L’intangibilité du mandat du commissaire aux comptes
Il résulte de la combinaison de l’article L. 823-3 du code de commerce et de l’article 20, II, de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 que les dispositions de l’article L. 227-9-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de cette loi, modifiant les conditions légales de désignation des commissaires aux comptes dans les sociétés par actions simplifiées, ne s’appliquent pas aux mandats en cours au 27 mai 2019, date d’entrée en vigueur du décret n° 2019-514 du 24 mai 2019 fixant les seuils de désignation des commissaires aux comptes, peu important que, postérieurement à cette date, le commissaire aux comptes initialement désigné ainsi que, le cas échéant, son suppléant, aient démissionné dès lors que cette démission ne met pas fin au mandat et qu’il doit, en conséquence, être procédé à leur remplacement pour la durée du mandat restant à courir
1. Les commissaires aux comptes se trouvent, à l’égard de la société dont ils assurent la certification légale des comptes, dans une position très originale. Ils sont à la fois organe de la société, chargés d’une mission d’intérêt général, et prestataire de services, exerçant une profession libérale. Aussi, pour assurer l’effectivité de cette mission, une partie substantielle des règles applicables à ces professionnels s’attache à garantir l’indépendance en même temps que la permanence de leur mission.
L’exigence d’indépendance suppose, en particulier, de garantir la stabilité de leurs fonctions. Ce pourquoi, en principe, un commissaire aux comptes est nommé pour une durée de six exercices, qu’il s’agisse de sa mission de certification des comptes ou de celle de certification des informations en matière de durabilité (C. com., art. L. 821-44, al. 1er). Quant à l’impératif de permanence, il se traduit, entre autres, par l’obligation de nommer un suppléant lorsque le commissaire aux comptes désigné est une personne physique ou une société unipersonnelle.
2. Le législateur n’a pas spécialement encadré l’hypothèse où un commissaire aux comptes viendrait à démissionner de son mandat. Certes, il n’ignore pas cette éventualité puisque trois dispositions au moins du code de commerce envisagent cette éventualité, pour l’essentiel afin d’assurer la permanence de la mission de certification légale (C. com., art. L. 821-40, I, al. 3, désignation d’un suppléant appelé à poursuivre la mission en cas, notamment, de démission du commissaire titulaire ; art. L. 821-44, al. 3, obligation incombant au commissaire aux comptes démissionnaire, notamment, de permettre au professionnel qui lui succède « d’accéder à toutes les informations et à tous les documents pertinents concernant la personne ou l’entité »). Mais il est revenu principalement à la jurisprudence la tâche de déterminer les conséquences de la démission.
L’arrêt rendu le 10 mai dernier apparaît alors d’autant plus précieux, que les contentieux arrivés jusque devant la Cour de cassation sont, ce qui ne doit pas surprendre, rares. Raison pour laquelle, sans doute, l’arrêt est publié au Bulletin.
3. En l’espèce, était en cause un ensemble de onze SAS, chacune dotée d’un commissaire aux comptes titulaire et d’un commissaire aux comptes suppléant. Au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi PACTE, c’est-à-dire à compter du 27 mai 2019, les uns et les autres démissionnent dans un touchant ensemble. Les sociétés demandent au greffier de procéder en conséquence à une inscription modificative au RCS. Rappelons ici que la nomination comme la cessation des fonctions du commissaire font l’objet d’une mention au RCS (C. com., art. R. 123-54, 2°, b), prolongée par la publication d’un avis dans un support habilité à recevoir les annonces légales (C. com., art. R. 210-3, R. 210-4, 8° et R. 210-9).
C’est le refus du greffier de procéder à la modification sollicitée qui va nourrir le contentieux. La décision de refus est en effet validée par le juge commis à la surveillance, puis par la cour d’appel ; ce qui conduit les sociétés à former un pourvoi… lequel sera rejeté.
4. La formulation du rejet conduit la Cour de cassation à affirmer ou plutôt confirmer que la démission d’un commissaire aux comptes ne peut mettre fin au mandat en cours ; puis, à en déduire que la société devait pourvoir au remplacement du démissionnaire pour la durée du mandat restant à courir.
