Loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession : le décret d’application est paru
Publié durant l’été, un décret n° 2025-813 du 13 août 2025 apporte d’utiles précisions sur la mise en œuvre de la loi n° 2025-415 du 13 mai 2025 visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession.
Comme la presse s’en est fait l’écho, l’objectif de cette loi était de répondre à une demande forte et récurrente des associations de défense des consommateurs, qui constatent depuis plusieurs années que les opérations bancaires réalisées au moment d’une succession donnent parfois lieu à des frais injustifiés au regard des vérifications et formalités accomplies par les banques. Pour lutter contre les excès, la loi du 13 mai 2025 insère un article L. 312-1-4-1 au code monétaire et financier et pose ainsi un véritable principe de gratuité pour toutes les opérations bancaires liées à une succession (on notera tout de même que l’art. L. 312-1-7 c. mon. fin. prévoyait déjà depuis une dizaine d’année que la clôture du compte est gratuite, quelles qu’en soient les circonstances).
Cette gratuité concerne trois hypothèses strictement définies. Tout d’abord, les successions qui ne présentent pas de « complexité manifeste » et à condition que le demandeur justifie de sa qualité d’héritier soit par un acte de notoriété, soit par une attestation prévue à l’article L. 312-1-4. Ensuite, les successions comportant un montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d’épargne inférieur à 5 910 € (montant fixé par l’arrêté mentionné au 2° de l’art. L. 312-4-1). Enfin, les successions d’enfants mineurs. En outre, le texte précise que cette gratuité concerne les comptes de dépôt et de paiement ainsi que les livrets et plans d’épargne les plus courants (livret A, LEP, LDDS, livret jeune, PEL, PEP et PEA).
C’est ce dispositif que vient compléter le décret du 13 août 2025. L’ultime alinéa de l’article L. 312-1-4-1 prévoit en effet qu’un décret détermine les conditions d’application de la gratuité ainsi que les modalités de plafonnement des frais pouvant être prélevés. Pris après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (lequel a été rendu en juill. dernier mais non encore publié), le décret apporte donc des éclairages sur deux points : à la fois sur l’application du principe de gratuité et sur les hypothèses dans lesquelles il peut y être dérogé. On les retrouve dans un article D. 312-1-3 du code monétaire et financier.
Sur les modalités d’application de la gratuité, les précisions apportées par le décret sont légères. Et pour cause, bien des éléments qui auraient pu être fixés par décret l’ont finalement été dans la loi elle-même. Cette dernière a en effet été amendée, à la fois par les députés et par les sénateurs, ce qui a permis de détailler les comptes et livrets concernés par le dispositif et de préciser ce que recouvre la notion de « complexité manifeste » du règlement successoral donnant lieu à la mise à l’écart du principe de gratuité. Sur ce dernier point le décret ajoute toutefois que, lorsque la complexité tient à la présence d’un élément d’extranéité, il peut notamment s’agir « du domicile fiscal ou de la résidence habituelle du défunt ou de l’un des héritiers localisé à l’étranger ou encore de l’application totale ou partielle d’une loi étrangère pour les besoins du règlement de la succession ». Il s’agit des hypothèses qui venaient prioritairement à l’esprit lors de la lecture de la loi.
En revanche le décret n’apporte aucune précision sur les « opérations » bancaires concernées par le texte. Sur ce point les parlementaires ont en effet renoncé à établir une liste des opérations bénéficiant de la gratuité et décidé de laisser cette question entre les mains du pouvoir réglementaire, mais ce dernier n’a manifestement pas jugé utile d’apporter des précisions. Dans le silence du décret, il faut donc considérer que le dispositif concerne toutes les opérations bancaires dès lors qu’elles interviennent pour régler une succession. On peut se référer, à titre d’illustration, aux opérations évoquées lors des discussions parlementaires : blocage des comptes, liquidations des produits d’épargne ou encore vérification des pièces produites par le successible.
Comme cela était attendu, le décret précise également les modalités d’encadrement des frais bancaires dans l’hypothèse où la gratuité n’est pas de droit.
L’article L. 312-1-4-1 précise en effet qu’en dehors des cas de gratuité précédemment évoqués, les opérations sur compte liées à une succession peuvent donner lieu à un prélèvement de frais « dans la limite de 1 % du montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d’épargne du défunt mentionnés au premier alinéa et dans la limite d’un montant fixé par le même décret ». La fixation d’un taux maximal de 1 % fut très discuté et il fut maintes fois proposé de la supprimer par voie d’amendement. Les parlementaires ayant toutefois conservé cette précision légale afin d’éviter que le futur décret ne vide le texte de sa substance, il restait à préciser le montant maximal des frais pouvant être prélevés par la banque. Il était en effet prévu que le plafond en pourcentage serait complété par un plafond en valeur, afin de dissuader les banques de facturer des montants excessivement élevés en présence de sommes importantes sur les comptes. Le décret indique ainsi que la limite du montant de prélèvement est fixée à 850 €. Une revalorisation automatique a en outre été prévue, le décret précisant que « ce montant est revalorisé au 1er janvier de chaque année, à due proportion de l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée par l’Institut national de la statistique et des études économiques. »
En somme, le dispositif loi/décret semble satisfaire l’objectif poursuivi par ses auteurs : mettre en corrélation le montant des frais, qui rémunèrent logiquement le banquier, avec le coût réel des opérations réalisées par ce dernier. Ce décret d’application entrera en vigueur en même temps que la loi, soit le 13 novembre prochain.
Décr. n° 2025-813, 13 août 2025, JO 14 août
par Alexandra Bouscavert, Maître de conférences, Faculté de droit, économie et administration de Metz
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