupture ne peut être inférieure à l’indemnité de licenciement prévue par un accord collectif ou des dispositions légales plus favorables », afin « de renforcer les droits des salariés parties à une convention de rupture et d’éviter de laisser perdurer une différence de régime entre les salariés selon que leur employeur est ou non lié par l’accord national interprofessionnel » (Rapport annuel, Cour de cassation 2015, Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2016, p. 69 et 70).
Questions. – En tout état de cause, en procédant à un tel renvoi, le calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle soulève des difficultés d’interprétation des stipulations conventionnelles relatives à l’indemnité de licenciement, surtout lorsque l’on songe à la prise en compte de l’ancienneté en fonction du préavis qui est exclu en matière de rupture conventionnelle. C’est à certaines de ces questions que la Cour de cassation répond dans son arrêt du 10 janvier 2024. En l’espèce, un salarié, ayant 18 ans d’ancienneté dans une entreprise soumise à la convention collective des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, signe, le 12 octobre 2017, signe une convention de rupture du contrat de travail, la rupture ayant pris effet le 19 novembre suivant. L’employeur fait grief à l’arrêt d’appel de le condamner à payer au salarié une somme à titre de complément d’indemnité de rupture conventionnelle en contestant les bases de calcul retenues.
Dans un premier temps, pour l’employeur, il fallait retenir, comme base de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement, la rémunération du mois précédant la date de la rupture fixée par la convention de rupture, et non celle du mois précédant sa signature. Etaient en cause des primes d’intéressement et de participation versées en septembre 2017. Mais, pour la Cour cassation, en application de l’avenant du 18 mai 2009 à l’ANI du 11 janvier 2008 et l’article 14-3 de la CCN, si la base de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant « le mois précédant le préavis de congédiement » et qu’« elle ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le congédiement », « la cour d’appel a exactement décidé qu’en l’absence de licenciement et d’exécution de préavis, il convenait de prendre en compte le salaire du mois précédant la signature de la convention de rupture ».
Dans un second temps, l’employeur a contesté l’interprétation de l’article 14 de l’avenant du 16 juin 1955 à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, selon lequel la base de calcul de l’indemnité de licenciement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de licenciement et, pour le calcul de cette rémunération, entrent en ligne de compte, outre les appointements de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature, y compris les primes à la productivité, les participations au chiffre d’affaires ou aux résultats, les indemnités n’ayant pas le caractère d’un remboursement de frais, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou de fait d’un complément de rémunération annuelle, à l’exclusion des gratifications exceptionnelles. Il en résulterait qu’à défaut d’autre disposition de la convention collective, celles des primes, participations au chiffre d’affaires ou aux résultats et gratifications versées au cours du mois de référence, et dont la périodicité est supérieure à un mois, ne peuvent être prises en compte que pour la part venant en rémunération de ce mois. En retenant néanmoins, comme assiette de calcul de l’indemnité conventionnelle de congédiement, la rémunération totale perçue par le salarié au cours du mois de septembre 2017 incluant, sans proratisation, les primes annuelles d’intéressement et de participation versées au cours de ce mois pour l’année écoulée, la cour d’appel a violé le texte conventionnel. La Cour de cassation fait sienne l’interprétation défendue par l’employeur en confirmant une jurisprudence acquise ; les juges du fond auraient dû proratiser les primes calculées sur l’année et versées en septembre.
