Loi narcotrafic : le Parlement s’entend sur un texte

La proposition de loi sur le narcotrafic arrive au bout de son processus parlementaire et sera définitivement adoptée ce mardi. Sénateurs et députés se sont entendus en Commission mixte paritaire. Si le compromis a été simple à trouver, la Commission a retouché plusieurs points importants : PNACO, nullités, infiltrés civils, nouvelles infractions…

Le suspens qui entourait la Commission mixte paritaire (CMP) était limité : l’accord entre députés et sénateurs a été facilement obtenu. Si en commission, les députés avaient supprimé plusieurs dispositions clefs du texte sénatorial, la plupart avaient été rétablies en séance. Deux articles ont toutefois été renvoyés à des débats ultérieurs. D’abord, le plaider-coupable criminel pourrait être inclus dans un futur projet de loi sur les audiencements. Ensuite, le sujet des portes dérobées dans les messageries est renvoyé à un groupe de travail de l’Assemblée.

Les nullités remaniées, le dossier coffre maintenu

L’article 20 sur les nullités a fortement évolué au cours des débats. La CMP est revenue sur l’idée d’imposer le dépôt des mémoires au moins cinq jours avant. Par contre, le dernier mémoire d’une partie devra récapituler l’ensemble des moyens pris de nullité de la procédure. En matière de criminalité organisée, les demandes de changement d’avocat « chef de file » devront faire l’objet d’un dépôt au greffe.

Par ailleurs, les nullités devront être obligatoirement adressées en copie au juge d’instruction. Le projet d’imposer la dématérialisation, qui posait de nombreuses difficultés, a été supprimé (comme pour les demandes de mise en liberté). Par ailleurs, lorsque la chambre de l’instruction renverra l’affaire à une nouvelle date, le procureur général sera dispensé de notification aux parties et aux avocats présents lors du prononcé de l’arrêt.

Le dossier coffre (art. 16) a été maintenu. L’Assemblée avait intégré plusieurs suggestions du Conseil d’État. La CMP a précisé que la requête devra préciser les raisons impérieuses qui justifient que les informations ne soient pas versées au dossier, avec « toute indication permettant d’apprécier le respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité ». Les articles sur l’activation à distance des appareils ont été maintenus, tout comme l’extension des perquisitions douanières de nuit, en étant limitée aux locaux professionnels (art. 21 ter).

PNACO et dispositions pénales

Concernant le Parquet national anticriminalité organisée (PNACO), les députés avaient modifié le texte pour suivre les recommandations de la mission de préfiguration. Le procureur national anticriminalité organisée devra définir une doctrine de répartition des dossiers entre les JIRS et les parquets locaux. Le PNACO pourra recevoir toute information des services de renseignement et sera systématiquement informé des nouveaux dossiers par les JIRS. L’entrée en vigueur du nouveau parquet national a été fixée à début 2026.

Concernant le nouveau délit de concours à une organisation criminelle (art. 9), il a été précisé afin d’éviter la confusion avec l’association de malfaiteurs. Le fait de concourir « sciemment et de façon fréquente ou importante à l’organisation ou au fonctionnement d’une organisation criminelle, indépendamment de la préparation d’une infraction particulière » sera puni de trois ans de prison. La loi définit aussi la notion d’« organisation criminelle », comme une association de malfaiteurs prenant la forme d’une organisation structurée entre ses membres » et préparant un ou plusieurs crimes ou délits mentionnés à l’article 706-73 du code de procédure pénale.

L’infraction d’apologie d’une organisation criminelle, adoptée par les députés, a été supprimée, car jugée non nécessaire et peu opérationnelle. Si la circonstance aggravante que des infractions liées au trafic de stupéfiants sont commises avec l’aide d’un mineur a été maintenue, ce n’est pas le cas pour le recours à une personne vulnérable.

Par ailleurs, les détenus placés dans les nouveaux quartiers pénitentiaires de lutte contre la criminalité organisée, auront un réexamen annuel (et non tous les 2 ans). La personne pourra être assistée d’un avocat, mais ça ne sera pas systématique.

Enfin, après la CMP, le gouvernement a fait renforcer l’anonymat des agents pénitentiaires par amendement.

Infiltrés civils et collaborateurs de justice

La CMP a profondément modifié l’article 19 sur les infiltrés civils. Plusieurs députés craignaient un risque de manipulation de ces infiltrés. Le régime est rapproché de celui des repentis. Il y aura une évaluation préalable du candidat à l’infiltration par le Service interministériel d’assistance technique (SIAT) et la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR), et une convention entre la personne et le PNACO, qui pourra à tout moment révoquer l’immunité de l’infiltré. Ce dernier ne pourra se rendre coupable de violence volontaire. Par ailleurs, l’infiltration, d’une durée maximale d’un an, sera suivie d’un contrôle de dix ans, afin de s’assurer que l’informateur est engagé dans un parcours de sortie de délinquance pérenne.

Sur les « collaborateurs de justice » (art. 14), la CMP a prévu qu’il n’y aura pas d’immunité totale, mais une réduction des deux tiers de la peine encourue (15 ans en cas de perpétuité). L’identité d’emprunt sera octroyée par la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR).

Dispositions antiblanchiment

À l’article 3, les dispositions sur la fermeture des commerces soupçonnés de servir à blanchir l’argent du trafic ont été modifiées : la décision sera aux mains du préfet, mais les maires seront informés. Le reste des mesures antiblanchiment ont été conservées, à l’exception des restrictions sur les paiements en espèces des résidents étrangers. À noter, les dispositions pour interdire totalement le paiement en espèce des locations de véhicules automobiles ont été durcies.

Sur le même sujet, la CMP a rétabli l’article 20 bis qui indique que l’infraction de blanchiment est nécessairement occulte, revenant ainsi sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui distingue le blanchiment et le recel.

À l’article 12 bis, la CMP a prévu qu’un décret en Conseil d’État déterminera les conditions dans lesquelles les opérateurs de téléphonie devront vérifier les données relatives à l’identité civile des clients.

 

© Lefebvre Dalloz