Loi industrie verte : les nouveaux contours de la finance durable en assurance

La loi relative à l’industrie verte réaménage le dispositif de finance durable en assurance. Si les obligations préexistantes de durabilité sont confortées, de nouveaux mécanismes sont mis en place en vue d’une participation plus grande du secteur au financement de la transition écologique.

Le coût d’une ambition. « Faire de la France le leader de l’industrie verte » est la haute ambition portée par la loi n° 2023-963 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte (v. le Compte-rendu du conseil des ministres du 16 mai 2023, Compte rendu du Conseil des ministres du 16 mai 2023 | gouvernement.fr). Si l’ambition est haute, c’est essentiellement en raison du coût financier qu’elle implique. Le rapport Pisani-Mafouz, adressé à la Première ministre, chiffre en effet à 67 milliards d’euros le montant des investissements supplémentaires à réaliser en faveur de la transition écologique à l’horizon 2030 (France Stratégie, Les incidences économiques de l’action pour le climat, mai 2023, p. 112) ; ce qui requiert une mobilisation tous azimuts, aussi bien du secteur public (R. Lanneau, Le rôle de l’investissement public dans la transition écologique, RFFP, sept. 2023, n° 161, p. 91), que des acteurs économiques privés (A.-S. Epstein et M. Nioche [dir.], Le droit économique : levier de la transition écologique, Bruylant, 2022) en première ligne desquels se trouvent les assureurs. L’assurance des personnes en particulier, forte de 173,2 milliards d’euros de cotisations encaissées au cours de l’année 2022 (France Assureurs, L’assurance française. Données clés 2022, sept. 2023, p. 13) offre de belles perspectives de financement de la transition écologique. Ainsi le législateur entend-il mobiliser l’épargne privée investie en ce domaine pour répondre aux besoins massifs de l’industrie verte (L. n° 2023-963 du 23 oct. 2023, préc., exposé des motifs).

La méthode de l’ambition. Flécher davantage les investissements des assureurs vers des supports durables. Le verdissement de l’assurance-vie n’est pas nouveau. À travers les placements financiers qu’il réalise, et en vue d’une finance durable, l’assureur est déjà appelé à concilier « performance financière et prise en compte des critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance (ESG) dans la décision d’investissement » (P. Becquey et F. Garreau, La RSE dans l’assurance. Changement climatique. Finance durable. Enjeux stratégiques, L’Argus de l’assurance, 2022, p. 115). En effet, à la faveur des réformes successives, portées aussi bien par la règlementation européenne (Règl. [UE] 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 nov. 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers ; Règl. [UE] 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables) que par des textes nationaux (Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la formation des entreprises), l’offre d’assurance-vie inclut désormais les exigences de durabilité (P.-G. Marly, N. Gautron et F. Tempe, La règlementation des sociétés d’assurance. Aspects juridiques, comptables, actuariels et prudentiels, L’Argus de l’assurance, 2023, p. 180-182). De même, le secteur de l’assurance fait figure de bon élève et semble avoir pris à bras le corps la question de la transition écologique (France Assureurs, Assurance et finance durable. Chiffres clés 2022, nov. 2023). Il reste cependant que le coût de l’ambition de la transition écologique et de la neutralité carbone à l’horizon 2050 (L. n° 2019-1147 du 18 nov. 2019 relative à l’énergie et au climat) appelle encore à davantage d’engagements écologiques de la part du secteur de l’assurance. Afin de garantir une contribution plus grande de l’assurance au financement de la transition écologique, par le biais de la finance durable, la loi relative à l’industrie verte entend en diversifier les voies. Autant elle ajoute du neuf au vieux, en entreprenant une réforme sur l’existant, autant elle innove en instaurant de nouveaux dispositifs de financement de la transition écologique.

