Loi du 9 mars 2023 d'adaptation au droit de l'Union européenne : aspects de droit des assurances
Outre qu'elle autorise la transposition par ordonnance de la directive (UE) 2021/2118 relative à l'assurance automobile obligatoire, la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 procède à quelques retouches en matière de droit des assurances, qu'il s'agisse des modalités de la définition des exclusions d'application du régime Solvabilité II ou de l'intégration en droit interne du PEPP.
Présenté en Conseil des ministres le 23 novembre 2022, le projet de loi portant diverses adaptations au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture a été publié le 10 mars 2023. Les ambitions du texte ne furent pas cachées ; il s’est agi « de maintenir une bonne performance en matière de transposition » du droit de l’Union, et de mettre en cohérence le droit national avec un certain nombre de règlements (Secrétariat général du gouvernement, 23 nov. 2022) ; autant dire, quant à l’objet de la loi nouvelle, qu’il serait épars et, quant à son envergure, qu’elle serait limitée.
Fidèle à sa dénomination, la loi touche donc à tout, qu’il s’agisse, entre autres, en droit des sociétés, de la sanction attachée aux pertes ramenant les capitaux propres à moins de la moitié du capital social (art. 14), en droit de la consommation, au renforcement de l’accessibilité (art. 16), en droit du travail, à l’information relative à la relation de travail communiquée au salarié (art. 19)… même le code rural est modifié, notamment à propos des conditions d’octroi des aides à l’installations des jeunes agriculteurs (art. 38). Sans surprise, figurent donc également quelques dispositions afférentes à divers aspects du droit des assurances. L’article 1er du texte modifie les dispositions de l’article 310-3-1 du code des assurances afférents aux seuils d’application du régime Solvabilité II ; les articles 2 et 3 reviennent sur un serpent de mer, l’intégration en droit français des produits paneuropéen d’épargne-retraite ; les articles 4 et 6 procèdent, pour l’un, à une mise en harmonisation des codes de la mutualité et de la sécurité sociale sur le code des assurances, pour l’autre, à une évolution procédurale afférente à la nomination du directeur général du fonds de garantie des assurances obligatoires.
Si l’adaptation au droit de l’Union européenne est l’ambition du texte, la technique de l’adaptation appelle quelques commentaires. Dans la façon de procéder aussi, la loi étale son éclectisme. Il est parfois décidé d’une adaptation de manière directe, le texte de la loi modifiant directement les dispositions légales existantes. Subissent entre autres de tels amendements le code de la commande publique (art. 15), le code du travail (art. 18 et suivants), le code monétaire et financier (art. 17 s.). La loi ne s’arrête pas là. Elle habilite le gouvernement à prendre un grand nombre d’ordonnances ayant elles-mêmes pour objet l’adaptation du droit français au droit de l’Union (art. 10, 11 et 12 en matière de droit des sociétés, art. 17 en matière de droit bancaire), ou procède à la ratification d’ordonnances (art. 26 en matière de droit de la santé publique). Le droit des assurances n’échappe pas à cette structure. Outre les modifications apportées directement par les articles 1 à 4 et 6, l’article 5 annonce une ordonnance de transposition de la directive (UE) 2021/2118 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 modifiant la directive 2009/103/CE concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité.
Champ d’application du régime Solvabilité II (art. 1)
L’article 4 de la directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009 exclut du champ d’application du régime Solvabilité II les plus petites entreprises d’assurance, celles qui, notamment, selon les termes de la directive, réalisent des encaissements annuels inférieurs à cinq millions d’euros et dont les provisions techniques, déduction non faite des créances de réassurance et autres véhicules de titrisation, sont inférieures à vingt-cinq millions d’euros. Les articles L. 310-1 du code des assurances, L. 211-10 du code de mutualité et L. 931-6 du code de la sécurité sociale reprenaient fidèlement ces seuils. La modification prévue par la loi commentée introduit quelque souplesse et anticipe la révision de ces seuils au niveau européen à raison de l’inflation. La nouvelle version du texte renvoie désormais à un arrêté du ministre de l’économique le soin de les définir, ce qui fluidifiera l’intégration en droit interne des évolutions européennes à venir.