Base de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement appliquée à une rupture conventionnelle
Finalité de l’indemnité de licenciement. – L’indemnité légale de licenciement constitue un droit minimal versé à tout salarié qui justifie de huit mois d’ancienneté dans l’entreprise à la date du licenciement, au lieu d’un an auparavant, et qui n’est pas licencié pour faute grave (C. trav., art. L. 1234-9). Son montant dépend d’un salaire de référence et de son ancienneté. L’indemnité de licenciement, qui trouve sa source non dans l’exécution du contrat de travail mais dans sa rupture, n’est pas la contrepartie d’un travail fourni et ne constitue pas un salaire (Soc. 22 mai 1986, n° 83-42.341 P ; 20 oct. 1988, n° 85-45.511 P). Elle a la nature de dommages-intérêts (Soc. 14 mars 1991, n° 89-10.366) en ce qu’elle répare partiellement le préjudice de la perte subie de l’emploi (qui augmente en cas d’ancienneté plus forte). Des auteurs ont aussi défendu l’opinion selon laquelle le calcul forfaitaire en fonction de l’ancienneté serait une mode récompense de la fidélité. En tout état de cause, la faute grave du salarié emporte la déchéance du droit à indemnité. Pour la Cour de cassation, l’indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont forfaitaires, serait la contrepartie du droit de résiliation unilatérale de l’employeur (Civ. 2e, 11 oct. 2007, n° 06-14.611 P, D. 2008. 582  , note J. Mouly
, note J. Mouly  ; RTD civ. 2008. 111, obs. P. Jourdain
 ; RTD civ. 2008. 111, obs. P. Jourdain  ; Soc. 27 janv. 2021, n° 18-23.535 P, Dalloz actualité, 11 févr. 2021, obs. L. de Montvalon ; D. 2021. 288
 ; Soc. 27 janv. 2021, n° 18-23.535 P, Dalloz actualité, 11 févr. 2021, obs. L. de Montvalon ; D. 2021. 288  ; ibid. 1152, obs. S. Vernac et Y. Ferkane
 ; ibid. 1152, obs. S. Vernac et Y. Ferkane  ; Dr. soc. 2021. 516, étude B. Delmas
 ; Dr. soc. 2021. 516, étude B. Delmas  ; RDT 2021. 241, obs. L. Bento de Carvalho
 ; RDT 2021. 241, obs. L. Bento de Carvalho  ). On peut être surpris de cette analyse dès lors que le droit de licencier résulte de la liberté d’entreprendre (Cons. const. 12 janv. 2002, n° 2001-455 DC, consid. 45, AJDA 2002. 1163, étude F. Reneaud
). On peut être surpris de cette analyse dès lors que le droit de licencier résulte de la liberté d’entreprendre (Cons. const. 12 janv. 2002, n° 2001-455 DC, consid. 45, AJDA 2002. 1163, étude F. Reneaud  ; D. 2003. 1129, et les obs.
 ; D. 2003. 1129, et les obs.  , obs. L. Gay
, obs. L. Gay  ; ibid. 2002. 1439, chron. B. Mathieu
 ; ibid. 2002. 1439, chron. B. Mathieu  ; Dr. soc. 2002. 244, note X. Prétot
 ; Dr. soc. 2002. 244, note X. Prétot  ; ibid. 258, note A. Lyon-Caen
 ; ibid. 258, note A. Lyon-Caen  ; RSC 2002. 673, obs. V. Bück
 ; RSC 2002. 673, obs. V. Bück  ; ibid. 674, obs. V. Bück
 ; ibid. 674, obs. V. Bück  ), de la liberté contractuelle (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, consid. 61 et 68, D. 2000. 424
), de la liberté contractuelle (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, consid. 61 et 68, D. 2000. 424  , obs. S. Garneri
, obs. S. Garneri  ; RTD civ. 2000. 109, obs. J. Mestre et B. Fages
 ; RTD civ. 2000. 109, obs. J. Mestre et B. Fages  ; ibid. 870, obs. T. Revet
 ; ibid. 870, obs. T. Revet  ) voire de la prohibition des engagements perpétuels (Civ. 8 févr. 1859, D 1859. 1. 57 ; S. 1859. 1. 102). L’indemnité de licenciement ne peut pas être la contrepartie d’une liberté fondamentale ; elle serait alors l’expression d’un droit à la stabilité de la relation contractuelle résultant du droit à l’emploi (A. Martinon, Essai sur la stabilité du contrat de travail à durée indéterminée, préf. B. Teyssié, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2005).
) voire de la prohibition des engagements perpétuels (Civ. 8 févr. 1859, D 1859. 1. 57 ; S. 1859. 1. 102). L’indemnité de licenciement ne peut pas être la contrepartie d’une liberté fondamentale ; elle serait alors l’expression d’un droit à la stabilité de la relation contractuelle résultant du droit à l’emploi (A. Martinon, Essai sur la stabilité du contrat de travail à durée indéterminée, préf. B. Teyssié, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2005).
À l’aune de ces finalités et de sa nature, la Cour de cassation juge que si le droit à l’indemnité de licenciement naît à la date où le licenciement est notifié, l’évaluation du montant de l’indemnité est faite en tenant compte de l’ancienneté à l’expiration du contrat, en prenant en compte le préavis qu’il soit ou non exécuté (Soc. 4 avr. 1991, n° 87-45.171 P ; 25 nov. 1997, n° 94-45.010 P, Dr. soc. 1998. 84, obs. J. Savatier  ; RJS 1/1998, n° 30 ; 30 mars 2005, n° 03-42.667, D. 2005. 1177
 ; RJS 1/1998, n° 30 ; 30 mars 2005, n° 03-42.667, D. 2005. 1177  ). La Cour de cassation a, ainsi, précisé que la faute grave commise au cours du préavis ne peut pas entraîner la perte du droit à l’indemnité de licenciement (Soc. 10 mai 1989 n° 87-43.808 P ; 8 juill. 1992, n° 89-40.619) ; cependant lorsque la faute grave commise au cours de l’exécution de son préavis par le salarié, qui n’en était pas dispensé, a eu pour effet d’interrompre le préavis, le juge doit prendre en compte cette interruption pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement (Soc. 11 sept. 2019, n° 18-12.606 P, D. 2019. 1767
). La Cour de cassation a, ainsi, précisé que la faute grave commise au cours du préavis ne peut pas entraîner la perte du droit à l’indemnité de licenciement (Soc. 10 mai 1989 n° 87-43.808 P ; 8 juill. 1992, n° 89-40.619) ; cependant lorsque la faute grave commise au cours de l’exécution de son préavis par le salarié, qui n’en était pas dispensé, a eu pour effet d’interrompre le préavis, le juge doit prendre en compte cette interruption pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement (Soc. 11 sept. 2019, n° 18-12.606 P, D. 2019. 1767  ; Dr. soc. 2019. 981, obs. J. Mouly
 ; Dr. soc. 2019. 981, obs. J. Mouly  ). Plus favorable, l’indemnité conventionnelle de licenciement est subordonnée aux conditions fixées par l’accord, spécialement son assiette, le montant, l’ancienneté ou autres conditions (non discriminatoires), sans se cumuler avec l’indemnité légale. La jurisprudence a étendu la règle selon laquelle le calcul de l’ancienneté se réalise à l’expiration du préavis (Soc. 30 mars 2005, préc.).