La réforme sur l’existant : l’obligation générale de référence des labels d’État en assurance-vie

En droit interne, l’adoption de la loi dite PACTE (L. n° 2019-486 du 29 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises) a marqué une étape importante dans la mise en place des obligations relatives à la finance durable et au référencement des labels d’État dans les placements en assurance-vie. En effet, le code des assurances, dans sa rédaction issue de la réforme portée par cette loi, prévoit que les contrats d’assurance multi-supports font référence à au moins une unité de compte adossée à un fonds solidaire, en ce qu’il est composé pour une part comprise entre 5 à 10 %, des titres émis par des entreprises solidaires d’utilité sociale ou par des sociétés de capital-risque (SCR) ou encore par des fonds communs de placement à risque (FCPR). Référence est également faite à au moins une unité de compte adossée à un fonds vert ayant obtenu un label reconnu par l’État au titre de la transition écologique, ainsi qu’à au moins une unité de compte rattachée à un fonds justifiant d’un label d’État au titre de l’investissement socialement responsable (C. assur., art. L. 131-1-2). 

Il en résulte que le dispositif existant exigeait déjà que le contrat d’assurance comportant des garanties exprimées en unité de compte fasse référence à au moins deux unités de compte adossés à des labels d’État. Concernant la transition écologique et énergétique, il s’agit du label Greenfin (anciennement nommé label transition écologique et énergétique pour le climat), mis en place par le ministère de la Transition écologique et garantissant la vertu écologique des fonds d’investissement. Ainsi ce label exclut-il des entreprises opérant dans les secteurs du nucléaire ou des énergies fossiles (Décr. n° 2019-568 du 7 juin 2019 remplaçant le nom du label « transition énergétique et écologique pour le climat » par le nom label « France finance verte » dans le code de l’environnement). Quant à l’investissement socialement responsable, il s’agit du label investissement socialement responsable (ISR), instauré par le ministère de l’Économie et des finances (Décr. n° 2016-10 du 8 janv. 2016 relatif à l’investissement socialement responsable), qui incite les sociétés de gestion de portefeuilles à prendre en compte les performances extrafinancières et de développement durable dans leur stratégie d’investissement (P. Canfin, Écologie : faire valoir ses droits, Dalloz, 2021, p. 126-127). Plus généraliste que le label Greenfin, le label ISR permet de concilier performance financière, protection de l’environnement et soutenabilité sociale. Sa révision en cours entend néanmoins en faire un label « plus exigeant » et dont l’impact climatique constitue « le principe clef » (Communiqué n° 1307 du ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle, 7 nov. 2023). 

On relève à cet égard que la réforme portée par la loi industrie verte innove par la flexibilité et la liberté accordées au pouvoir règlementaire de mettre en place de nouveaux labels, qui ont vocation à s’ajouter à ceux déjà existants et auxquels seront adossées des unités de compte proposées dans le cadre des contrats d’assurance vie multisupports. L’étude d’impact de la loi industrie verte note ainsi que la rédaction actuelle de l’article L. 132-1-2 du code des assurances pèche en ce qu’elle « manque de flexibilité […] et ne permet pas de garantir un référencement de nouveaux labels d’État dans les assurances vie […] ». La nouvelle formulation doit permettre de « faciliter le référencement des nouveaux labels poursuivant les objectifs définis par voie législative » (Étude d’impact du projet de loi relatif à l’industrie verte, 15 mai 2023, p. 200). Ainsi la loi industrie verte prévoit-elle que, pour chaque label reconnu par l’État au titre de la transition écologique et énergétique ou de l’investissement socialement responsable, le contrat d’assurance multisupports fasse référence à au moins une unité de compte constituée de valeurs mobilières ayant obtenu ce label (L. n° 2023-963 du 23 oct. 2023 relative à l’industrie verte, art. 32).

Si le décret déterminant la liste d’éventuels nouveaux labels n’est pas encore publiée, il appert que, à travers la généralisation du référencement des labels d’État dans les contrats d’assurance-vie, davantage de fonds issus des placements dans les assurances-vie seront orientés vers des supports justifiant desdits labels.

