Loi Le Meur : rendre l’outil du contrôle du changement d’usage plus facile et plus efficace

Plus simple à instaurer, le contrôle du changement d’usage est renforcé pour mieux lutter contre les locations touristiques. La preuve de l’usage d’habitation est facilitée, les sanctions sont alourdies et élargies.

La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale (dite « loi Le Meur » ou « loi anti-Airbnb ») entend renforcer l’efficacité du contrôle du changement d’usage comme outil de lutte contre la transformation des logements en locations touristiques destinées à une clientèle de passage.

Les mesures ne faisant pas l’objet d’une entrée en vigueur différée, les communes peuvent s’en emparer dès le 21 novembre 2024.

Simplifier l’instauration du contrôle du changement d’usage

Le contrôle du changement d’usage des locaux était de droit dans certaines communes (communes de plus de 200 000 habitants et de la petite couronne parisienne), et pouvait être instauré sur délibération dans les zones tendues et sur autorisation préfectorale dans les autres communes.

La loi nouvelle unifie le régime puisqu’elle offre la même autonomie à toutes en leur permettant d’adopter le dispositif par délibération. Les communes se retrouvent classées en deux catégories et non plus trois.

Les communes faisant partie du périmètre d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants (TLV), soit depuis 2023, 3 697 communes (Décr. n° 2013-392 du 10 mai 2013, Dalloz actualité, 16 mai 2013, obs. Y. Rouquet ; mod. en dernier lieu par le décr. n° 2023-822 du 25 août 2023, Dalloz actualité, 12 sept. 2023, obs. Y. Rouquet), également qualifiées de zones tendues, pourront instaurer le contrôle du changement d’usage des locaux à usage d’habitation sur simple délibération (CCH, art. L. 631-7, mod. par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 1°).

Dans le même temps, les communes hors zones tendues pourront également mettre en place la procédure par simple délibération. Si l’autorisation préfectorale n’est plus requise, il faut toutefois que la délibération soit motivée par un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant (CCH, art. L. 637-9, mod. par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, 3° ; Dalloz actualité, 2 déc. 2024, obs. A. Fontin).

Faciliter la preuve de l’usage d’habitation

En pratique, c’est souvent à la commune qu’il appartient de prouver l’usage d’habitation du local dans le cadre d’un contentieux sur l’affectation d’un logement à la location en meublé touristique lequel constitue, en principe, un changement d’usage soumis à l’autorisation en application de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.

Le législateur a donc souhaité lui faciliter la tâche dans le cadre de sa lutte contre l’explosion de ce type de location.

Il est désormais fait référence à l’usage d’habitation et non plus à la destination à l’habitation qui est une notion du droit de l’urbanisme (CCH, art. L. 631-7, al. 2, mod. par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 1°, c).

Est à usage d’habitation tout local habité ou ayant vocation à l’être même s’il n’est pas occupé effectivement, notamment s’il est vacant ou lorsqu’il a fait l’objet d’un arrêté pris dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne (CCH, art. L. 631-7, al. 6, créé par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 1°, d).

La preuve de l’usage d’habitation d’un local pourra être apportée à la fois au sein d’une période de référence entre 1970 et 1976 et au sein d’une période glissante de 30 ans (CMP, rapp. n° 492 ; CCH, art. L. 631-7, al. 3 mod. par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 1°, d).

Actuellement, il doit être démontré que le logement en question était affecté à usage d’habitation au 1er janvier 1970. La Cour de cassation s’est d’ailleurs montrée très stricte sur le respect de cette date (Civ. 3e, 28 nov. 2019, n° 18-23.769 P, Dalloz actualité, 20 déc. 2019, obs. A. Cayol ; D. 2019. 2352 ; AJDI 2020. 206 , obs. G. Daudré ; ibid. 165, point de vue J.-L. Seynaeve ; Rev. prat. rec. 2020. 31, chron. D. Gantschnig ; 28 mai 2020, n° 18-26.366 P, Dalloz actualité, 29 juin 2020, obs. C. Dreveau ; D. 2020. 1174 ; ibid. 2021. 1048, obs. N. Damas ; AJDI 2021. 128 , obs. N. Damas ; Rev. prat. rec. 2021. 33, chron. D. Gantschnig ; 7 sept. 2023, n° 22-18.101 P, Dalloz actualité, 25 sept. 2023, obs. A. Martineau ; D. 2023. 1589 ; ibid. 2024. 1047, obs. N. Damas ; AJDI 2024. 366 , obs. N. Damas ). Avec la réforme, les collectivités devraient plus souvent arriver à leurs fins et gagner leur combat contre les loueurs frauduleux.