La démission du commissaire aux comptes ne met pas fin au mandat en cours
5. Pour bien comprendre le contexte dans lequel sont intervenues les démissions en cascades des réviseurs légaux, il convient de rappeler en quelques mots le contexte normatif dans lequel l’arrêt est intervenu. On se rappelle sans doute que, avant l’entrée en vigueur de la loi PACTE, les SAS étaient astreintes à la désignation d’un (au moins) commissaire aux comptes, lorsqu’elles contrôlaient ou étaient contrôlées par une ou plusieurs sociétés (C. com., art. L. 227-9-1, al. 3, rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008) ; et ce, indépendamment de tout critère de dimension de la société. Dans l’arrêt commenté, il n’est pas dit expressément que les commissaires aux comptes des SAS concernées avaient été désignés en considération de cette disposition, mais on croit comprendre, à lire la dénomination sociale de plusieurs d’entre elles, que tel était bien le cas.
6. Ayant refondu les règles en matière de désignation obligatoire des commissaires aux comptes, la loi PACTE avait pris le soin de ménager, utilement, des dispositions transitoires pour son application dans le temps. Or, c’est précisément sur le fondement de ces dispositions, en particulier l’article 20, II, de la loi PACTE, que la Cour de cassation fonde son raisonnement. Selon cet article 20, II, dont l’interprétation ne se laisse pas aisément saisir, mais parfaitement justifié au regard des spécificités de la mission des commissaires aux comptes. Selon ce texte, la règle issue de la loi PACTE s’appliquait « à compter du premier exercice clos postérieurement à la publication du décret » n° 2019-514 du 24 mai 2019, c’est-à-dire postérieurement au 27 mai 2019 (le décret en question ayant été publié au JO du 26 mai).
Il était logique que la disposition organisant l’entrée en vigueur de la réforme fût, s’agissant des commissaires aux comptes, ainsi formulée. En effet, leur mission débute en réalité non pas tout à fait au jour de leur nomination, mais au premier jour de l’exercice au cours duquel il est nommé (C. com., art. A. 821-87, codifiant la NEP-510, « lorsque le commissaire aux comptes intervient au titre de la première année de son mandat, il vérifie que le bilan de clôture de l’exercice précédent repris pour l’ouverture du premier exercice dont il certifie les comptes, qualifié de bilan d’ouverture, ne contient pas d’anomalies significatives susceptibles d’avoir une incidence sur les comptes de l’exercice »).
7. Pour une SAS ayant un exercice comptable calé sur l’année civile, il fallait donc comprendre que la réforme entrait en vigueur dès l’exercice 2019. En pratique, si, par exemple, le mandat du commissaire aux comptes avait pris fin le 31 décembre 2018, la société pouvait se prévaloir des règles (globalement plus souples) issues de la loi PACTE et donc, potentiellement, ne plus avoir à désigner un commissaire.
8. Les SAS en cause dans l’espèce commentée avaient cru pouvoir ainsi échapper, dès l’entrée en vigueur de la loi PACTE, à l’obligation légale.
Certes, elles n’ignoraient pas que l’article 20, II, précité – appliquant un principe déjà retenu en jurisprudence – disposait : « Toutefois, les mandats de commissaires aux comptes en cours à l’entrée en vigueur du présent article se poursuivent jusqu’à leur date d’expiration dans les conditions prévues à l’article L. 823-3 [désormais art. L. 821-44] du code de commerce ».
Mais elles soutenaient que le texte n’avait pas à s’appliquer en cas de démission des commissaires aux comptes, dès lors, prétendaient-elles, que cette démission mettait nécessairement fin au mandat en cours. Ce qui devait leur permettre de s’affranchir du principe de maintien des mandats en cours. En d’autres termes, le pourvoi cherchait à faire dire à la Cour de cassation que la règle énoncée par l’article 20 était édictée dans l’intérêt exclusif des commissaires aux comptes, de sorte qu’ils pouvaient, eux, mettre un terme à leur mandat, qu’ils soient désignés en qualité de titulaire ou de suppléant et que, par voie de conséquence, leur mandat ayant pris fin, les sociétés pouvaient se prévaloir des règles en vigueur au jour de la démission. En l’occurrence, elles pouvaient bénéficier de l’allègement apporté par la loi PACTE et demander rectification des mentions correspondantes au RCS.