L’approche est maximaliste quand on sait que, en assurance-vie, les fonds justifiant du label ISR et du label Greenfin représentent respectivement 131,2 et 3,8 milliards d’euros d’en cours (France Assureurs, Assurance et finance durable. Chiffres clés 2022, préc., p. 23.) Par ailleurs, la généralisation du référencement des labels d’État traduit la volonté d’une prise en main par les pouvoirs publics du phénomène de labélisation en assurance-vie ; et ce, dans un contexte marqué par l’inflation des labels privés (F. Abrioux, La multiplication de l’offre et de la demande de labels : une densification normative quantitative, in C. Thibierge et al.La densification normative : découverte d’un processus, Mare et Martin, 2013, p. 77 s.) et la mise en avant de ceux-ci dans la commercialisation des produits d’assurance. Face au risque de greenwashing, l’Autorité de contrôle avait rappelé aux distributeurs des règles de bonne conduite relatives à la publicité portant sur les caractéristiques extra financières et de durabilité des contrats d’assurance-vie (ACPR, Recomm. 2022-R-02 du 14 déc. 2022 sur la promotion de caractéristiques extra financières dans les communications publicitaires en assurance-vie ; R. Bigot, ACPR : des vœux de bonne conduite pour la publicité en assurance-vie, Dalloz actualité, 12 janv. 2023).

On peut dès lors penser que la généralisation de la référence des labels d’État traduit aussi la préférence assumée des pouvoirs publics à l’égard des labels dont ils déterminent le régime juridique et les conditions d’accès, garantissant du même fait leur efficacité quant à l’atteinte des objectifs assignés de durabilité. C’est aussi à des fins d’efficacité et d’effectivité que la loi industrie verte, réitérant un mécanisme préexistant depuis la loi PACTE, exige du distributeur d’assurance de communiquer au souscripteur la proportion d’unités de compte adossées aux labels écologiques et durables imposés par la loi, et en ce compris les labels d’État (Loi n° 2023-963 du 23 oct. 2023, préc., art. 32, I, al. 6 ; sur l’intégration de la durabilité dans le devoir de conseil en assurance vie, v. P.-G. Marly, La prise en compte des préférences du client en matière de durabilité dans le conseil en assurance-vie, Banque et Dr., juill.-août 2022, n° 204). L’information environnementale ainsi délivrée permet au souscripteur d’exercer un contrôle citoyen sur les pratiques d’investissement de l’assureur et le niveau d’engagement écologique de celui-ci. « Consomm’acteur » du produit d’assurance, le souscripteur participe à la garantie d’une meilleure effectivité de la finance responsable et ses choix peuvent réorienter durablement les offres et services (L. Fonbaustier, Quelques réflexions sur les conditions d’un nouveau développement durable, in L. Fonbaustier et V. Magnier [dir.], Développement durable et entreprise, Dalloz, 2013, p. 35 ; A. Van Lang, Droit de l’environnement, 4e éd., PUF, 2016, p. 324, n° 244) proposés par l’assureur. Le recours à l’information comme gage de l’efficacité environnementale n’est néanmoins pas nouveau et c’est par la mise en place de nouveaux dispositifs de finance durable que la loi industrie verte se montre plus innovante.

Les innovations de la réforme : de nouveaux mécanismes de finance durable en assurance

Le financement de la transition écologique par l’assurance se décline aussi dans l’institution de nouveaux mécanismes : d’abord, la mise en place d’une part de non coté en assurance-vie et dans le PER ; ensuite, l’éligibilité du PER et de l’assurance-vie au fonds européen d’investissement à long terme et, enfin, la mise en place d’un Plan d’épargne avenir climat à destination des jeunes.