). Plus favorable, l’indemnité conventionnelle de licenciement est subordonnée aux conditions fixées par l’accord, spécialement son assiette, le montant, l’ancienneté ou autres conditions (non discriminatoires), sans se cumuler avec l’indemnité légale. La jurisprudence a étendu la règle selon laquelle le calcul de l’ancienneté se réalise à l’expiration du préavis (Soc. 30 mars 2005, préc.).
Finalité de l’indemnité de rupture conventionnelle. – L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle fait partie des règles « garantissant les droits des salariés », « conçus pour minimiser les sources de contentieux » (ANI, 11 janv. 2008, art. 12). Comme il a été exposé devant le Sénat, « les organisations syndicales ont veillé à ce que les droits des salariés soient préservés : la possibilité pour le salarié de se faire assister, l’existence d’un délai de rétractation, le contrôle opéré par l’administration, l’obligation de verser une indemnité au moins égale à l’indemnité de licenciement constituent autant de garanties. La sécurisation juridique de la rupture devrait donc bénéficier aussi au salarié, dont il n’est pas sûr qu’il ait toujours intérêt à s’engager dans des procédures judiciaires longues, coûteuses et au résultat aléatoire » (Rapp. Sénat, 30 avr. 2008, n° 306, par P. Bernard-Raymond, p. 35). On perçoit que la finalité et la nature de la somme sont différentes, l’objectif étant de récompenser la fidélité du salarié et d’éviter une forme de « fraude » au droit du licenciement lorsque l’offre de rupture émane de l’employeur afin de ne pas laisser le sentiment, pour le salarié, d’être lésé (ce qui serait source de contentieux). A l’aune de cette finalité, quelle interprétation retenir lorsqu’est opéré un renvoi à l’indemnité de licenciement (qu’elle soit légale ou conventionnelle au demeurant) ? En effet, « lorsque le contrat de travail est rompu d’un commun accord par les parties, aucun préavis n’est dû » (Soc. 30 juin 1993, n° 92-40.008 P). La loi précise seulement que la convention « fixe la date de la rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation » (C. trav., art. L. 1237-13, al. 2), ce qui implique, en application de la liberté contractuelle, qu’elle pourrait être postérieure avec la possibilité d’organiser un « délai-congé » ou « préavis » contractuel. Faut-il retenir la date fixée par la convention intervenant dans la majorité des cas le lendemain du jour de l’homologation, une date éventuellement postérieure ou la signature de la convention qui précède de quinze jours de délai de rétractation et d’au maximum un autre délai de quinze jours d’homologation (tacite ou expresse) ? La date d’homologation pourrait être retenue dès lors que « la créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigible qu’à la date fixée de la rupture, naît de l’homologation de la convention » (Soc. 11 mai 2002, n° 20-21.103 P, Dalloz actualité, 21 juin 2022, obs. E. Clément ; D. 2022. 998  ; RJS 7/2022, n° 366 ; JCP S 2022. 1238, note R. Pietri).
 ; RJS 7/2022, n° 366 ; JCP S 2022. 1238, note R. Pietri).