9. Cet argumentaire ne pouvait prospérer.
À cela, au moins deux séries de raisons.
10. En premier lieu, la fixation d’une durée légale pour le mandat des commissaires aux comptes vise, ainsi qu’on l’a indiqué plus haut, à assurer la stabilité et la permanence du contrôle. Le professionnel n’a donc pas la libre disposition de la durée de son mandat. En d’autres termes, cette durée (en principe, 6 exercices, sauf possibilité d’opter pour l’audit légal « petites entreprises » [mission ALPE] d’une durée de 3 exercices) n’a pas été pensée pour protéger seulement le professionnel désigné dans sa relation avec l’entité contrôlée, mais l’intérêt général.
Comme la loi PACTE a clairement énoncé que la règle nouvelle inscrite à l’article L. 227-9-1 du code de commerce ne s’appliquait pas aux mandats en cours au 27 mai 2019, on comprend que la Cour de cassation puisse affirmer qu’il importait peu que « postérieurement à cette date, le commissaire aux comptes initialement désigné ainsi que, le cas échéant, son suppléant, aient démissionné dès lors que cette démission ne met pas fin au mandat ».
11. La même solution avait déjà été retenue en 2012, par la même chambre commerciale, dans le contexte similaire d’une réforme du commissariat aux comptes (Com. 6 nov., 2012, n° 11-30.648 FS-P+B, Dalloz actualité, 19 nov. 2012, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2013. 170, note T. Granier
; RTD com. 2013. 88, obs. B. Dondero et P. Le Cannu
; BJS janv. 2013. 37, note P. Merle ; Dr. sociétés 2013. Comm. 7, note D. Gallois-Cochet). La loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dite « de modernisation de l’économie », avait prévu que la désignation d’un commissaire aux comptes n’était plus obligatoire dans les SAS ne dépassant pas certains seuils déterminés par les nouveaux textes. Au cas particulier, une SARL s’était transformée en SAS et les associés, ignorant sans doute que les SAS en deçà des seuils n’étaient plus tenues de désigner un commissaire aux comptes, avaient procédé à cette désignation, puis s’avisant de cette « erreur » avait suggéré aux commissaires aux comptes titulaires et suppléant de démissionner ; ce qu’ils avaient fait.
S’en était suivi un contentieux similaire à celui traité par l’arrêt commenté : la société avait tenté, en vain, d’obtenir modification de la mention au RCS relative à son commissaire aux comptes. Rejet de la formalité, conforté par la Cour de cassation ; d’où il s’infère que le principe d’intangibilité de la durée du mandat vaut sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que la nomination du réviseur légal a été réalisée en application d’une obligation impérative ou de façon optionnelle. Solution parfaitement pertinente au cas particulier, et qui rejoint cette idée, qui vaut bien au-delà du statut des commissaires aux comptes selon laquelle lorsqu’on applique facultativement un statut impératif, c’est l’intégralité du statut qui devra être respecté (par ex., administrateur représentant les salariés ; baux commerciaux).
12. De façon générale, le principe de maintien du mandat doit s’appliquer chaque fois qu’une réforme est venue modifier les conditions de désignation obligatoire d’un commissaire, notamment en modifiant à la hausse des seuils de dimension.
Tel est le cas notamment du décret n° 2024-152 du 28 février 2024, emportant rehaussement des seuils fixés par l’article D. 221-5, alinéa 1er. Le mandat d’un commissaire aux comptes auprès d’une société, autrefois astreinte à révision légale et qui en serait désormais dispensée, se poursuivra jusqu’à son terme.