L’exigence d’une part minimale d’actifs non cotés en assurance-vie et dans le PER 

Mesure controversée de la loi relative à l’industrie verte, la mise en place d’une part minimale de non coté en assurance-vie et dans le PER se distingue par la contestation qu’elle a suscitée dans la profession (G. Dauvergne, Les assureurs mutualistes restent à convaincre, L’Argus de l’Assurance, 21 avr. 2023). Selon le législateur, cette exigence serait justifiée par la part beaucoup trop faible que représente actuellement le capital-investissement dans les placements en assurance-vie (à peine 1,3 % des investissements réalisés par les assureurs, Étude d’impact environnemental du projet de loi relative à l’industrie verte, p. 225). La loi industrie verte entend donc flécher davantage d’investissements réalisés dans le cadre de l’assurance-vie et des PER vers les fonds de private equity (v. not., les préconisations du rapport de l’Institut de la finance durable commandé par le ministre de l’Économie, IFD, Plan d’action pour le financement de la transition écologique, Rapport, mai 2023, p. 94 ; adde France Invest, Rendre le capital investissement accessible. Guide pratique et propositions, sept. 2022, p. 32) Si l’on peut aisément comprendre pourquoi (puisqu’il s’agit d’investissements sur le long ou moyen terme, l’assurance-vie et le PER semblent a priori pouvoir bien s’accorder avec les fonds de capital investissement), il n’en demeure pas moins que la nature intrinsèque de ces fonds permet de douter de l’opportunité d’une telle exigence, notamment en raison du manque de souplesse et de liquidité de ce type d’investissement qui requiert un temps long. Par ailleurs, et parce qu’il est très peu connu des souscripteurs, le capital-investissement pourrait poser des problèmes dans la mise en œuvre du devoir d’information et de conseil qui suscite déjà un contentieux important en assurance de personnes (S. Vié, Les assureurs vent debout contre le projet de loi industrie verte, L’Argus de l’assurance, n° 7897, 19 mai 2023, p. 38-39). Sourde à ces arguments, la loi relative à l’industrie verte prévoit, au sein des contrats d’assurance-vie et des PER, une part minimale – à définir par voie d’arrêté – composée d’organismes de placements collectifs (qui peuvent prendre la forme des sociétés d’investissement à capital variable ou des fonds communs de placement) investis en actifs non cotés ou en titres destinés au financement des PME et des ETI (L. relative à l’industrie verte, art. 35).

L’institution d’une part minimale d’actifs non cotés implique que celle-ci soit incluse dans la mise en œuvre de la gestion pilotée à l’horizon dans le cadre des PER et de la gestion pilotée profilée en assurance-vie, ainsi que dans l’établissement des grilles et des profils d’allocation d’actifs y afférents. En effet, la gestion pilotée consiste en un mandat par lequel le souscripteur ou l’adhérent à un contrat d’assurance vie ou de capitalisation, confie à une personne physique ou morale (l’assureur), agissant dans le cadre de ses activités professionnelles, la faculté de décider des arbitrages, en fonction d’un profil prédéterminé (prudent, dynamique, …) et inclus dans la grille d’allocations d’actifs (Loi relative à l’industrie verte, art. 35 ; v. aussi, P.-G. Marly, Le mandat d’arbitrage et son régime, Banque et Dr., nov.-déc. 2023, n° 212, p. 58). La gestion pilotée à l’horizon, constitutive du mode de gestion par défaut du PER, permet de tirer profit de l’horizon éloigné de la retraite, en prenant plus de risques au début de l’épargne et beaucoup moins à l’approche de la retraite et ce, en fonction du profil d’allocations prédéterminé (C. mon. fin., art. L. 224-3 ; AMF, Comprendre la gestion pilotée à l’horizon, août 2020, p. 3). L’inclusion des actifs non cotés impliquant un investissement à long terme ainsi que des rendements plus ou moins élevés, le dispositif entraîne une réadaptation conséquente des profils d’allocation.

Elle affecte aussi le conseil que le distributeur d’assurance exerce au moment de la souscription, de l’exécution du contrat d’assurance ou de la réalisation d’une opération affectant de façon significative le contrat d’assurance (art. 35, al. 5 et 6, de la loi relative à l’industrie verte ; sur les incidences de la loi industrie verte sur le conseil, v. P.-G. Marly, Le renforcement du conseil en assurance vie, Banque et Dr., n° 212, nov.-déc. 2023, p. 58 s.).

