Loi du 24 juin 2024 : une loi drastique pour saisir et confisquer davantage à moindre coût, au prix des droits du propriétaire ?

À sens unique, la nouvelle loi lève les obstacles constatés en pratique pour que soient prononcées plus de saisies, plus de confiscations, et ce plus facilement, afin notamment de réduire les coûts engendrés par la gestion de ces biens. Il s’agit également de prononcer le moins possible de restitutions, pendant ou à l’issue de la procédure. En revanche, aucune disposition n’a trait aux garanties en faveur des mis en cause ou des tiers de bonne foi, en cette matière sensible où l’atteinte au droit de propriété doit composer avec d’autres principes fondamentaux tels que la présomption d’innocence, le droit au recours effectif et les droits de la défense.

La lutte contre la délinquance par la saisie et la confiscation des avoirs constitue un sujet majeur dont le Parlement s’est emparé avec vigueur il y a environ quinze ans, sur l’initiative du député Jean-Luc Warsmann, avec la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, qui a créé les saisies pénales spéciales ainsi que l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), et entamé un grand mouvement d’élargissement des possibilités de confiscation par le juge pénal à l’issue de la procédure pénale.

Ce texte a été très appliqué par les juges du fond et interprété par la Cour de cassation pendant plusieurs années, avant de faire l’objet d’une évaluation en 2019, conduisant à une nouvelle proposition portée par le même député, aboutissant à la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, entrée en vigueur le 25 juin. Cette loi a pour but affiché d’apporter « de meilleures garanties à l’indemnisation des victimes », de clarifier « la situation des occupants d’un immeuble confisqué » et d’englober « dans la notion de biens mal acquis pouvant être restitués les produits bancaires et les numéraires » (Lettre de la DAJ – Saisie des avoirs criminels : une loi du 24 juin 2024 améliore le dispositif).

Avec l’adoption de cette loi qui concerne en partie la gestion des biens saisis, l’AGRASC devient compétente pour la gestion des biens non restitués et/ou non réclamés sur le terrain de l’article 41-4 du code de procédure pénale. Il est aussi possible d’affecter des biens saisis à davantage de services (notamment aux services pénitentiaires ou à des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la Justice). L’AGRASC se voit encore impliquée dans des actions de formation auprès des juridictions, des services de police et de douane, et se voit communiquer de manière plus généralisée les décisions de saisie et de confiscation.

Cette loi très répressive touche également le droit pénal en étendant encore le champ possible des confiscations et en facilite le prononcé, en rendant parfois la peine obligatoire et/ou en dispensant le juge pénal de toute motivation. L’article 131-21 du code pénal comprend d’ailleurs désormais quinze alinéas, lorsque la matière mériterait de faire de l’objet d’une section entière, au vu notamment de la jurisprudence conséquente fréquemment rendue par la Cour de cassation sur le fondement de ces dispositions.

Certaines saisies sont également facilitées dans leur mise en œuvre. La loi tend aussi à fluidifier la vente des biens placés sous main de justice afin de mieux maîtriser les frais de justice. Ce texte marque un basculement certain vers l’efficacité, le pragmatisme et l’économie, qui l’emportent sur le droit à un procès équitable et les droits de la défense et questionnent la place qui leur reste dans la procédure de recouvrement et de confiscation des produits du crime.

En voici les dispositions essentielles, insérées dans le régime des saisies et des confiscations qui, plus encore qu’à l’accoutumée, appelleront devant les juges une confrontation aux normes constitutionnelles ainsi qu’à l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit le droit au respect des biens.

Un nouvel élargissement des hypothèses de confiscation et de non-restitution

La confiscation obligatoire des instruments, objets et produits de l’infraction préalablement saisis

La nouvelle loi insère à l’article 131-21 du code pénal un nouvel alinéa 4 selon lequel « sous les mêmes réserves (celles tenant à l’intervention au procès du tiers prévue à l’al. 13 du texte) et sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, la confiscation des biens ayant été saisis au cours de la procédure est obligatoire lorsqu’ils ont servi à commettre l’infraction, lorsqu’ils étaient destinés à la commettre ou lorsqu’ils sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction. Cette confiscation n’a pas à être motivée. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la confiscation de tout ou partie des biens mentionnés au présent alinéa, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur » (art. 16).