Modification du régime des autorisations temporaires de louer en meublé de tourisme

L’autorisation temporaire pourra être étendue aux personnes morales et un quota pourra être mis en place par les communes.

Les personnes morales, telles que les SCI, pourront bénéficier d’une autorisation temporaire. Les communes peuvent décider d’instaurer une procédure d’autorisation temporaire du changement d’usage en vue de permettre à une personne physique de louer un local à usage d’habitation en meublé de tourisme, sans que cela le fasse changer de nature (CCH, art. L. 631-7-1-A). Cette faculté, dont le bénéfice était, jusque-là, réservé aux personnes physique (TA Rennes, 15 déc. 2022, n° 2003369) est ouverte par la loi aux personnes morales (CCH, art. L. 631-7-1-A, al. 1, mod. par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 2°, a).

L’outil que constitue l’autorisation temporaire est considéré comme mieux adapté à une gestion dans le temps des meublés de tourisme, il est plus souple qu’une autorisation accordée à titre « définitif » (attachée au propriétaire ou au local s’il y a eu compensation). Il a donc semblé utile de permettre aux collectivités de l’utiliser également envers les personnes morales qui représentent une part importante des propriétaires. Toutefois, comme le relève un rapport parlementaire, les communes pourront choisir de continuer de soumettre les personnes morales au changement d’usage avec compensation si elles l’estiment plus adapté (Rapp. Sénat, n° 586).

Cet élargissement, permettra également de soumettre les personnes morales au système des quotas d’autorisations temporaires.

Instauration par les communes de quotas d’autorisations temporaires. Les communes pourront décider sur tout ou partie de leur territoire, dans une ou plusieurs zones géographiques qu’elles délimitent :

  • du nombre maximal d’autorisations temporaires qui peuvent être délivrées ;
  • ou de la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire de changement d’usage (CCH, art. L. 631-7-1 A, al. 3, créé par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 2°, c).

Dans ces zones, les autorisations permanentes données en vue de la location en meublé de tourisme ne pourront plus être délivrées, à moins qu’elles ne s’accompagnent de compensation (CCH, art. L. 631-7-1 A, al. 3, créé par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 2°, c).

Cette modification législative donnera un fondement légal à des délibérations de collectivités créant de tels quotas qui avaient été attaquées devant le juge administratif.

Il est précisé que toutes les autorisations seront délivrées pour une durée identique, inférieure à cinq ans. La délibération devra définir la procédure de sélection entre les candidats, laquelle prévoira des garanties de publicité et de transparence applicables de manière identique aux demandes initiales et aux demandes de renouvellement (CCH, art. L. 631-7-1 A, al. 3, créé par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 2°, c).

La loi exclut les logements inclus dans des résidences de tourisme pour le calcul des quotas lorsqu’ils constituent des résidences principales en dehors des périodes de location touristique (CCH, art. L. 631-7-1 A, al. 4, créé par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 2°, c).

Conformité du changement d’usage au bail ou au règlement de copropriété

Le demandeur d’une autorisation de changement d’usage temporaire en vue de la location en meublé touristique devra attester, sur son honneur, que cette affectation est conforme aux stipulations du règlement de copropriété (CCH, art. L. 631-7-1 A, al. 5, créé par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 2°, c).

Le dispositif paraît très léger pour protéger les copropriétaires. Il peut cependant avoir la vertu pédagogique de conduire le copropriétaire à aller lire le règlement de sa copropriété et vérifier si rien ne s’oppose à la location touristique dans l’immeuble (v. aussi notre article, Loi Le Meur : interdiction des locations de tourisme dans les règlements de copropriété, Dalloz actualité, 3 déc. 2024). Ce qui ne le préservera pas non plus d’actions judiciaires de ses voisins en cas de nuisances du fait des allées et venues.

Élargissement et majoration des sanctions de la réglementation du changement d’usage

Actuellement, l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ne sanctionne que les manquements à l’article L. 631-7 du même code et donc ne vise pas les autorisations temporaires de changement d’usage en vue de la location en meublé de tourisme. Cet oubli est réparé par la loi du 19 novembre 2024 (CCH, art. L. 651-2, al. 1, mod. par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 4°, a).