On peut malgré tout s’étonner – alors que l’étude d’impact assigne un but écologique aux investissements des assureurs dans le non coté (Étude d’impact de la loi relative à l’industrie verte, préc., p. 237) – que la loi ne fasse pas référence à la prise en compte des enjeux environnementaux dans la sélection de ces actifs. L’hypothèse de la crainte d’une mise en place de contraintes supplémentaires à charge des assureurs ne saurait le justifier, puisqu’il s’agirait simplement de formaliser une pratique assez fréquente en assurances. En effet, dans le cadre de leur démarche responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ou en vue de la mise en œuvre de leurs engagements unilatéraux de développement durable (Charte des assureurs français membres de la FFA, 2018), de nombreuses entreprises d’assurance incluent déjà la protection de l’environnement dans leur stratégie globale d’investissement (France Assureurs, Structurer et promouvoir l’offre d’unités de compte responsables, vertes et solidaires en assurance-vie. Guide de bonnes pratiques, 2018, p. 9). Il n’est pas exclu que l’arrêté fixant la part minimale de la classe d’actifs non cotés détermine les modalités de prise en compte de la protection de l’environnement dans la sélection d’actifs non cotés. Autrement, flécher l’investissement vers des entreprises non cotées, en vue d’accompagner leur démarche de transition écologique sans inciter, tout au moins, à la prise en compte du critère écologique lors du choix du support d’investissement est une entreprise inachevée. La qualité de PME ou d’ETI n’implique pas de plein droit la mise en place d’une démarche de transition écologique.

Il reste que le seul choix de l’investissement non coté correspond au pilier social de la finance durable et de la démarche RSE des entreprises. En effet, par les investissements vertueux qu’il réalise, l’assureur influe positivement sur le tissu économique et social (P. Becquey et F. Garreau, op. cit., p. 15). En contribuant au financement des PME et des ETI, l’assurance participe à la création de richesses et d’emplois, ainsi qu’au développement économique local. Le fléchage des investissements en assurance-vie permettrait par exemple à lui seul de collecter entre 1,5 à 3 milliards d’euros supplémentaires chaque année et au service de la croissance des PME et des ETI (Étude d’impact environnemental de la loi relative à l’industrie verte, p. 234). Cette mesure est complétée par l’éligibilité du PER et de l’assurance-vie au label ELTIF 2.0.

L’éligibilité du PER et de l’assurance-vie au fonds européen d’investissement à long terme (ELTIF 2.0)

Mis en place par le règlement (UE) 2015/760 du 29 Avril 2015, les ELTIF (European Long-term investment funds ou fonds européen d’investissement à long terme) permettent de flécher les investissements vers des entreprises (PME ou ETI) ou des projets immobiliers et d’infrastructures, afin de garantir la décarbonation de l’économie européenne (T. Jezequel, Les fonds européen ELTIF : un nouvel outil pour financer les investissements à long terme, Banque et Dr., mai 2016, p.11). Les ELTIF, qui sont des fonds d’investissement alternatif, constituent des placements à long terme contribuant au financement de la transition écologique et énergétique de l’économie européenne.