13. En second lieu, s’il est peu douteux qu’un commissaire aux comptes puisse démissionner et qu’il est non moins douteux qu’une telle décision ne saurait lui être imposée par les actionnaires/associés (Nîmes, 27 mars 1973, Rev. sociétés 1974. 327, note E. du Pontavice, déclarant non écrite la clause d’une convention de cession d’actions qui prévoyait la démission du commissaire aux comptes), il est certain aujourd’hui qu’il ne peut démissionner pour convenance personnelle (v. déjà en ce sens, J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, Sociétés commerciales, t. 2, Dalloz, n° 963, 1972 ; mais contra, Nîmes, 27 mars 1973, préc.). Il lui incombe de faire état d’un « motif légitime », dont la teneur est fixée dans le code de déontologie (C. com., annexe 8-1, code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes, art. 28, qui vise la cessation définitive d’activité ; un motif personnel impérieux, notamment l’état de santé ; les difficultés rencontrées dans l’accomplissement de la mission, lorsqu’il n’est pas possible d’y remédier ; la survenance d’un événement de nature à compromettre le respect des règles applicables à la profession, et not. à porter atteinte à l’indépendance ou à l’objectivité du commissaire aux comptes).
On peut donc considérer que, au regard de ces exigences déontologiques, les commissaires aux comptes des SAS en cause, qu’ils intervinssent en qualité de titulaires ou de suppléants, ne pouvaient démissionner en invoquant une réforme législative. La solution a été retenue par une cour d’appel dans une espèce où, en application de la loi PACTE, une SAS s’était trouvée au-dessous des seuils déclenchant désormais l’obligation de désigner un commissaire aux comptes et où, là encore, le commissaire titulaire, puis le commissaire suppléant avaient démissionné. Il est jugé qu’une telle démission n’était pas conforme à la loi (Grenoble, 25 mai 2023, n° 22/04337, BJS nov. 2023. 49, note J.-F. Barbièri, reprochant notamment à la cour d’avoir omis la faculté ouverte à la SAS, par l’art. 20, II, al. 2, de la loi PACTE, de basculer à une mission ALPE dont la durée est ramenée à 3 exercices).
14. L’arrêt commenté n’aborde pas ce second aspect. Ce qui est logique puisque la question qui était discutée était celle de savoir si la société pouvait valablement exiger du greffier, puis du juge commis à la surveillance du RCS, la modification de l’inscription concernant le mandat du commissaire aux comptes. Le débat était envisagé du côté de la société, et non de celui des commissaires aux comptes.
Cela explique pourquoi les seules conséquences déduites de l’affirmation de la Cour de cassation, selon laquelle la démission d’un commissaire aux comptes ne peut mettre fin à son mandat, sont envisagées du seul point de vue de la société.
La société doit remplacer le démissionnaire pour la durée du mandat restant à courir
15. Même lorsqu’un commissaire aux comptes peut exciper d’une cause légitime pour démissionner, il incombe à la société de pourvoir à son remplacement ; et ce, pour la durée du mandat restant à courir. La solution énoncée par la Cour de cassation à propos d’un mandat classique de six exercices serait, selon toute vraisemblance, pareillement transposable à l’hypothèse d’un mandat de trois ans. Par exemple, en cas de mission ALPE, s’il arrivait que, en cours de mandat, la société dépasse les seuils autorisant de cantonner ainsi la mission la mission du commissaire, le mandat de trois exercices se poursuivra normalement jusqu’à son terme selon les modalités de la mission ALPE (en ce sens, CNCC, EJ 2019-58, 26 janv. 2024).
En principe, c’est le commissaire suppléant, lorsqu’il en existe un, qui remplace le titulaire jusqu’à l’expiration du mandat de ce dernier (C. com., art. L. 821-40, I, al. 3). Il est considéré que ce remplacement est impératif : l’assemblée générale des associés ne saurait nommer un remplaçant autre que le suppléant (C. com., annexe 8-1, art. 26, qui indique que le commissaire aux comptes suppléant est « appelé à succéder de plein droit au commissaire aux comptes titulaire » ; v. aussi, Bull. CNCC 1987, p. 104). En l’absence de suppléant, la révision légale étant assurée par une société pluripersonnelle, la mission devrait, principe de permanence oblige, être assurée par un autre professionnel membre de la société titulaire du mandat.
Lorsque, comme dans l’espèce commentée, ont démissionné et le titulaire et le suppléant (ou si la société titulaire du mandat elle-même « démissionne »), la société sera tenue de désigner un nouveau binôme dans les meilleurs délais. S’agissant d’une SAS, les modalités de nomination seront déterminées par les statuts, mais la décision relèvera nécessairement de la compétence de la collectivité des associés (C. com., art. L. 227-9, al. 2).