Tentant de concilier l’avenant du 18 mai 2009 à l’ANI du 11 janvier 2008 et l’article 14-3 de l’avenant n° 3 du 16 juin 1955 à la CCN des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, relatif aux ingénieurs et cadres, prévoyant que la base de calcul de l’indemnité de licenciement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de congédiement et qu’elle ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le congédiement, la Cour de cassation reprend la position de la Cour d’appel en considérant qu’elle « a exactement décidé qu’en l’absence de licenciement et d’exécution de préavis, il convenait de prendre en compte le salaire du mois précédant la signature de la convention de rupture ». Il n’est pas tenu compte de l’expiration du contrat, mais de la signature de la convention. Il en résulte que les parties ne peuvent pas modifier la date d’appréciation du calcul du montant de l’indemnité de rupture conventionnelle, sauf à démontrer que ce choix est plus favorable au salarié. Faudrait-il en déduire que l’ancienneté du salarié, en cas de rupture conventionnelle, devrait être fixée au jour de la signature du contrat et non à la date fixée par la convention ? La solution pourrait être justifiée par le fait que le principe de la rupture est acquis entre les parties à cette date, la somme versée ne récompensant que sa fidélité (qui n’est plus de mise au jour de la signature), et non la perte subie de l’emploi.
Proratisation des primes annuelles d’intéressement et de participation dans l’assiette de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement
Confirmation jurisprudentielle. – L’arrêt du 10 janvier 2024 reprend une double confirmation jurisprudentielle, l’une expresse, l’autre implicite.
D’abord, pour l’application de la même stipulation conventionnelle en cause, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 18 juin 2002, que « la rémunération à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de congédiement s’entend du salaire de base du dernier mois précédant le préavis, augmenté des gratifications, celles dont la périodicité est supérieure à un mois, n’étant prises en compte que pour la part venant en rémunération dudit mois » ; la cour d’appel avait donc décidé « à bon droit que les primes annuelles de vacances et de treizième mois devaient être incluses prorata temporis dans le salaire de référence » (Soc. 18 juin 2002, n° 00-43.501, RJS 11/2002, n° 1226 ; 21 déc. 2006, n° 05-42.113, pour une prime d’objectif annuel). Le principe a été énoncé dans un arrêt du 10 octobre 1995 ayant reçu les honneurs d’une publication (Soc. 10 oct. 1995 n° 91-45.093 P, RJS 11/19595, n° 1126) : « En vertu de l’article 14 de la convention collective de la Fédération nationale des coopératives de consommation, le traitement pris en considération pour le calcul de l’indemnité de congédiement est le traitement effectif du dernier mois. Il en résulte que le salaire de référence à prendre en compte s’entend du salaire de base du dernier mois de travail augmenté des gratifications ayant le caractère d’un complément de salaire versées le même mois. Toutefois, à défaut d’autre disposition de la convention collective, celles des gratifications versées au cours de ce mois, dont la périodicité est supérieure à un mois ne peuvent être prises en compte que pour la part venant en rémunération dudit mois » (v. pour la CCN de l’industrie pharmaceutique, Soc. 1er déc. 2021, n° 19-25.898 ; 9 oct. 2019, n° 16-21.223 ; 12 mars 2014, n° 12-22.762, avec cinq arrêts du même jour). Cette solution est conforme à celle adoptée par la majorité des conventions collectives et spécialement par les dispositions de l’article 5 de l’ANI du 10 décembre 1977 sur la mensualisation annexé à la loi du 19 janvier 1978, selon lesquelles le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité « est le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l’intéressé, le tiers des trois derniers mois » ; toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, ne pourrait être prise en compte que prorata temporis. Deux circulaires ministérielles (Circ. TE n° 36-67 du 1er sept. 1967, BOMT n° 36-67. – Circ. TE n° 18-68 du 21 mars 1968, BOMT n° 13-68) prévoyaient du reste que, si une gratification devait être retenue pour établir la moyenne des salaires des derniers mois, il conviendrait d’ajouter au salaire afférent à chacun de ces mois, non pas, le cas échéant, la gratification ou la fraction de gratification qui aurait pu être versée aux intéressés pendant l’un de ces mois mais, dans tous les cas, 1/12e du montant de la gratification annuelle.
Ensuite, autre confirmation, si, en principe, les primes de participation ou d’intéressement n’entrent pas dans l’assiette de calcul de l’indemnité de licenciement (Soc. 12 juill. 2007, n° 06-41.777), un accord collectif peut prévoir une stipulation plus favorable (Soc. 26 juin 2013, n° 12-15.817 P, RJS 10/2013, n° 672). Dans un arrêt récent du 29 novembre 2023, la Cour de cassation a jugé ainsi qu’en visant « les primes de toute nature, y compris les primes à la productivité, les participations au chiffre d’affaires ou aux résultats », l’article 14.3 de l’avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres, le texte conventionnel inclut « les primes perçues au titre de l’intéressement, de l’abondement et de la participation constituaient non seulement des primes de toute nature mais également des participations au chiffre d’affaires ou aux résultats de la société » (Soc. 29 nov. 2023, n° 22-18.555 B, Dalloz actualité, 12 déc. 2023, obs. Y. Pagnerre).
Soc. 10 janv. 2024, FS-B, n° 22-19.165
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