Le régime de la confiscation tient donc désormais compte, dans un sens défavorable au condamné, de la circonstance que le bien est, au moment où le juge pénal statue, d’ores et déjà sous main de justice.

Cette modification très importante résulte, à la lecture des travaux parlementaires, du constat suivant : « lors des auditions menées avant l’examen de cette proposition de loi, le rapporteur a réalisé que le ratio entre les saisies et les confiscations était assez décevant. L’AGRASC a indiqué qu’en 2022, ce ratio, qui permet de connaître le nombre de biens confisqués parmi les biens saisis, n’était que de 35,2 %. Il est tout à fait normal qu’une part des biens saisis ne soit pas confisquée : c’est le cas lorsque la relaxe entraîne la restitution des biens, lorsque la saisie porte sur des biens dont la détention est interdite ou dangereuse, ou lorsque le bien de la personne condamnée ne fait pas l’objet du prononcé de la peine complémentaire de confiscation par le magistrat car ce bien est utile, par exemple pour les enfants du condamné. En dehors de ces cas, il est toutefois apparu qu’une marge de progression existait, et que l’une des manières d’augmenter le nombre de confiscations pouvait consister à rendre la confiscation obligatoire dans certains cas » (Rapport n° 1911 de la commission des lois sur la proposition de loi, après engagement de la procédure accélérée, de M. Jean-Luc Warsmann et plusieurs de ses collègues améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (1162). (M. Jean-Luc Warsmann).

Il est pour le moins surprenant d’aborder le « problème » de l’insuffisance des confiscations des biens saisis – si tant est qu’il en soit un au regard de la politique criminelle – sous cet angle. Cette proportion d’un tiers de bien saisis puis confisqués peut tout aussi bien révéler une utilisation abusive du mécanisme des saisies, pour des biens qui ne sont finalement pas confisqués par le juge pénal parce qu’il en a décidé ainsi au regard du principe constitutionnel d’individualisation de la peine, mais également parce que le bien n’a jamais été confiscable.

La peine devenant obligatoire, le juge est désormais dispensé de motivation. Reste qu’il conviendra a minima, afin de permettre à la Cour de cassation d’exercer son contrôle, d’indiquer (et parfois d’expliquer) à quel titre (produit, objet ou instrument) le bien saisi est confisqué.

Comme toujours, pour ne pas contrarier frontalement le principe d’individualisation des peines, le législateur a permis au juge pénal de déroger au prononcé de cette peine obligatoire, en motivant spécialement sa décision au regard des « circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ». Ainsi, lorsque des biens ont été saisis, il appartiendra impérativement à l’avocat de convaincre le juge de déroger à cette confiscation, ou de démontrer en quoi ces biens ne correspondent à aucune des trois catégories précitées.

L’extension de la dispense de motivation

La présente loi permet également au magistrat de rendre une décision non-motivée pour prononcer une peine de confiscation de l’instrument, de l’objet ou du produit « en valeur ». Les articles 485-1 et 365-1 du code de procédure pénale, respectivement applicables en matière correctionnelle et criminelle, sont ainsi réécrits : « la motivation des peines complémentaires obligatoires, de la peine de confiscation en valeur du produit ou de l’objet de l’infraction (…) n’est pas nécessaire ».

L’extension de la peine de confiscation de patrimoine à des délits de corruption et de trafic d’influence

En répression d’atteintes à la probité, dans le livre IV du code pénal, la loi insère trois dispositions prévoyant la peine de confiscation générale de patrimoine, désormais encourue pour les délits de corruption et de trafic d’influence, y compris d’agents publics étrangers, punies de 10 ans d’emprisonnement (C. pén., art. 432-11, 433-1, 435-1, 435-3, 435-7 et 435-9).