Cependant, les contraintes liées à l’éligibilité aux fonds ELTIF (v. A. Couret et al.Droit financier, 3e éd., Dalloz, 2019, p. 628, n° 852) ont compromis l’atteinte des objectifs et la mobilisation d’une épargne conséquente (IFD, préc., p. 34). L’une des entraves à leur éclosion portait notamment sur le fait que, si les fonds étaient éligibles aux investisseurs de détail (investisseurs non professionnels), un seuil minimal de 10 000 € leur était imposé (Règl. [UE] 2015/760 du 29 avr. 2015, art. 30), attiédissant les ardeurs des investisseurs. Pour y remédier, une réforme est intervenue afin d’assouplir les conditions de l’éligibilité aux ELTIF au profit des investisseurs non professionnels, en supprimant particulièrement le seuil de 10 000 € (Règl. [UE] 2023/066 du 15 mars 2023, consid. 14). Dès lors, la suppression des ELTIF (désormais nommés ELTIF 2.0 pour souligner la réforme intervenue) garantit leur démocratisation et un accès plus aisé, y compris par les contrats d’assurance-vie ou les PER (Loi relative à l’industrie verte, art. 35). De ce fait, par les placements qu’il réalise sur les fonds labélisés ELTIF 2.0, l’assureur contribue à la réalisation de l’objectif de la décarbonation de l’économie et renforce son rôle d’acteur majeur de la finance durable. Aussi, pour conforter la mobilisation de l’épargne vers les ELTIF, la loi allège les conditions d’accès de certains fonds (et not., les fonds communs de placement à risque) et envisage la possibilité d’édiction par voie règlementaire de nouvelles normes de modernisation des fonds français (Loi relative à l’industrie verte, art. 39 et 40). C’est aussi en vue d’une mobilisation plus grande de l’épargne au profit de la transition écologique qu’est mis en place un nouveau produit d’épargne climat. 

L’instauration du Plan d’Épargne Avenir Climat à destination des jeunes générations

La protection de l’environnement trouve un auditoire particulièrement favorable au sein de jeunes générations, leur époque étant actuellement marquée par la crise climatique. Selon l’Autorité des marchés financiers, en effet, si 44 % de français considèrent que les investissements socialement responsables sont intéressants, 58 % de personnes âgées de moins de trente-cinq ans accordent de l’intérêt à la finance durable (AMF, Placements durables : un intérêt grandissant des Français : notamment les plus jeunes, 17 juill. 2023). Le législateur entend donc répondre à ce besoin d’investissement responsable grâce à un Plan d’épargne avenir climat (PEAC), dont la distribution peut être réalisée par les organismes d’assurance (Loi relative à l’industrie verte, art. 34).

Mécanisme de finance durable, les versements effectués dans le cadre d’un PEAC sont affectés à l’acquisition des titres financiers qui contribuent au financement de la transition écologique. Il appert que les fonds labélisés dans le cadre de l’ISR ou du label Greenfin seront particulièrement convoqués à cette fin. Le titulaire du PEAC bénéficie d’une information et d’un conseil sur les supports financiers utilisés aux fins de financement de la transition écologique et y compris sur la performance de ceux-ci. Aussi, les versements sont-ils investis sur des supports garantissant une protection suffisante de l’épargne investie ; et en principe, sur des supports en unités de compte et à titre facultatif, sur des supports en euros (Loi relative à l’industrie verte, art. 34, al. 3).

Ouverte aux personnes physiques âgées de moins de vingt-et-un ans, le PEAC est voulu comme un investissement à long terme, au profit d’une catégorie d’épargnants peu confrontés à des nécessités de liquidité immédiate, pouvant leur permettre de financer des projets d’études ou de logement à leur majorité (Étude d’impact environnemental, préc., p. 207). Aussi, les modalités de retraits ou de rachats sont-ils strictement encadrés. Tout d’abord, jusqu’aux dix-huit ans du titulaire, les droits constitués dans le cadre du PEAC ne peuvent être ni liquidés, ni rachetés, même partiellement, sauf en cas d’invalidité du titulaire ou de décès de l’un des parents. De même, lorsqu’il prend la forme d’un contrat de capitalisation, le rachat partiel n’est possible et n’entraîne la clôture du PEAC qu’à condition que celui-ci ait été ouvert depuis plus de cinq ans et que son titulaire ait atteint l’âge de dix-huit ans. Si ces deux conditions sont réunies, plus aucun retrait ne saurait être effectué et le PEAC est clôturé lorsque le titulaire aura atteint l’âge de trente ans (Loi relative à l’industrie verte, art. 35, al. 3).

 

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