L’obtention d’un classement en meublé de tourisme ne dispense pas son propriétaire de solliciter le changement d’usage

Une décision de classement en meublé de tourisme ne peut se substituer à l’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.

L’arrêt sous étude est une illustration de plus du conflit opposant les communes et les propriétaires dans le cadre de la mise en location de leur bien en meublé touristique (v. déjà, Civ. 3e, 7 sept. 2023, n° 22-18.101, Dalloz actualité, 25 sept. 2023, obs. A. Martineau ; D. 2023. 1589 ; ibid. 2024. 1047, obs. N. Damas ; AJDI 2024. 366 , obs. N. Damas ; 11 janv. 2024, n° 22-21.126, Dalloz actualité, 31 janv. 2024, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2024. 70 ; D. 2024. 112 ; ibid. 1047, obs. N. Damas ).

Au cas particulier, une société, gestionnaire d’un appartement à usage d’habitation et sa locataire, sont poursuivies par la ville de Bordeaux pour avoir offert cet appartement à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile sans avoir au préalable obtenu l’autorisation de changement d’usage auprès des services de l’urbanisme de la commune.

La ville demandait la condamnation de la société et de la locataire au paiement d’une amende civile et le retour de l’appartement à l’usage d’habitation, sanctions prévues à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation.

La société et la locataire se défendaient en faisant valoir qu’elles avaient obtenu un classement de l’appartement en meublé de tourisme par une décision du 19 septembre 2017 les dispensant de l’obligation d’obtenir une autorisation de changement d’usage.

Par un arrêt du 8 décembre 2022, la Cour d’appel de Bordeaux a considéré que « la décision de classement de l’appartement en meublé de tourisme emportait pour son bénéficiaire autorisation sans condition d’utiliser l’appartement litigieux à des fins de location meublée touristique » sans qu’il n’ait besoin de solliciter une autorisation de changement d’usage.

La décision de classement en meublé de tourisme

Le classement en meublé de tourisme consiste pour les propriétaires d’hébergement saisonnier à solliciter, à l’instar des établissements hôteliers, un classement de 1 à 5 étoiles selon le niveau de confort du logement.

La procédure de classement est prévue aux dispositions de l’article L. 324-1 du code de tourisme. Le classement en meublé de tourisme est facultatif et obéit à ses propres conditions, indépendantes des règles relatives au changement d’usage. Les intérêts protégés par ces procédures sont d’ailleurs, sinon antagonistes, bien différentes. Le classement en meublé de tourisme offre des garanties de respect de règles de confort et d’équipements dans un souci de protection du voyageur. Au contraire, la procédure de changement d’usage vise la protection du logement dans des zones phagocytées notamment par les locations saisonnières.

Pour autant, si la définition des meublés de tourisme contenue dans le code de tourisme rappelle les termes de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, il n’est pas prévu comme condition à l’obtention d’un classement le changement préalable de l’usage du bien.

C’est certainement cette carence textuelle qu’ont voulu exploiter la société et la locataire face aux poursuites de la mairie de Bordeaux en renvoyant à la municipalité la décision de classement de l’appartement litigieux en meublé de tourisme qui emportait selon eux autorisation de louer sans autre condition. La Cour d’appel de Bordeaux a suivi cet argumentaire et rejeté les demandes de la commune.

Pas de substitution !

La commune de Bordeaux a critiqué ces motifs et a argué, à l’appui de son pourvoi, qu’une décision de classement en meublé de tourisme était indépendante et distincte de l’autorisation de changement d’usage.

Ce moyen est approuvé par la Cour de cassation qui précise que la décision de classement ne peut se substituer à celle de changement d’usage. Il s’agirait donc de deux démarches distinctes sans que l’une n’ait d’incidence sur l’autre.

Dans cette bataille opposant les communes aux propriétaires, la Cour de cassation a ainsi tranché en faveur des communes.

Le Conseil d’État avait déjà précisé, à propos de ce double régime, que « Le IV bis ajouté à l’article L. 324-1-1 du code de tourisme par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, a pour seul objet de compléter le cadre juridique de la location des meublés de tourisme, pour permettre aux communes de soumettre à autorisation la location en cette qualité de locaux à usage commercial [sans avoir] ni pour objet ni pour effet de régir la situation des locaux meublés destinés à l’usage d’habitation soumis à l’application des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation, quelle que soit la destination des immeubles dans lesquels ils sont inclus» (CE 26 juin 2023, n° 458799 sur le recours en annulation contre le décr. du 11 juin 2021, Dalloz actualité, 5 juill. 2023, obs. A. Martineau ; Lebon ; AJDA 2023. 1208 ; JT 2023, n° 267, p. 10, obs. C. Devès ).

La Cour de cassation s’inscrit dans cette logique de distinction et vient soutenir la politique de protection de l’habitation sans que cet arrêt ne soit excessif pour autant. Car si le code de tourisme ne prévoit pas le changement d’usage du bien comme une condition du classement c’est aussi parce qu’il est possible d’obtenir un classement en meublé de tourisme pour sa résidence principale, qui rappelons-le, peut être offerte à la location saisonnière jusqu’à 120 jours par an, ce, sans quelconque nécessité de procéder à un changement d’usage. Or, au-delà de l’argument commercial que le classement permet, il y a surtout un réel intérêt fiscal à obtenir un classement avec des abattements forfaitaires allant jusqu’à 71 % des revenus selon le régime ou l’exonération des taxes d’habitation et foncière. Le classement en meublé de tourisme intéresse donc aussi ceux qui souhaitent offrir leur résidence principale à la location touristique dans la limite annuelle des 120 nuitées.

Ces avantages sont fortement impactés par la proposition de loi du 29 janvier 2024 adoptée par l’Assemblée nationale dans le cadre d’une procédure accélérée. La proposition prévoit notamment de réduire le niveau d’abattement à 30 % maximum et pour des revenus de 30 000 € maximum. La proposition est toutefois en attente d’une commission mixte paritaire, pour valider définitivement le texte, qui ne pourra être réunie qu’une fois la nouvelle Assemblée nationale installée. 

 

Civ. 3e, 27 juin 2024, FS-B, n° 23-13.131

© Lefebvre Dalloz