L’extension du champ de la non-restitution de biens saisis

S’il était déjà possible de se voir opposer un refus de restitution au motif que les biens constituent « l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction », cette possibilité est étendue aux magistrats qui, à l’issue de l’information judiciaire, prononcent un non-lieu : respectivement, le juge d’instruction et la chambre de l’instruction (C. pr. pén., art. 177 et 212), ainsi qu’à la cour d’appel statuant sur une demande de restitution (C. pr. pén., art. 484). Il est corrélativement précisé dans les dispositions consacrées à l’aliénation ou à l’affectation du bien par le parquet ou par le juge d’instruction (C. pr. pén., art. 41-5, al. 2 et 3, et art. 99-2, al. 2 et 3) que les biens ou le produit de leur vente n’ont pas vocation à regagner leur propriétaire lorsqu’une décision de non-restitution est intervenue. Il en va de même lorsque c’est la cour d’assises (C. pr. pén., art. 373-1) ou le tribunal correctionnel (C. pr. pén., art. 484-1) qui a ordonné cette aliénation et qu’ils entrent en voie de relaxe ou d’acquittement ou ne confisquent pas les biens.

La possibilité de cession à l’État des biens placés sous main de justice par la personne morale dans le cadre d’une CJIP

Il est désormais prévu aux articles 41-1-2 et 41-1-3 (relatif aux délits environnementaux) du code de procédure pénale que la personne morale qui conclut une Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) avec le parquet peut, outre le versement d’une amende d’intérêt public et la mise en place d’un programme de mise en conformité, accepter de « se dessaisir au profit de l’État de tout ou partie des biens saisis dans le cadre de la procédure ».

Facilitation de la mise en œuvre des saisies

La possibilité pour l’OPJ d’appréhender un bien sur le fondement de la saisie générale de patrimoine, ainsi que des comptes « de paiement »

L’article 15 de la loi modifie l’article 706-148 du code de procédure pénale consacré à la saisie générale de patrimoine. Il est inséré un nouvel alinéa selon lequel « par dérogation au premier alinéa du présent article, lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la disparition d’un bien est imminente, l’officier de police judiciaire peut être autorisé, par tout moyen, par le procureur de la République ou par le juge d’instruction à procéder, aux frais avancés du Trésor, à la saisie des biens mentionnés au même premier alinéa. Le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, ou le juge d’instruction, se prononce par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation, y compris si la juridiction de jugement est saisie ».

Ainsi, en cas de risque de disparition « imminente » d’un bien, la saisie spéciale qui faisait l’objet de l’encadrement le plus strict est désormais permise à l’OPJ, autorisé en amont par le juge d’instruction ou le parquet, mais avec un contrôle seulement a posteriori par le JLD (sur le modèle déjà prévu par l’art. 704-154 c. pr. pén., relatif aux saisies sur des comptes de dépôt, de paiement, ou d’actifs numériques).

On peut remarquer que dans le cas du deuxième alinéa, et dans l’hypothèse où la saisie de patrimoine visant un bien présentant un risque de disparition imminente interviendrait au cours d’une instruction, le procureur de la République n’aurait plus vocation à intervenir (ni par voie de requête, ni par voie d’avis), ce qui dérogerait à l’exigence procédurale majeure propre à ce type de saisie.

Les comptes de « paiement » sont désormais inclus dans ceux susceptibles de faire l’objet d’une saisie. En outre, l’OPJ peut faire valider la saisie à laquelle il a procédé par le JLD saisi par le parquet ou par le juge d’instruction dans les dix jours, « y compris si la juridiction de jugement est saisie ».

Transfert du contentieux des refus de restitution, aliénations, destructions au premier président de la cour d’appel ou un juge délégué 

La loi nouvelle apporte un changement significatif en ce qu’elle dessaisit la chambre de l’instruction (ou son président) d’un pan important du contentieux des saisies, non seulement pour ce qui relève de leur gestion, mais également en matière de restitution (hors phase de jugement).

Madame Muriel Jourda, rapporteur au Sénat, relevait dans son audition au nom de l’USM que « transférer ce contentieux au premier président semble peu pertinent en termes de signal (il serait plus utile de renforcer les moyens des chambres de l’instruction, qui sont engorgées, ou de simplifier la procédure) et surtout, dans les faits, il est probable que ce contentieux reviendra inévitablement à la chambre de l’instruction dans le cadre d’une délégation (il est difficile, sauf exception, d’envisager que le premier président s’investisse dans ce contentieux technique). Confier le contentieux des aliénations en cours d’enquête au premier président n’est donc pas de nature à remédier à cette difficulté et risque de générer un engorgement, à leur tour, des premiers présidents ».