Produit paneuropéen d’épargne-retraite individuel (art. 2 et 3)
Souvent rêvée, mais jamais aboutie, la réalisation effective, au niveau européen, de produits d’épargne retraite avance prudemment. Les difficultés ne tiennent pas tant aux caractéristiques techniques des offres assurantielles et financières à commercialiser (encore que l’application du régime Solvabilité II à ce type de produits de retraite constitue un enjeu considérable) qu’aux luttes d’influence entre les différents types d’acteurs (assureurs, fonds de pensions…) et à la diversité des règles sociales et fiscales applicables dans les États membres. De ces tiraillements résulte une organisation juridique particulièrement compliquée. L’Union européenne a créé un produit (Règlement n° 2019/1238 : le PEPP, pour « Pan-european Personal Pension Product », devenu en droit interne le produit paneuropéen d’épargne individuel, v. F. Gauthier, Le produit paneuropéen d’épargne-retraite individuel, Gaz. Pal. 17 sept. 2019, n° 359k8, p. 74). Ce produit jouit toutefois d’une autonomie toute relative ; il n’est qu’un agrégat européen de produits essentiellement nationaux dont les caractéristiques, principalement commandées par les régimes sociaux et fiscaux, sont de facto laissés à la discrétion des États membres : le PEPP est constitué de « sous-comptes » par pays, lesquels sous-comptes doivent se conformer aux dispositions des différents droits nationaux. In fine, le PEPP n’est concrètement, pour reprendre les termes du nouvel article L. 224-30-1 du code monétaire et financier introduit par l’article 3 de la loi commentée, qu’une « dénomination » commerciale.
Les articles 2 et 3 de la loi commentée permettent juridiquement le déploiement du PEPP en droit national. Ils chargent l’Autorité de contrôle prudentiel de l’enregistrement et du contrôle des produits paneuropéen d’épargne-retraite individuel commercialisés en France et fixent le régime juridique (conditions de souscriptions, prélèvements obligatoires sur le financement et sur les prestations, conditions de délivrance des prestations, frais, information des assurés, etc.) qui sera applicable aux sous-comptes français des PEPP étrangers en l’alignant pour l’essentiel sur le régime juridique du plan d’épargne retraite individuel par un simple jeu de renvoi (v. CMF, art. L. 225-1 nouv.) : le PEPP européen ne sera pour le preneur d’assurance qu’un PER français.
Alignement des codes de la mutualité et de la sécurité sociale sur le code des assurances (art. 4)
En dépit d’un immense effort d’alignement commandé ces trente dernières années par le droit de la concurrence, demeurent encore quelques différences dans les règlementations applicables aux différents types d’organismes assureurs. L’article 4 de la loi participe de ce mouvement et uniformise les conditions dans lesquels les organismes assureurs sont soumis aux dispositions de l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier afférentes à l’information des assurés sur les risques associés au changement climatique et à la biodiversité.
Transposition de la directive (UE) 2021/2118 modifiant la directive 2009/103/CE concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs
L’article 5 de la loi commentée charge le gouvernement d’assurer, par voie d’ordonnance et dans un délai de neuf mois, la transposition de la directive (UE) 2021/2118. Septième directive sur le sujet, cette dernière n’avait pas procédé à une refonte de la directive de 2009, mais avait proposé quelques ajustements (notamment sémantiques) et quelques clarifications, notamment à propos des définitions jusqu’ici principalement issues de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (tels « véhicule » ou « circulation d’un véhicule »). L’exercice n’était pas que cosmétique puisqu’il emportait ponctuellement une modification du champ d’application de l’assurance obligatoire (la directive de 2021 réservant par exemple la notion de véhicules à ceux roulant à plus de 25 km/h). La directive de 2021 remodelait également à la marge le périmètre de l’assurance obligatoire en excluant certaines circonstances de l’obligation d’assurance (compétitions sportives, véhicules ayant perdu leur immatriculation), et contenait enfin une série de dispositions sur des thèmes distincts allant du renforcement de la protection des victimes de sinistres aux modalités du contrôle du respect de l’assurance obligatoire par les véhicules immatriculés au sein d’un autre État membre, en passant par le traitement des insolvabilités des assureurs de responsabilité.
Nomination du directeur général du fonds de garantie (art. 6)
Au cours des débats parlementaires, et sans lien avec le droit de l’Union européenne, il fut proposé par le rapporteur de modifier la procédure de désignation du directeur général du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages en prévoyant que le candidat est préalablement entendu par les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’amendement fut conservé par la commission.
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