16. Une autre conséquence pour la société, déduite de ce que la durée du mandat est intangible nonobstant la démission des commissaires aux comptes titulaire et suppléant, conduit à valider le refus du greffier de procéder à l’inscription modificative sollicitée et, partant, à conforter la décision du juge commis à la surveillance du registre.
17. Le professeur Jean-François Barbièri a vivement reproché à une cour d’appel d’avoir retenu une solution comparable (note ss. Grenoble, 25 mai 2023, préc.), en avançant deux arguments complémentaires.
18. En premier lieu, il lui semblait contestable, au motif que la décision supposait une analyse touchant directement le fond du droit, qu’un juge commis à la surveillance du registre, ait pu ainsi « édicter une obligation de poursuivre les mandats interrompus par la double démission des auditeurs ».
Il ne nous semble toutefois pas certain que le juge ait, ici, outrepassé sa compétence.
D’abord, parce qu’il s’agissait bien de trancher une contestation, entre un assujetti à immatriculation au RCS et le greffier, relative à une formalité à accomplir (C. com., art. L. 123-6 et R. 123-139). Ce faisant, il n’avait pas tranché un débat de fond, cantonnant son intervention aux mentions inscrites sur ce registre sans l’étendre aux énonciations « des actes et pièces justificatives au vu desquelles le greffier procède aux inscriptions requises », ni trancher un litige avec un tiers (rappr., Com. 1er juin 2023, n° 21-22.446 F-B, Rev. sociétés 2024. 19, note A. Reygrobellet
; RTD com. 2023. 678, obs. A. Lecourt
).
Ensuite, parce que le greffier, sous sa responsabilité, doit s’assurer de la régularité de toute demande d’inscription ou de radiation qui lui est présentée. Il doit en particulier vérifier que les énonciations sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires et correspondent aux pièces justificatives ou actes déposés en annexe (C. com., art. R. 123-94 et R. 123-95). Or, la demande de modification du RCS dont il était saisi par les SAS, tendant à faire état de la démission des commissaires et de leur non-renouvellement, n’était ni régulière et ni conforme aux dispositions législatives et réglementaires. Observons au surplus, même s’il est vrai que le débat n’a pas été porté sur cette question, que la Cour de cassation n’a pas objecté à la compétence du juge commis à la surveillance du registre, pas plus qu’elle n’a remis en cause la décision de refus du greffier.
19. En second lieu, plus radicalement encore, sa critique pointe une méconnaissance de la fonction même de la publicité légale portée par le RCS. En refusant de procéder à la formalité modificative sollicitée par la société, le greffier et le juge commis à la surveillance iraient à l’encontre de la raison d’être de l’information légale, qui est de fournir une information actualisée aux tiers sur l’assujetti, en l’occurrence, sur la présence (et l’identité) d’un commissaire aux comptes.
20. L’objection est sérieuse, mais elle doit, à notre sens, être nuancée.
D’abord, les tiers intéressés pourront assez facilement constater, à la lecture des comptes annuels de la société – censés être publiés –, que ceux-ci sont dépourvus de toute certification, fût-ce sous forme d’un refus de certification.
Ensuite, la solution retenue est la seule qui permette de mettre en cohérence la publicité au RCS avec le principe de permanence de la mission du réviseur légal. Rappelons ici que, en application de ce principe, le commissaire démissionnaire doit rendre compte de celle-ci pour la période allant jusqu’à la date effective de sa démission (Bull. CNCC 1982, p. 194). Et s’il ne peut exciper d’une cause légitime de démission, il ne serait pas illégitime de considérer que sa démission ne peut produire effet. Quant au commissaire aux comptes suppléant appelé à succéder au commissaire aux comptes titulaire, les mêmes obligations lui incombent afin de garantir la permanence de la mission légale.
On aura compris que, pour notre part, la solution retenue par le greffier et les premiers juges, validée par le rejet du pourvoi dans l’arrêt commenté, nous semble devoir être approuvée.
Com. 10 mai 2024, F-B, n° 22-16.158
© Lefebvre Dalloz