Le législateur a attribué « au premier président de la cour d’appel ou au conseiller désigné par lui » la compétence pour statuer sur l’appel contre une décision de refus de restitution rendue par le procureur de la République (C. pr. pén., art. 41-4), de destruction, d’aliénation ou d’affectation rendue par le procureur de la République (C. pr. pén., art. 41-5), de remise au service des domaines ou à l’AGRASC ou de destruction de biens postérieures faisant suite à une condamnation définitive par une cour d’assises, en cas d’opposition de la personne condamnée (C. pr. pén., art. 41-6).

Ce transfert de compétences vers le premier président ou un conseiller désigné par lui se retrouve dans le cadre de l’instruction – là où la compétence de la chambre de l’instruction était particulièrement naturelle. Ainsi, à l’article 99 du code de procédure pénale, il est prévu que le refus de restitution opposé par le juge d’instruction doit être déféré devant ce magistrat. Curieusement, c’est toujours le président de la chambre de l’instruction statuant conformément aux trois derniers alinéas de l’article 186-1 qui doit être saisi en l’absence de réponse du juge d’instruction à une requête en restitution dans le délai d’un mois. Cette nouvelle compétence du juge d’appel est également généralisée aux articles 99-1 (saisie d’un animal), 99-2 (destruction, aliénation ou affectation) et 177 du code de procédure pénale (cas du juge d’instruction qui statue sur le sort des biens saisis lorsqu’il rend une ordonnance de non-lieu à suivre). L’article 706-152 du code de procédure pénale, relatif à l’aliénation par anticipation d’un immeuble ayant fait l’objet d’une saisie, subit le même sort.

Facilitation et réduction des coûts dans la gestion des biens saisis et l’exécution des confiscations

L’extension des possibilités d’aliénation

Jusqu’alors, un bien saisi pouvait être vendu et son prix consigné lorsque sa conservation en nature n’était plus nécessaire à la manifestation de la vérité, que sa confiscation est prévue par la loi, et que le maintien de la saisie était de nature à diminuer la valeur du bien. L’objectif était donc, par principe, de conserver le bien, sauf à ce que sa valeur s’en trouve affectée au détriment de son propriétaire.

Il y a quelques mois, la Cour de cassation jugeait que « l’importance des frais de justice engendrés par la conservation des biens placés sous main de justice ne constitue pas un motif de remise à l’AGRASC aux fins d’aliénation de ces biens » (Crim. 27 mars 2024, n° 23-84.461 P, Dalloz actualité, 24 avr. 2024, obs. J. Pidoux ; AJ pénal 2024. 285, obs. M. Hy ). Cette position semble désormais révolue, et les intérêts inversés.

La loi nouvelle ajoute en effet comme hypothèse alternative à cette perte de valeur celle où le maintien de la saisie entraînerait des frais conservatoires disproportionnés au regard de sa valeur économique, et celle où l’entretien du bien requiert une expertise particulière. L’objectif est donc désormais de faire des économies sur les frais d’entretien qui permettent précisément d’éviter une déperdition de la valeur du bien saisi, en vue d’une possible restitution en l’état à son propriétaire. Seront naturellement concernés les biens difficilement gérables par les services des scellés, tels que les véhicules de collection, les navires ou encore d’autres biens dont l’entretien spécifique est pourtant bien souvent révélateur d’une grande valeur, économique, culturelle ou affective pour leur propriétaire.

L’attribution à la juridiction de jugement du contentieux de l’exécution des saisies préalablement ordonnées

L’article 11 de la loi vient ici combler un vide juridique. Il complète l’article 706-144 du code de procédure pénale en prévoyant que « lorsque la juridiction de jugement est saisie, le président du tribunal judiciaire ou un juge délégué par lui est compétent pour statuer sur l’ensemble des requêtes relatives à l’exécution de la saisie du bien ainsi que pour autoriser ou ordonner les mesures mentionnées aux quatre premiers alinéas des mêmes articles 41-5 et 99-2. Lorsque la cour d’assises est saisie, le président du tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel l’ordonnance de mise en accusation a été rendue. Il statue, sur requête du procureur de la République ou d’une partie, par ordonnance motivée. La décision est notifiée aux personnes ayant des droits sur le bien, si celles-ci sont connues, au ministère public ainsi qu’aux accusés ou aux prévenus, qui peuvent la déférer au premier président de la cour d’appel ou au juge délégué par lui dans un délai de dix jours à compter de la notification de cette décision. Ce recours est suspensif ».