Le législateur en profite pour doubler le montant plafond de l’amende civile applicable qui passe de 50 000 à 100 000 € (CCH, art. L. 651-2, al. 1, mod. par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 4°, a). Compte tenu des profits réalisés, la somme initiale ne se révélait pas assez dissuasive. Cependant, cela peut demeurer insuffisant lorsqu’une compensation au changement d’usage était requise. Ainsi, une amende de 50 000 € a été prononcée dans le cas où le meublé touristique avait été loué pendant cinq ans, générant des gains mensuels d’environ 20 000 € et alors que la compensation qui aurait dû être versée se serait élevée à 200 000 € (Paris, ch. 1-2, 3 nov. 2022, n° 22/06036).

L’auteur de l’amendement à l’origine de la mesure a même relevé que le montant des amendes est si faible par rapport aux revenus de l’activité qu’ils sont intégrés par les loueurs en tant que charges dans leur business model (Amendement n° 148, Sénat).

Outre la commune et l’Agence nationale de l’amélioration de l’habitat (ANAH), l’autorité organisatrice de l’habitat, et l’Établissement public de coopération intercommunale, compétent en matière d’urbanisme, pourront assigner devant le tribunal judiciaire la personne en infraction avec la réglementation sur le changement d’usage (CCH, art. L. 651-2, al. 2, mod. par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 4°, b).

Sanction des intermédiaires du meublé touristique

Un propriétaire peut proposer son bien à la location en meublé touristique en le louant à une société qui le sous-louera à des vacanciers. Dans cette hypothèse, la jurisprudence considère que tant le propriétaire que le locataire sont chacun, individuellement, passible de l’amende prévue à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation si les règles du changement d’usage n’ont pas été respectées (Civ. 3e, 15 févr. 2023, n° 22-10.187 P, Dalloz actualité, 8 mars 2023, obs. C. Dreveau ; AJDA 2023. 870 ; D. 2023. 343 ; ibid. 1420, chron. M.-L. Aldigé, B. Djikpa, A.-C. Schmitt et J.-F. Zedda ; AJDI 2023. 264 ; 11 juill. 2024, n° 22-24.020 P, Dalloz actualité, 18sept. 2024, obs. S. Auffray).

En revanche, la Cour de cassation avait estimé que le simple gestionnaire du bien, qui n’en est donc pas locataire, et prête seulement son concours à la mise en location par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plateforme numérique n’encourt pas l’amende civile (Civ. 3e, 9 nov. 2022, n° 21-20.464 P, Dalloz actualité, 16 nov. 2022, obs. G. Daudré ; D. 2022. 1967 ; ibid. 2023. 1041, obs. N. Damas ; ibid. 1420, chron. M.-L. Aldigé, B. Djikpa, A.-C. Schmitt et J.-F. Zedda ; AJDI 2023. 192 , obs. G. Daudré ; Rev. prat. rec. 2023. 28, chron. D. Gantschnig ; JT 2022, n° 258, p. 12, obs. X. Delpech ).

La loi Le Meur brise la vision des Hauts magistrats puisqu’elle soumet à l’amende les intermédiaires en location de meublés de tourisme (tels que les conciergeries, agences de gestion locatives) qui prêtent leur concours à la commission d’une infraction au changement d’usage. Toutefois, les plateformes numériques sont écartées et ne sont pas considérées comme des intermédiaires dans ce cadre (CCH, art. L. 651-2-1, créé par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 5°).

Remarque : Cette exclusion s’explique par les normes européennes applicables aux plateformes hébergeuses de contenus (Directive sur le commerce électronique, Règlement sur les services numériques dit « DSA ») qui prohibent la création d’une obligation générale de surveillance des contenus hébergés. Les intégrer entraînerait un risque de censure par la CJUE en raison de sa contradiction avec les dispositions du droit communautaire (Amendement n° 121 rect., Sénat, 1re lecture).

Dans ce cas, seules la commune et l’ANAH pourront saisir le juge pour faire prononcer l’amende contre l’intermédiaire qui ne pourra dépasser 100 000 € par local irrégulièrement transformé (CCH, art. L. 651-2-1, créé par la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024, art. 5, I, 5°).

 

Loi n° 2024-1039, 19 nov. 2024, art. 5 partiel, JO 20 nov.

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