Jusqu’à l’adoption de ce texte, lorsque la juridiction de jugement était saisie, aucun magistrat n’avait compétence pour statuer sur les requêtes relatives à l’exécution de la mesure de saisie émanant des personnes ayant des droits sur le bien, ou pour décider d’aliéner ou d’affecter le bien, alors que les délais d’audiencement peuvent être très longs.

La confiscation d’un bien immobilier vaut titre d’expulsion

À propos des suites de la confiscation d’un immeuble, un constat avait été posé – en des termes parfaitement révélateurs de l’esprit de la loi – au Sénat : « dans le cas d’une confiscation d’un immeuble dans lequel des amis d’un voyou sont locataires, il faut actuellement reprendre toute la procédure de droit commun pour procéder à leur expulsion : pendant ce temps-là, de l’argent public est mobilisé, à travers l’AGRASC, pour entretenir l’immeuble et financer les actions judiciaires. L’Assemblée nationale avait retenu, dans sa version du texte, la notion d’« occupant de son chef », mais tous les groupes politiques, à l’Assemblée comme au Sénat, refusaient de pénaliser les personnes de bonne foi, celles qui ont répondu à une annonce pour louer un appartement sans savoir qu’un trafic criminel se cachait derrière la transaction. La notion de « bonne foi » que Muriel Jourda et moi-même vous proposons de retenir ménage un équilibre, qui ne résoudra pas tous les litiges mais permettra de chasser les occupants de mauvaise foi d’un logement confisqué ».

La loi du 24 juin 2024 prévoit désormais à l’article 131-21 du code pénal que « la décision définitive de confiscation d’un bien immobilier constitue un titre d’expulsion à l’encontre de la personne condamnée et de tout occupant de son chef. N’est pas considérée comme occupant du chef du condamné la personne de bonne foi titulaire d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage à titre onéreux portant sur tout ou partie du bien confisqué » (Loi n° 2024-582, art. 16).

Cette disposition a été déclarée partiellement conforme à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2024-869 DC du 20 juin 2024. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il appartient au juge qui prononce la peine de confiscation de prendre en compte la situation personnelle et familiale de la personne condamnée, notamment lorsque l’expulsion touche les membres de sa famille.

Il a également relevé que « l’expulsion des occupants du chef de la personne condamnée ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant un commandement d’avoir à libérer les locaux. Ces derniers peuvent en outre saisir le juge de l’exécution sur le fondement de l’article L. 412-3 du [code des procédures civiles d’exécution] et faire ainsi valoir leur situation personnelle et familiale afin d’obtenir des délais renouvelables, lorsque leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales » (Cons. const. 20 juin 2024, n° 2024-869 DC, consid. 10, D. 2024. 1233, et les obs. ).

Le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à la Constitution cet article en ce qu’il pouvait conduire à expulser des occupants de bonne foi ayant conclu une convention d’occupation postérieurement à la décision de saisie, par méconnaissance de celle-ci.

Renforcement des droits des victimes à travers la confiscation ou la non-restitution

L’assiette des biens permettant l’indemnisation des victimes a été élargie. Les biens non-restitués soit qu’un refus de restitution ait été opposé soit qu’ils n’aient pas été réclamés dans le délai de six mois à compter de la clôture de la procédure (désormais gérés par l’AGRASC au même titre que les biens confisqués), peuvent désormais servir à indemniser les victimes.

L’autre évolution majeure en ce domaine, favorable aux victimes, consiste en l’allongement du délai permettant aux victimes de faire une demande d’indemnisation auprès de l’AGRASC. Le délai passe de deux à six mois à compter du jour où la décision a acquis un caractère définitif.

 

Loi n° 2024-582 du 24 juin 2024, JO 25 juin

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